La phrase dessina sur ses traits un sourire touché. Frottant nerveusement l'arrière de son crâne, il emboita le pas pour suivre Géralt vers l'intérieur. Une sensation étrange le traversa quand il entra dans le bâtiment. C'est drôle pourtant. Absolument rien venait de changer, non ? Ce lieu avait toujours été une sorte de seconde maison. Le seul vrai changement c'est qu'au lieu d'être un refuge officieux, il devenait son refuge officiel. Ainsi donc, son mentor ne serait pas Géralt ? C'était évident, mais une petite moue s'arqua un bref instant sur ses lèvres. Qui donc allait hériter du fardeau qu'il représentait ?
L'aile des Héritiers … Etrangement, il connaissaient plutôt bien le chemin. Après tout, la chambre de sa créatrice se trouvait non loin de là. Tel un vieux meuble de la maison, Ariette décorait le chemin de sa présence. Il lui adressa un petit sourire qui se transforma rapidement en rictus lorsque la petite dame lui claqua les fesses, lui lançant un regard scandalisé. Vraiment mamie, on ne claque pas les fesses des gens ainsi voyons ! Il avait retenu un rire en écoutant Géralt mentionner l'EHPAD. « Et encore, il faudrait que tu la donnes avec de l'argent pour qu'ils l'acceptent ! » s'était-il d'ailleurs retenu de murmurer.
Le vieux vampire s'était arrêté devant une porte. Sans même qu'il le dise à voix haute, Matheus savait qui se trouvait derrière cette dernière. Summer. Une vampire. Il l'avait croisé plusieurs fois lors de ses passages fugaces en direction de la chambre de sa créatrice, échangeant des sourires mais jamais des paroles. Bon bah ! Ils allaient enfin pouvoir faire connaissance ?
Quand la porte s'était ouverte, il avait essayé d'afficher un sourire sympa – quand même un peu gêné. Au départ, il regardait son visage. Mais … En entendant Géralt lui sonner de se vêtir, son regard s'autorisa une glissade vers le bas comme pour vérifier de lui-même la légitimité de la requête du vieux vampire. Ouais. Ouais. Elle était nue. Totalement nue. Son coup d'oeil fut bref, mais suffisant pour le confirmer. Bafouillant un peu, il adopta une position similaire à celle de Géralt : regard fuyant et corps de trois quarts, ses yeux ronds fixant un point fixe sur le mur.
A juger par l'intonation de Géralt, ce n'était pas la première fois qu'elle se montrait dans son plus simple appareil. Il l'avait regardé quoi ? Quelques secondes ? Sauf que voilà. Lui, il avait une mémoire photogénique. Assez pratique pour continuer à dessiner ses modèles lorsqu'ils ne posaient pas pour lui. Sauf que là, ce n'était pas son modèle et il n'était pas dans son atelier. C'était juste une putain de femme nue dont l'image était maintenant ancrée dans sa tête. Comment diable allait-il réussir à la prendre en sérieux en tant que mentor maintenant ?! Comment lui allait réussir à rester sérieux aussi ?
- Euh … Sa-salut Summer. Tu vas bien ?
Balbutia-t-il toujours en fuyant le regard de son corps. Un petit rire nerveux avait tout de même réussi à s'échapper de sa gorge tandis que ses deux mains s'étaient glissées dans ses poches. Il avait l'air ridicule à détourner le regard. Ridicule quand on repensait aux nombreux corps qu'il avait eu devant les yeux. Quand il voyait un corps nu, c'était uniquement pour deux raisons. Soit pour le travail et là, il était capable de vider son esprit de toutes pensées libidineuses, ou bien dans un cadre plus … privé, intime et personnel. La nudité de Summer ne s'intégrait dans aucun cas auquel il était habitué. Elle l'avait simplement et purement déstabilisé.
Ariette qui lui claque le cul et sa voix lascive … Summer qui ouvre la porte complètement à poils …
Je crois que Gérald commence à désespérer sur mon cas. Il faut dire que je ne l’aide pas beaucoup à penser que je suis une femme bien. Professionnellement parlant, il n’y a rien à redire et ça, il a pu l’observer à plusieurs reprises. Cependant en dehors de mon boulot, je suis une catastrophe. Aujourd’hui encore je le fais désespérer. Lorsque j’entends toquer à ma porte, je viens ouvrir mais…nue et trempée. Gérald me tourne rapidement le dos, suivi rapidement par Matheus qui l’imite en partie. Pour l’un, je peux comprendre. Il est jeune, il n’a peut-être jamais eu de petite-amie, il est peut-être timide, etc. Mais pour Gérald…. Il a déjà vu des femmes nues à plusieurs reprises. Il a déjà eu des aventures, il est médecin aussi alors voir un corps nu, c’est rien.
- Rho ça va, j’ressors juste de la douche et c’est pas la première fois que tu vois un corps nu. Puis ose dire que je suis moche !
L’expression qu’il affiche en jetant un coup d’oeil vers moi en dit long sur sa pensée. Le ton qu’il emploie pour me répondre aussi.
- Enfile des fringues…
Il regarde ensuite à nouveau ailleurs dès que son message est passé. Alàlà. Ce que les gens peuvent être coincés par moment. M’enfin puisque c’est ce que le chef souhaite, j’imagine que je n’ai pas trop le choix. Mais ça reste de sa faute à mes yeux. Il a toqué à la porte alors que je venais de terminer ma douche. Il ne s’attendait tout de même pas à ce que je me cache avec une serviette ?! Il a toqué avant que je ne puisse me changer même s’il ne pouvait pas le savoir. Je mets quand même la faute sur lui. Mauvaise foi, tout ça tout ça.
- Ca va très bien et toi, Trésor ?
Je laisse la porte ouverte mais m’éloigne un instant le temps d’enfiler une simple robe pendant que Gérald explique la suite à Matheus. Flemme de mettre plus de couches de tissu et ça cache les zones « gênantes » alors ils feront avec. Je reviens ensuite vers les hommes en soupirant.
- C’est bon, vous pouvez vous retourner.
Gérald ne se retourne pas longtemps. Il a à peine terminé son discours à Matheus que le voilà en train de s’en aller. Je réponds tout de même à ses salutations, toute guillerette en levant la main.
- Au revoir Gérald !
Je ne sais pas s’il a entendu puisqu’il est déjà au téléphone mais peu importe. J’ai donc désormais un descendant à ma charge. Il est donc temps de vraiment faire connaissance avec le bonhomme. Je l’ai déjà vu plusieurs fois mais on ne s’est jamais réellement adressé la parole en dehors des salutations.
- Alors Matheus, pas trop peur de m’avoir comme mentor ? Ne t’en fais pas, j’serai gentille. J’imagine que Gérald t’a déjà expliqué le fonctionnement du clan ?
Un petit rictus s'arqua sur les lèvres, retenant au passage un rire nerveux. Il ne savait pas trop ce qu'il devait penser de cette première « approche » avec sa nouvelle mentor. Elle n'était pourtant pas une totale inconnue. Ils s'étaient déjà croisés plus d'une fois dans les couleurs de l'Hôtel, mais uniquement en coup de vent. Il pensait la « connaître », mais maintenant qu'elle se tenait devant lui avec cette nouvelle casquette sur sa tête, il réalisait qu'il ne savait rien d'elle. Et elle ne savait probablement rien de lui.
- Euh. Euh. Non. Enfin, oui. Je connais le fonctionnement. Mais euh. Faisons les choses bien et je pense qu'un petit rafraichissement ne me ferait pas de mal …
Techniquement, oui. Il connaissait le fonctionnement du clan. Il fréquentait ce dernier depuis son jour 1 en tant que vampire. Dès le départ, sa créatrice voulait qu'il le rejoigne d'ailleurs. Mais … Matheus avait longtemps été perdu entre sa vie humaine et sa nouvelle existence vampirique. Il n'avait pas souhaité devenir vampire pour appartenir à un clan, ni par quête de puissance … Il voulait juste avoir du temps. Plus de temps pour atteindre ses objectifs personnels. Alors oui. Il connaissait le fonctionnement du clan, mais il avait toujours écouté ces paroles d'une demi-oreille désintéressée.
Il connaissait le principe des descendants et des mentors par exemple. Après, les règles plus spécifiques concernant son adhésion et les changements de cette dernière allait apporter sur sa vie semblaient encore assez floues pour lui.
- On peut aller faire un tour pour en discuter ou bien euh restez-là ? Comme tu veux. Pour le coup, je connais déjà plutôt bien l'Hôtel. Sauf peut-être les parties réservées aux membres du clan.
Il bafouillait un peu moins ce coup-ci. Mais bon. Il continuait à fuir du regard Summer, enfin surtout son corps. Elle était certes vêtue, mais bien pauvrement. Et le tissu de sa robe collé contre son corps encore humide de la douche laissait deviner des formes mettant en doute l'efficacité de son vêtement à couvrir correctement son corps. Il essayait de se focaliser uniquement sur son visage. Surtout ses yeux. Ses yeux bleus là. Pour revenir à ce qu'elle avait lancé à Géralt, pour le coup non. Il n'oserait jamais dire qu'elle était moche tiens.
Les traits de son visage étaient particulièrement fins sans pour autant être enfantins. On distinguait dessus peu de marques de vieillesse. Par ce simple détail, il était déjà en train de se dire que sa transformation s'était produite entre ses 20 et 30 ans. La forme de sa mâchoire est plutôt arrondie donnant un air faussement angélique à son visage … Et voilà. Il commençait déjà à l'analyser.
Bande de timides et coincés ! Ils voient une femme nue sortant tout juste de la douche et ils paniquent déjà. En plus ce n’est pas comme s’ils n’avaient jamais vu de corps féminin. Gérald s’en tape une régulièrement et Matheus...ben je ne sais pas mais je suis sûre qu’il a déjà vu une femme nue. Et si ce n’était pas le cas avant alors maintenant c’est fait ! Bref je me suis donc vêtue très simplement mais au moins j’ai quelque chose pour recouvrir mon corps. Petites natures. Une fois cela réglé, je reviens vers le jeune vampire...quoique je crois qu’il est plus vieux que moi. Peu importe après tout. Si je suis sa mentor, c’est qu’il a une expérience plus petite que moi quelque part. Non ? Bref on s’en fout, pour moi c’est un jeune vampire. Pas en terme d’âge mais en terme d’arrivée chez les Héritiers. Voilà. Je trouve un bon compromis contre moi-même, tout va bien.
- Ca marche !
Marcher tout en lui faisant sa piqûre de rappel concernant la vie ici ? Ca me va. C’est même une bonne idée de se dégourdir les jambes. On aura même l’air moins cons aussi que si on discutait bêtement devant ma chambre.
- On peut marcher. J’te ferai visiter un peu les lieux que tu connais moins bien en même temps.
Je rentre un instant dans ma chambre le temps d’enfiler des chaussures puis en ressors avant de fermer la porte. Je me mets ensuite en route avec le descendant mais avant de commencer le rappel, j’en profite pour le taquiner un peu. J’ai le droit, j’en ai envie.
- Tu sais si tu veux tant voir mon corps, y a pas besoin de me reluquer à travers le tissu. J’peux tout retirer fissa, hein.
Il croyait peut-être que je n’avais pas vu ses petits coups d’oeil gênés ? Sa façon de me fuir ? Raté monsieur ! J’observe le monde et je m’éclate lorsque je vois que je ne les laisse pas indifférents !
Après l’instant taquinerie, je redeviens un minimum sérieuse pour lui expliquer un peu la vie chez les Héritiers, les règles et j’en passe. Je pense que Gérald lui en a déjà parlé donc mes paroles sont plus une remise à niveau qu’une véritable explication. J’en profite aussi pour lui montrer plus en détail l’aile réservée aux membres du clan. Je lui donne aussi quelques anecdotes concernant Ariette et certains habitants des lieux. Gérald en voit de toutes les couleurs ici et pas seulement à cause de moi ou de sa copine. Il vaut mieux mettre Matheus au courant pour qu’il sache dans quoi il s’embarque désormais. Ce n’est pas pour lui foutre les jetons, c’est seulement pour qu’il sache à quoi s’attendre du côté des Héritiers même s’il en a déjà eu un petit aperçu.
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