Quelques semaines. Cela faisait quelques semaines que cette fameuse nuit avait eut lieu, la nuit qu'Elisa et lui avaient passé ensemble, dans ce lit de sa chambre d'ami. Comme toujours en la présence de l'héritière, il avait perdu ses repères, il n'avait pas su se comporter de façon complètement raisonnable et... Il l'avait embrassé. Cela ne s'était pas bien passé. Ce contact les avait tous les deux placé dans le tourment et... Ils avaient convenus de s'arrêter là. Il était resté près d'elle, et ils s'étaient endormi dans les bras l'un de l'autre.

Ils n'avaient pas reparlé de l'événement depuis. Elisa venait de quitter son foyer, et elle avait beaucoup de choses à gérer de son côté. Elle n'était pas restée longtemps chez lui, logeant d'abord chez un de ses amis qui s'était avéré être son secrétaire, puis dans un organisme accueillant les jeunes femmes. Il aurait pourtant aimé l'avoir chez lui mais... Il s'agissait d'un souhait qui n'était pas raisonnable, qu'il devait enfouir.
Elle ne l'avait pas repoussé lorsqu'ils s'étaient embrassé. L'homme d'affaires sentait qu'une chose se passait entre eux. Mais il savait aussi ce qui les en empêchait. Il ne lui avait pas encore tout dit sur qui il était. Ce qu'il avait fait. Parce qu'il savait très bien qu'en le faisant, il risquait de la perdre. Tout comme il avait peur de la salir...

Cependant, malgré ses peurs, il n'avait pas été capable de ne pas la voir pendant ces quelques semaines. Ils s'étaient donc revus à plusieurs reprises, profitant simplement de moments simples ensemble. Elisa apprenait la vie seule, et si c'était exaltant pour elle, il avait rapidement compris que dans sa cage dorée, de nombreuses choses étaient faites pour elle.
Ainsi, parmi les choses que la jeune femme aux cheveux d'argent ne savait pas faire... Il y avait les tâches ménagères. Elisa, douce ingénue, semblait très peu rompue à l'entretien d'une maison et du quotidien. Et lui, extrêmement maniaque, était expert.
Il lui avait donc proposé de lui donner quelques leçons sur la façon de faire le ménage, et l'avait invité pour cela chez lui. Elle n'était pas revenue chez lui depuis cet incident, alors il avait été un peu nerveux, comme à son habitude. Il avait même cherché à consulter Ambre à ce sujet, qui lui avait été comme toujours d'un précieux secours.

Il l'avait invité à venir chez lui dans l'après-midi. Ils auraient ainsi le temps de voir les fondamentaux du ménage, et il pensait pousser le vice jusqu'à l'inviter à dîner. Après tout, elle appréciait ses plats, et lui aimait la voir sourire. Tout comme il aimait l'impressionner avec des prouesses culinaires. Il se doutait du pourquoi, mais malgré tout il ne pouvait se résoudre à ne plus le faire. Il devait pour autant être raisonnable. Sinon il la blesserait à nouveau.
En la voyant arriver, Anodé sortit de son logement avec un sourire doux. Il était sincèrement heureux de la voir. Il n'en avait pour une fois pas fait trop sur sa tenue, pourtant une chemise blanche unie entrouverte pour se prémunir des grosses températures, et un jean confortable. Il n'y aurait pas eut de sens à porter des tenues hors de prix pour du ménage, et il se sentait suffisamment bien avec elle pour lui montrer ce trait de lui... Même si cela devait détonner des vêtements qu'elle voyait ordinairement sur lui.

- « Bonjour, Elisa, je suis content de te voir. Comment vas-tu, et comment se passe tes premiers jours à la Sororité ? »

Le brun attrapa doucement la main de la jeune femme, plus par réflexe que par geste conscient, et l'invita à le suivre chez lui. Il la débarrassa de ses affaires en trop, et l'invita à s'asseoir.

- « J'espère que tu ne crains pas de mettre la main à la pâte, car je peux être impitoyable en tant que professeur. », dit il en souriant. C'était ordinairement vrai, mais il sentait confusément qu'il ne le serait pas avec elle. « Aussi, avant que nous commencions, tu souhaites peut-être que je t'offre quelque chose à boire ? »

L'Elisa qu'il avait en face de lui était bien différente de celle qu'il avait côtoyée auparavant. Elle portait une tenue civile, bien opposée à ses précédentes tenues hors de prix. De cette façon, elle avait l'air moins immaculée, et étonnamment plus sûre d'elle. Cependant, c'était toujours elle, cette femme qu'il savait adorer, qui évoluait à toute allure. Et même comme cela, il la trouvait très belle. Il aurait pu contempler chaque aspect de son apparence pendant des heures sans qu'il se lasse, mais cela aurait gênée la jeune femme à juste titre.

Cependant, il ne pouvait empêcher son regard sur elle d'être différent. Plus brûlant à certains moments. Depuis ce baiser... Quelque chose avait changé. Il repensa à sa discussion avec Ambre, qui lui avait conseillé de ne pas cacher la vérité. C'était ce dont il avait envie aussi... La peur de la perdre était omniprésente.
Il l'écouta raconter son début de vie, et la guida à l'intérieur. L'imaginer dans une petite chambre avait de quoi prêter à sourire, mais elle lui semblait bien plus épanouie ainsi, c'était donc une bonne chose. Mais des années de cage dorées ne s'effaçaient pas comme ça, il lui restait donc des choses à apprendre. Sa remarque le fit sourire. Il y a peu, elle ne se serait pas permise de le taquiner comme cela.

- « Je suis terrible oui, tu as raison d'être effrayée. De plus, je vais te faire faire mon ménage d'une certaine façon, tu vois bien que je t'exploite. »

Son logement était habituellement impeccable en permanence, Anodé ayant le défaut d'être extrêmement maniaque, mais pour cette fois, il s'était forcé à ne pas tout faire, pour qu'elle ait de quoi s'exercer. Le tout restait très propre, mais pour lui, ne pas tout récurer avait été difficile.
Il servit deux jus de fruit (qu'il avait préparé en cocktail colorés pour l'impressionner), et s'installa en face d'elle, l'écoutant raconter son nouveau quotidien.
Cela avait été difficile, hein... Cela restait très différent de ce qu'elle avait connu. Et comme le craignait, la Sororité avait montré à Elisa que la réalité pouvait être très difficile. Le public accueilli là-bas avait souvent vécu des choses innommables. L'une d'entre elle par sa faute. Pour Elisa, qui brillait d'une blancheur immaculée dans ce monde, cela avait du être choquant.
Puis Anodé se crispa de façon visible, quand elle lui parla de Maryse, hébergée là-bas. Il s'y attendait, il savait que cela arriverait. Il était bien entendu au courant qu'elle y résidait, il l'avait surveillée, mais il espérait naïvement que ce jour ne survienne pas. Maryse, il avait cherché à la briser. Il l'avait torturée, humiliée, tout cela pour atteindre Lloyd. Il s'était réjoui de son tourment, qui lui avait permis d'apaiser le monstre d'angoisse qui existait en lui à cette période.
Mais aujourd'hui Elisa entendait cette histoire. Et elle était peinée de ça, plaignait sincèrement cette femme qu'elle venait à peine de rencontrer. Cette vie qu'il avait cherché à détruire. La pensée qu'il la souillerait en restant près d'elle s'intensifia dans son esprit, et Anodé chercha à boire pour camoufler son trouble.

Ces gens, elle les comparait à Ambre et lui. Pourtant, lui avait tout détruit pour survivre. C'était la seule solution qu'il avait trouvé. Laisser derrière lui un sillage de personnes brisées. Et malgré cela, il ne le regrettait pas. Mais il savait ne pas mériter ces louanges.
Son regard s'adoucit quand elle parla de ses efforts. Elle avait su s'imposer une nouvelle fois face à lui. Elle était décidément très courageuse.

- « Tu es impressionnante de bonne volonté. Tu es partie depuis si peu, mais tu as déjà beaucoup évoluée. Tu peux être fière de toi. A titre personnel, je suis impressionné, bientôt personne ne se rendra compte que tu n'as pas toujours eu cette vie, et tu deviendras la plus grande artiste de la ville. » Il était sincère dans ces compliments, elle avait su se détacher de son père en restant intègre. Elle avait plus de force qu'elle le croyait. Et le bonheur qu'il voyait chez elle lui faisait du bien, peut-être même que cela l'avait aidé de son côté. Elle l'interrogea, et il sourit. « Eh bien... Ma vie n'est pas aussi palpitante que la tienne. Je me suis assommé de travail récemment, et j'ai pris très peu de temps. J'espère pouvoir établir de nouveaux partenariats pour le Fever, et élargir le champ d'activité de mes entreprises... Mais je crains que cela ne t'intéresse peu. Profitons simplement de cette soirée, mon élève qui va bientôt demander du répit. Je suis content de te voir. Devrions-nous nous mettre à la tâche ? »

Anodé sortit quelques ustensiles de ménage, comme des balais et serpillières, et les lui montra. Il eut un sourire taquin, et lui montra un coin de la pièce un peu poussiéreux (l'horreur). Il espérait refouler les quelques pensées qui lui venaient en se focalisant sur le ménage.

- « L'important dans le ménage, comme dans beaucoup de choses, c'est d'être méthodique. Je vais te montrer les bases... Par exemple, pour balayer, il est bien plus efficace de partir des coins et de revenir. »

Il se cambra un peu devant elle, lui tournant le dos pour lui montrer un mouvement efficace pour réunir la poussière, et en peu de temps former un tas, qu'il récupéra et jeta. Il l'invita ensuite à la rejoindre, et ensemble ils pratiquèrent quelques gestes du ménage.
Cependant, même la proximité avec elle ne parvenait pas à chasser les funestes pensées qui ne demandaient qu'à s'installer. La peur qu'il avait de la perdre. Mais qui était remplacée par une autre peur, beaucoup plus funeste, de la blesser encore davantage. S'il lui mentait, s'il lui cachait la vérité... Un jour elle serait dévastée. Ce n'est pas ce qu'il voulait. Plus que tout il voulait la préserver.
Et sans doute devait-il la préserver de lui également.

Elisa, près de lui, était si belle en cet instant, même dans une tâche aussi commune que le ménage. Elle était belle dans sa volonté de s'émanciper, d'apprendre, de changer. Et lui avait la sensation d'être attiré par cette lumière qu'elle émettait dans sa vie. Il voulait la tenir contre lui, la chérir, l'embrasser, l'aimer. Cependant, il ne le pouvait. Il souhaitait la garder près de lui, mais la pensée confuse que ce n'était pas ce qu'il y avait de mieux pour elle l'obsédait.
Et plus que pour quiconque, pour elle, il ne voulait pas se montrer égoïste. S'il devait se révéler tel qu'il était pour qu'elle le fui, c'était peut-être la meilleure chose à faire. Même si cela signifiait révéler son plus grand secret. Même si cela signifiait qu'il pouvait tout perdre.

Il était installé derrière elle, devant une planche à repasser. Sa main était posée sur la sienne, et il la guidait dans l'apprentissage et la maîtrise de cette tâche simple. Il avait menti, il n'avait pas du tout été impitoyable envers elle lors de l'apprentissage. Il ne pouvait qu'être doux avec elle, il aimait voir ses sourires, ses expressions. Il aimait sa simple présence près de lui, si près mais pourtant si loin.
Ce soir, il allait peut-être perdre tout ça.

- « Elisa... Je dois te dire quelque chose. »

Il avait parlé sans crier gare, d'une voix douce. Les cheveux de l'ancienne héritière étaient proche de son visage, son odeur flottait dans ses narines.

- « Je ne veux plus te cacher quoi que ce soit. La vérité est que si je te dis tout... Il est possible que tu me haïsse. Que tu ne veuilles plus me voir. S'il te plaît, ne me dis pas que ce n'est pas possible tout de suite... Tu dois l'entendre. Tu sais ce qui m'est arrivé. Ce qui nous est arrivé, à Ambre et moi. Cet épisode m'a... J'ai été... Cassé. »

Il employait le même terme qu'avec ses précédentes victimes. Cassé. Il avait été brisé, pendant ces événements.

- « Je devais... tout contrôler. Pour me protéger, pour protéger Ambre. Quand elle était plus petite... Elle a failli mettre fin à ses jours. J'ai juré alors de tout mettre sous mon contrôle, afin que rien ne puisse lui arriver... Et je l'ai fait. Nos parents allaient lui faire du mal. Alors je ne les ai pas laissé faire... Ce qui leur est arrivé. Ce n'était pas un accident. C'était moi. »

Il ne l'avait pas lâché, comme s'il pouvait la garder près de lui un peu plus longtemps comme ça. Pourtant, à chaque instant, il savait qu'elle pouvait se dérober. S'enfuir. Il ne la retiendrait pas. Après tout, ces instants de bonheur qu'elle lui avait apporté, il s'était dit depuis longtemps qu'il pouvait les perdre à tout instants. Ces morceaux de joie indicible avaient toujours menacés d'être fugaces. Éphémères.

- « Je devais reprendre le contrôle sur eux. Alors j'ai tout planifié. J'ai tout prévu. J'ai tout... contrôlé. Et j'ai gagné contre eux. Ils ne sont pas morts, mais c'est tout comme... Je cherchais à les tuer. Cette vérité, seule Ambre la connaît... Et maintenant toi. »

Et il ne regrettait pas cet acte qu'il avait commis ce soir là. Si c'était à refaire, il le referait sans hésiter. Tout pour protéger Ambre. Pour se préserver lui. Et reprendre le contrôle.
Le contrôle, pourtant, il le perdait à cet instant. Sa voix était lente, mais il se surprenait à trembler. Il lui révélait ce qui pourrait causer sa perte. Il lui vouait une confiance aveugle, au point de lui donner le moyen de le détruire si elle le voulait. Mais surtout, il s'exposait devant elle comme il ne s'était jamais exposé, il avait bien plus peur que quand il lui avait montré son dos. C'était un visage de lui qu'il lui avait toujours caché qu'il montrait ce soir, et il était terrifié qu'elle le déteste. Qu'elle le déteste lui.
Et il ne lui avait même pas encore tout avoué...

Sa voix faiblissait. Son corps le trahissait. Son être tout entier lui manifestait son désaccord, cherchait à lui dire qu'il n'était pas trop tard. Il pouvait encore noyer le poisson, peut-être qu'elle oublierait. Ou peut-être pouvait-il prétendre qu'il s'agissait d'une plaisanterie. D'une très mauvaise blague. Ou peut-être qu'il pouvait juste s'enfuir. Ses jambes qui tremblaient pouvaient le mener en quelque secondes à la porte. Il pouvait disparaître, il pouvait se soustraire au jugement d'Elisa qu'il craignait d'affronter.
Son cerveau était en suractivité, et le bombardait de scénarios possibles qui lui permettraient de mettre fin à la conversation, de continuer comme si rien ne s'était passé.
Mais cette fois, il ne voulait pas fuir. Elisa était contre lui, l'écoutant attentivement, il le savait. Cela faisait trop longtemps qu'il percevait comme étant un numéro d'équilibriste. Il lui montrait des facettes de lui, s'ouvrait à elle comme à aucune autre personne auparavant. Cependant, il avait toujours caché le plus important.

Son esprit, habitué à envisager les pires possibilités, construisit instantanément mille réponses de l'ancienne héritière possibles. Est-ce qu'elle allait crier ? Est-ce qu'elle allait pleurer ? Allait-elle le frapper avec ce fer à repasser ? Allait-elle se sentit déçue ? Trahie ? Incomprise ? Allait-elle penser qu'elle aurait mieux fait de rester chez son père ? Allait-elle regretter de l'avoir rencontré ? Est-ce qu'elle allait souhaiter qu'il meure ?
Non.... Non, il ne voulait pas ça. Pour autant en s'ouvrant à elle, en avouant son premier péché, il ne pouvait pas faire autrement que se sentir terrifié. Impuissant. Fragile. Il pensait pourtant qu'il s'était préparé à dire toutes ces choses. Qu'il était paré aux réactions qu'elle pourrait avoir, même si elle décidait de ne plus le voir... Pourtant, cette terreur semblait vouloir l'engloutir jusqu'à ce qu'il ne puisse plus bouger. Il avait envie de pleurer. De se recroqueviller.

Elle était face à lui, et elle le regardait. A plusieurs reprises il détourna le regard, et employa tout ce qu'il avait pour la regarder de nouveau dans les yeux. Dans ce regard pur, exempt de toute tache et de toute malice. Il n'y avait pas de meilleur juge pour ce procès.
Il n'y avait pas d'autre issue que de déclarer sa culpabilité.









Quelques secondes passèrent, puis... Anodé la sentit plus qu'il ne la vit bouger. Il sentit la main de la jeune femme autour de la sienne. La terreur reflua face à une sensation de douceur qu'il ne connaissait que trop bien. Une douceur qu'elle seule savait lui faire ressentir. Elisa.
Suspendu à ses lèvres, il écouta ce qu'elle avait à dire. Elle ne le haïssait pas. Elle avait compris il y a bien longtemps qu'il y avait quelque chose derrière ce masque de droiture.
Mais pourtant... Pourtant... Elle lui disait être attirée. Par lui. Il le savait, il ne voulait juste pas l'accepter, avait peur de l'accepter. Après ce qu'il avait fait... Et pourtant, même s'il avait peur de ça, entendre ces simples mots d'Elisa provoquaient une étrange chaleur en son corps. Il se sentait empli d'une sensation indescriptible, tendre, chaleureuse...
Il la laissa terminer ce qu'elle avait à dire. Elle savait qu'il avait été cassé. Mais... Elle voulait malgré tout qu'il reste près d'elle. Elle voulait qu'il se reconstruise. Auprès d'elle.
Il vit son visage s'approcher, lui abandonna sa dernière main. Elle était si près, il voyait le moindre détail de son visage, le moindre soupçon d'émotion dans son regard... Elle était si belle qu'il avait l'impression qu'il allait être absorbé.

- « Tu... Je suis aussi prodigieusement attiré par toi Elisa. Je... Ne peux te dire pourquoi. Mais près de toi, je me sens.. vrai. Je t'ai montré des traits de moi que j'ai caché à tous les autres. Et tu n'as pas fui, tu es restée près de moi. Je... ne voulais plus te quitter. Je ne demande qu'une chose... Rester près de toi. »

Il n'avait peut-être jamais voulu autant quelque chose pour lui-même. Ses parents, il l'avait fait pour Ambre avant tout. Et les années suivantes, il avait avant tout cherché à survivre. A tuer le fantôme de ses géniteurs qui le poursuivait, à maîtriser son angoisse. Mais aujourd'hui... Il voulait qu'elle soit là. Il voulait que son quotidien soit empli d'elle. De son sourire. De ses regards. De ses manières. De ses faiblesses aussi. Au fond, il savait bien ce qui se passait. Il était tombé éperdument amoureux d'Elisa Cartwright. Pourquoi cette simple pensée avait été aussi difficile à formuler ?

Mais... C'était précisément parce qu'il l'aimait qu'il ne pouvait pas juste faire ce que ses sentiments lui dictaient. Qu'il ne pouvait pas juste l'embrasser, lui murmurer qu'il voulait se changer auprès d'elle. Elle méritait bien mieux que ça. Elle méritait la vérité. Celle qu'il ne lui avait pas encore dites.

- « J'ai envie de ça... De ce que tu me proposes. De ta bonté, de ta gentillesse. Mais, Elisa... Tu ne sais pas tout. Tout ce que j'ai commis. Mes parents... Ce n'est pas tout ce que j'ai fait. Après les avoir brisés... J'ai brisé d'autre personnes. »

Son regard tremblait alors, qu'après avoir révélé son premier péché, le plus lourd, il allait lui dire tous le reste. Tout ce qu'avait été sa vie pendant les années qui avaient suivies.

- « Même après leur avoir fait ça... Mes angoisses ne sont pas parties. C'est comme s'ils étaient encore là. J'ai repris l'entreprise familiale, et j'ai changé son secteur. Pour autant, tous ne sont pas légaux, et une fortune comme celle-ci ne peut pas être uniquement vertueuse... Je pense que tu le sais. Mais ce n'est pas le pire. Il m'avais répété que je n'étais rien dans ce monde de surnaturel, n'ayant même pas un don d'Éveillé... Alors je devais garder le contrôle. Et je m'en suis pris aux surnaturels. »

Il recommença à trembler. Ses mains serraient celle d'Elisa, luttant pour ne pas lui faire mal, pour ne pas la blesser plus que ce qu'il risquait de faire aujourd'hui.

- « Des femmes, des hommes... Des personnes de ces groupes de vampires ou de loup-garous puissants, que l'on pouvait appeler les Sanguinaires, les Enragés... Je m'en suis pris à eux. J'en ai kidnappé plusieurs. Je les ai brisés. Mais je ne le faisais pas par justice... Je devais avoir le contrôle sur eux. Je m'en suis pris à une femme qui avait comme seul péché d'être en couple avec un homme puissant des Sanguinaires. Aujourd'hui, elle est à la Sororité. Tu la connais sans doute. Je lui ai fait du mal. »

Ses paroles se déversaient sans qu'il ne puisse les arrêter. Il avait l'impression qu'un barrage avait cédé, et que maintenant tout un flot longtemps maintenu sous contrôle jaillissait. Il lui disait la vérité crue, sans ambages. Il ne cherchait pas à se montrer sous un meilleur jour.
Mia Stanley. Maryse Gray. Ce n'était que deux noms, mais il en avait brisé tellement d'autres... Il revoyait les expressions de leurs visages alors qu'il cherchait à les casser. Le soulagement qu'il avait ressenti en les sentant céder.

- « A ce moment... Ces choses, c'était ce dont j'avais besoin. Pour survivre, gagner contre mes parents. Ce n'est pas une excuse, je le sais bien. Et le principal signe que je ne suis pas bon... C'est que je ne regrette rien, Elisa. Je regrettais d'être faible au point de devoir faire ça pour faire taire mes angoisses mais... M'en prendre à eux n'est pour moi qu'une conséquence nécessaire de mon incapacité à gagner contre Arthur et Constance Cimedroite. Car je suis égoïste. »

Tous ces gens, il les avait sacrifié sur l'autel de sa vengeance contre ses parents. Il n'avait pas éprouvé de joie, au fond, en faisant tout cela. Il n'était pas heureux de faire cela. Il s'était contenté de lutter contre lui-même, d'essayer de faire taire ses angoisses.

- « Aujourd'hui... Je ne fais plus cela. Parce que... Je n'en ai plus besoin. J'ai changé. Tu m'as fait changer, j'ai cessé d'essayer de tout cacher. Pour autant, cela n'excuse rien. C'est cela que je t'ai caché pendant tout ce temps, Elisa. Mais... Je ne voulais pas que tu l'ignores. Tu es tellement importante pour moi... Mais la réponse la plus logique ici, c'est que tu serais sans doute mieux, bien plus heureuse, loin de moi. Même si je ne commets plus ces actes, cela n'efface pas ce que j'ai commis. Je... Ne pense pas que tu devrais rester près de moi. Mes envies importent peu. Tu l'as dit, je ne suis pas un chevalier blanc. Ce que je suis, ce que j'ai été... Tu le sais maintenant. »

Elle avait su voir qu'il y avait quelque chose derrière son masque. Elle avait su qu'il n'était pas parfait, mais elle s'était quand même sentie attirée. Cependant, cela ne durerait sans doute pas après qu'il lui ai dit ça. Après tout, elle était si pure... Il lui avait donc révélé ses péchés brutalement. Cela aiderait peut-être la jeune femme à tourner la page, à partir sans se retourner.

- « Je suis désolé. »

Il avait terminé la phrase sur des excuses. De quoi s'excusait-il exactement ? De ne pas lui avoir révélé toute la vérité ? D'avoir brisé les illusions qu'elle pouvait avoir ? Certainement de tout cela à la fois. Anodé avait peur d'affronter son regard, et de découvrir ce qu'il y verrait. Il était malgré tout probable qu'elle le déteste. Apprécier une personne qui avouait ses faiblesses et un criminel étaient deux choses bien différentes. Il n'avait pas envie qu'elle le déteste, mais si c'était ce qu'il y avait de mieux à faire pour le bonheur de l'ancienne héritière, il le ferait. Il finit par trouver le courage de la regarder dans les yeux. Il y trouva des larmes.
Voyant cela, l'aîné des Cimedroite crut sentir quelque chose se briser en lui. Comme il l'avait prévu, il l'avait blessée. Cette femme qu'il adorait avait été blessée par sa faute. Même savoir que cela était nécessaire, la meilleure chose, n'apaisait pas cette douleur, cette culpabilité.
Pourtant, il la vit essuyer ses larmes, et rester en face de lui. Est-ce que cela allait être son réquisitoire ? Quel que soit celui-ci, il s'y soumettrait. Elle disait que cela ne changeait rien, elle avait raison. L'émotion qu'elle mettait dans sa voix était palpable.

Cependant, la suite du discours changea. Elle lui disait qu'il pouvait se racheter. Elle parlait de don à la Sororité... Pensait-elle que cela suffisait. Il eut un sourire triste. Il était bien placé pour savoir que ce n'était pas le cas. Il échangé tout l'argent du monde si cela avait pu effacer ce qu'il avait subi. Ce qu'Ambre avait subi.
Mais non, Elisa restait lucide. C'était la moindre des choses, selon elle. Il ne pouvait réfuter cet argument. Un don à une association juste était mieux que rien du tout. Un instant, il se demanda s'il avait véritablement le désir de se racheter. Les remords qu'il éprouvait étaient centré sur lui même. Les autres étaient des sacrifices nécessaires à sa survie... Cependant, s'il souhaitait cesser de sacrifier des gens sur l'autel de son angoisse, un don pouvait être une bonne façon de commencer. La suite viendrait en temps et en heure.

Surtout qu'Elisa n'avait pas terminé de parler. Elle voulait lui montrer des choses ? Elle voulait se venger ? Mais de quoi ? De son père ? Alors qu'il se posait ces questions, il la vit se rapprocher, et le serrer contre elle. Il sentait de nouveau son odeur, sa chaleur. Elle était contre lui. Son esprit mit quelques secondes à analyser qu'il avait de nouveau droit à ce bonheur mêlé d'autres sentiments. Elle n'avait pas fui. Elle était la, contre lui. L'homme d'affaire, après un instant, la serra également contre lui avec énergie, ses mains se crispant dans le dos de la belle. Maintenant qu'il la tenait, il avait l'impression qu'il ne voudrait plus jamais la lâcher. Cependant, il dut bien cesser son étreinte à un moment, de peur de lui faire mal.
Proche d'elle, il la contemplait. Se venger sans violence... Voilà une utopie qu'il n'avait jamais envisagé. Peut-être qu'elle pouvait encore lui apprendre autre chose. Cependant le terme « venger » dans sa bouche sonnait presque comme un blasphème. Elle avait changé, il le savait. A l'épreuve de cette réalité si sordide qui était la leur elle avait évolué. Mais malgré cela, il était attiré envers elle plus que jamais.

- « De quoi... Souhaites-tu te venger, Elisa ? De qui ? Je cherches à punir ceux qui ont le contrôle, et qui s'en servent pour maltraiter autrui. Ceux qui se croient intouchables. Des Sanguinaires... Des Enragés... Ces gens nés doués, puissants et qui ont mit cette énergie pour dominer autrui. »

Sa voix tremblait moins, était plus douce. Il parlait d'une facette de lui qu'elle avait déjà accepté. Et il était encore plongé dans le simple bonheur que sa présence lui apportait. Cette présence qu'il avait pensé perdre.

- « Je veux me reconstruire... Je ne veux plus perdre contre mes parents. Ni contre moi. Je ne crois pas que je pourrais jamais devenir un individu altruiste, mais je voudrais au moins cesser de briser par simple nécessité de survivre. Alors je ferai ce don... »

Il n'était pas parvenu à complètement la lâcher. Maintenant qu'elle était près de lui, que l'angoisse partait, il... Il avait encore envie de la toucher. De sentir sa chaleur sous sa main. De la voir sourire. Il se força à se calmer. Il était encore sous le coup de l'émotion, ce qui déréglait son fonctionnement. Anodé tint précieusement la main d'Elisa contre lui, comme s'il tenait un bijou profondément lumineux.

- « Mais ce que tu me dis... Tu... N'as pas peur de moi ? Je n'ai fait que mentir, tu n'as pas peur que je te mente ? Ou que... je te fasse du mal ? Je te promets que je ne te ferais jamais rien mais... Tu ne crains rien ? »

Sans vraiment qu'il le réalise, sa main se leva et vint caresser la joue de la jeune femme. Sa peau était chaude et douce. Il avait presque du mal à croire qu'elle était bien réelle. Que ce qui se passait arrivait vraiment. Peut-être était-il en train de rêver.
Il découvrait un nouveau visage de cette femme qu'il aimait. Un visage qui ne s'était pas forgé à son contact, elle n'était pas dépendante de lui, il le savait bien. Elle avait vu ce qu'était la réalité, et en avait tiré ses propres conclusions. Il voulait voir plus de cette Elisa également. A cet instant, il la voyait si forte... Mais restait une interrogation.

- « Et plus important que tout le reste... Cela veux dire que tu veux bien rester auprès de moi ? »

Il n'aurait pas eut la force de lui dire une nouvelle fois qu'il serait mieux qu'elle parte. Egoïstement, il voulait la garder près de lui. Il était bien près d'elle, si bien...

Ainsi, d'une certaine façon, leur but se rejoignaient... Ils souhaitaient s'attaquer à ces personnes qui avaient tout, et qui s'en servaient pour dominer. Il était surpris qu'Elisa ait ces idéaux, la fragile héritière avait considérablement changé ces derniers mois. La différence résidait dans leurs motivations. La ou lui était mû principalement pour des raisons égoïstes, pour se prouver qu'il était meilleur que ces personnes et qu'il pouvait les dominer comme eux dominaient, Elisa pensait principalement aux victimes, qu'elle voulait protéger. Il avait l'impression qu'elle et lui formaient deux facettes d'une même pièce. La métaphore était ironique, étant donné que son argent était sa meilleure arme contre eux...

Mais elle lui avait aussi prouvé qu'elle connaissait ce monde, notamment en apprenant l'existence du chef des Enragés. Lui avait de son côté appris l'identité de la personne derrière les Sanguinaires. C'était toutefois un milieu dangereux, il espérait qu'elle ne s'y implique pas. Aussi lorsqu'elle fit mention de ses souhaits, il ne put retenir un soupir de soulagement.

- « Tu es décidément pleine de surprises... »

Il n'aurait jamais imaginé il y a quelques temps qu'ils auraient ce genre de conversation aujourd'hui. Qu'elle se tiendrait fièrement en face de lui pour lui annoncer ce genre de choses, ni qu'elle voudrait s'attaquer à des grandes fortunes ennemies. Et par dessus tout, il n'aurait jamais pu imaginer qu'elle puisse rester en face de lui après lui avoir avoué autant de choses. Il n'aurait jamais pu ne serait-ce que concevoir qu'elle puisse accepter ces choses. Il l'avait espéré, rêvé... Mais ne s'était pas dit un seul instant que cela était possible. Ambre lui avait pourtant interdit de dire qu'il ne la méritait pas. Peut-être avait-elle raison, au final. Elle comme Elisa ne semblaient pas être d'accord avec lui.
Peut-être méritait-il vraiment ce bonheur, au fond.

Il se perdait dans la contemplation de cette femme qui lui disait qu'elle lui faisait confiance. Elle comprenait qu'il lui ait caché la vérité, et ne lui en voulait pas. Et surtout, plus que toute chose son regard parlait pour elle. Le regard de l'ancienne héritière était chargé d'une telle tendresse qu'il ne s'imaginait pas un seul instant qu'elle puisse ne pas être sincère. C'était un sentiment étrange. Il lui confiait ses pires angoisses, et lui lui rendait sans hésitation de la douceur, une douceur enveloppante qui le satisfaisait. Il mettait habituellement tout en doute, mais pas avec elle. Ce qu'elle lui communiquait, par ses gestes et par ses mots était absolu.

Et puis il posa sa dernière question, et il la vit rougir. Il y avait un mais ? Un peu perdu, Anodé contempla le visage d'Elisa auparavant plein de confiance qui avait soudainement du mal à le regarder. Elle était si belle comme cela. Etait-ce vraiment le moment de penser cela ? Il n'en était pas sûr, mais il n'était pas capable de chasser cette pensée de son esprit. Elle s'y imposait, alors qu'il la regardait, écarlate et si gênée.
Il resta silencieux, lui laissant le temps de réussir à dire ce qu'elle souhaitait lui faire entendre.
Et puis elle finit par s'exprimer, et baissa les yeux. Anodé resta coi, alors que le sens de ses paroles finissaient par atteindre ses oreilles.

Elle ne voulait pas être son amie. Mais elle voulait rester près de lui. Est-ce que... Anodit sentit lui aussi le rouge envahir ses joues. Est-ce qu'elle venait d'avoir le courage de se confesser, malgré tout ce qu'il lui avait dit ? Il n'avait pas pu lui dire ces choses la dernière fois, la première fois qu'ils s'étaient embrassé, parce qu'il lui cachait encore la vérité, et il avait sottement supposé que même si elle restait près de lui après sa confession, cela ne serait plus pareil. Mais à présent... Devant le visage rouge de l'ancienne héritière, Anodé sentit une fois de plus toutes ses certitudes vaciller. Il ne savait pas comment lui répondre. Que devait-il dire ? Quelle était la bonne formule ?

- « Je... Je comprends oui... »

Non, ce n'était pas ça. Anodé finit par avoir le courage de lever sa main, de caresser une fois de plus la joue de l'héritière, et il lui saisit le menton entre le pouce et l'index. C'était le même geste que celui qu'il avait eut l'autre fois. Mais à cette époque, celui-ci était plein de doutes. Ce n'était plus le cas. Elle avait su lui dire ce qu'elle voulait, et lui avait admit la vérité qu'il y avait au plus profond de lui. Rouge également, Anodé regardait Elisa comme s'il la découvrait pour la première fois. Ou peut-être la redécouvrait-il. Cette femme qu'il avait l'autorisation d'aimer.
Il releva un peu le visage de la belle, et se pencha vers elle. Il avait l'impression que le temps tournait au ralenti, mais cette fois, le doute s'envolait. Et enfin, Anodé put déposer un baiser sur les lèvres d'Elisa.

Il sentit son cœur s'emballer dès la première seconde, et sa température corporelle augmenter, alors qu'une irrésistible sensation de bonheur envahissait chaque parcelle de son corps. Enfin, il pouvait l'embrasser sincèrement. Enfin, il pouvait lui communiquer ce qu'il avait caché pendant si longtemps. Alors qu'il l'embrassait, il ressentait au plus profond de lui qu'il ne faisait pas d'erreur, et il put devenir plus brave, une de ses mains allant derrière le visage de la jeune femme et l'autre derrière son dos pour que cela devienne autant une étreinte qu'un baiser. Il la voulait contre lui, il y avait tant de choses qu'il souhaitait lui dire... Lorsque finalement leurs lèvres se séparèrent, il resta proche de son visage. Les deux étaient écarlates. Ils étaient passés par tellement d'épreuves pour en arriver là.

- « Maintenant... Je peux te le dire. Je veux que tu restes à mes côtés, je ne veux pas d'une autre personne. Je veux te voir, je ne fais que penser à toi... »

Il essayait de mettre ses mots sur ses sentiments , et ce n'était pas évident. Devait-il lui faire une longue liste d'arguments qui l'avaient conduit à se rendre compte de ce qui se passait ? Il avait la vague sensation que ce n'était pas cela qu'il fallait faire. Pour autant, c'était la seule chose qu'il savait faire. Raisonner logiquement. Il revint caresser ce visage qu'il adorait tant, comme s'il réalisait qu'il y était autorisé.

- « Et toutes ces choses... Je sais que c'est parce que je... J'éprouve de l'amour pour t... Non, ce n'est pas cela. Je t'aime, Elisa. Je t'aime juste tellement. A tes côtés, j'ai l'impression que je peux tout surmonter. Alors maintenant, je peux te le dire. Restes avec moi. Je ferais tout pour te rendre heureuse. »

Lui qui s'était si souvent battu contre ses émotions, voilà qu'il était complètement dominé par celles-ci. Et le plus étonnant était qu'il n'avait pas la moindre intention de les refouler. Il était simplement envahi par une multitude de signaux agréables, signaux qui ne faisaient que se renforcer à chaque fois qu'il se rapprochait de l'ancienne l'héritière, à chaque fois qu'il pouvait sentir sa peau sous ses doigts, à chaque fois que leurs lèvres se touchaient, à chaque fois qu'il pouvait voir son regard plein d'émotions... C'était donc ça, ce que les gens appelaient l'amour. Ce n'était pas aussi romantique que ce qu'il avait pu lire dans tous les ouvrages de référence, ou dans les films qu'il avait pu voir, notamment avec Elisa mais.. C'était quelque chose de puissant, qui l'appelait et qu'il voulait ressentir encore et encore.

Et ce sentiment devint lui aussi encore plus fort dès lors qu'Elisa vint confesser ses sentiments elle aussi. Elle pleurait, et il craint un instant de lui avoir fait du mal, cependant il réalisa assez vite que ce n'était pas à cause d'une tristesse enfouie qu'elle pleurait. Elle aussi savourait ce moment à sa façon, et lui aussi constatait que ses yeux piquaient un peu... Mais ce fut peut-être par fierté qu'il ne se laissa pas aller.
Elle était donc sûre de son choix, hein... Il était ému. Tellement ému. Anodé vint essuyer les larmes sur le visage de... son aimée, et sentit de nouveau ce déferlement de signaux positifs. Ce n'était que de l'endorphine et de la sérotonine, il savait expliquer logiquement ce qui se passait, mais il comprenait enfin que ce qui comptait n'était pas l'explication rationnelle derrière ça, mais bien ce qu'il ressentait. Et ce qu'elle ressentait avec lui.

Lorsqu'elle vint se lover contre lui, il se sentit encore partir, alors qu'il l'écoutait parler. Il sentait le corps chaud d'Elisa contre lui, et il sentait le sien brûler en conséquence, comme en réaction à la levée des restrictions qu'il s'était mis jusque la. Comme si, maintenant qu'ils s'étaient tous deux avoué ce qui se passait, il autorisait son corps à l'aimer aussi.

- « Oui... Je ne demande que cela, que nous ayons notre havre de paix... »

Ivre d'amour, il vint déposer un autre baiser sur ses lèvres. Il n'en revenait pas d'avoir droit à ce bonheur. Il étreignait Elisa comme s'il ne voulait plus jamais la lâcher, et c'était en un sens le cas. Une étrange chaleur lui dictait ce qu'il devait faire. Et s'il l'écoutait, il ne cesserait jamais de l'embrasser.

- « Alors j'imagine que nous pouvons dire que nous sommes... en couple ? C'est en tout cas ce que je désire. »

Ce n'était qu'un point de détail, mais il ressentait encore le besoin de vérifier ça. Ou peut-être qu'il voulait simplement l'entendre le dire... Il avait envie de dire qu'il s'agissait maintenant de son Elisa, mais n'était-ce pas trop tôt ? Dans les comédies romantiques, cela arrivait rapidement, mais... C'était bien différent dans la réalité. Il regarda la table à repasser avec un petit rire.

- « Je ne pensais pas que... Notre séance ménage nous amènerait à avoir cette discussion. Mais j'en suis heureux. »

Il finit par la lâcher, et rangea la table à repasser... L'ambiance n'était plus trop à l'apprentissage, il voulait juste... Que voulait-il en fait ? Simplement profiter de la femme qu'il aimait et qui l'aimait en retour ?

- « Voudrais-tu... Rester ici ce soir, Elisa ? Aujourd'hui, je ne veux pas te quitter. »

Il réalisa alors que cette phrase pouvait être interprétée différemment, et du rouge envahit rapidement ses joues, alors qu'il balbutiait.

- « Je... Je ne pensais à rien d'inconvenant. Je veux simplement te garder près de moi, et peut-être... Je ne sais pas, regarder un film, ou autre chose. Pardonne-moi si ma proposition semblait indécente. »

Il ne trouvait plus ses mots, et se sentait comme un adolescent qui gérait sa première relation amoureuse. Sauf qu'il avait plus de trente ans, et qu'il était bien plus vieux qu'elle. N'était pas lui qui était censé être sûr de lui ?

Ils désiraient la même chose. C'était insignifiant, mais ce simple fait arracha un sourire tendre à l'homme d'affaires. Ils allaient pouvoir passer la soirée ensemble. Passer du temps ensembles. Peut-être même allaient-ils pouvoir faire des choses de couples, comme... Que faisaient les couples ensemble, en fait ? Il avait évidemment vu bon nombres de films et avait lu une quantité astronomique de romans, et étudié la psychologie de l'adulte mais... Il n'avait que peu d'indices sur la façon dont ils devaient maintenant occuper leur temps ensemble. Il savait naïvement qu'il serait simplement heureux de sa présence, mais ils n'allaient pas se contenter de se blottir béatement l'un contre l'autre pendant le restant de la soirée, si... ? Il avait proposé un film, et l'idée semblait motiver Elisa. Il sentait intuitivement que l'expérience serait différente, cette fois-ci.
Sa nouvelle compagne vint achever de le convaincre de ce simple fait en déposant un baiser sur ses lèvres, et proposa ensuite quelque chose. Se faire livrer ? Voilà une idée novatrice.

L'homme d'affaires pencha la tête sur le côté et se mit à réfléchir. Il était déjà prêt à cuisiner, se tenant toujours paré pour ce genre de situation, et avait déjà considéré un menu. Il ne commandait pour ainsi dire jamais, ses vieux réflexes paranoïaques ne faisant pas confiance à de la nourriture que quelqu'un avait livré, et ayant l'habitude de tout faire soi-même. Cependant, en voyant le regard d'Elisa il lui fit un sourire en hochant la tête. Il voyait bien que c'était important pour elle.
Et en s'engageant en couple, il avait également accepté de... changer. Il était temps qu'il abandonne ses vieux moyens de fonctionnement, et qu'il s'ouvre au changement. Ce n'était pas devenir plus faible que d'envisager de lâcher un peu prise. D'accepter une petite perte de contrôle sur la situation.

- « Alors je recommanderai de prendre quelque chose à regarder devant le film... Cela pourrait être amusant, comme tu le dis. »

Elle lui proposait de choisir le film... Que pouvait-il prendre cette fois ? La dernière fois, il avait sélectionné un film romantique pour lui faire plaisir. Elle avait semble-il apprécié, mais il pouvait être sympathique de changer de registre. Un film d'un autre genre, qui la tiendrait en haleine, sans pour autant l'effrayer... Anodé réfléchit un instant, puis choisit un polar anglais se passant à l'époque victorienne, se déroulant sur un bateau. Il ne contenait pas de détails sordide, mais l'ambiance était agréable...
Lorsqu'il revint, il vit Elisa sur son téléphone, qui choisissait la nourriture... Elle semblait comme subjuguée par cette liberté. Anodé ne put retenir un sourire en la voyant ainsi. Elle semblait tellement heureuse de cette liberté... Son Élisa. Il avait le droit de penser ainsi maintenant, n'est-ce pas ? Voyant qu'elle hésitait, il vint s'installer à côté d'elle. Près de son amoureuse.

- « Alors je te propose italien. Les pizzas sont généralement une valeur sûre, et les manger devant un film est une véritable institution. Je penses que tu apprécieras. »

Quelques temps après ils avaient commandé, et suivaient directement la progression du livreur grâce au GPS. Il fallait admettre que cela avait un aspect ludique, de suivre la progression en vélo du dénommé Pablo. C'était véritablement quelque chose qu'il ne faisait que peu. Même avec Ambre, il avait toujours tendance à ramener, ou bien à sélectionner lui-même les restaurants et à aller chercher la nourriture à la limite. Ce soit était une véritable leçon de laisser-aller pour lui. Mais c'était grisant d'un certains côté.
Il sortit dehors récupérer les commandes, et vint les déposer devant eux. Il sortit également une couverture qu'il installa sur eux, lui disant que ce n'était pas grave de la salir, que c'était la pour ça... Après tout, autant s'installer confortablement, non ?
Le nouveau couple se retrouva donc à manger devant le film qu'Anodé avait choisi, mangeant des parts de pizzas bonnes, mais de toute évidence très grasses. Ce qui n'était pas grave. Lors du film... Anodé s'autorisa à passer son bras autour d'Elisa, après avoir mangé et s'être nettoyé les mains. Il l'avait déjà fait la fois précédente mais... C'était tout de même une situation différente. Il s'autorisait timidement plus de gestes. Ainsi, il ne l'attira pas simplement contre lui, il accepta même de lui caresser les cheveux ou le cou à quelques moments... Il s'enhardit a plusieurs reprises et déposa de petits baisers sur son visage, ses joues voir sur ses lèvres à un petit moment. Il était difficile de rester concentré sur le film en l'ayant si près de lui... Et la tâche devenait encore plus ardue maintenant qu'il savait qu'ils étaient en couple. Son corps fourmillait de signaux, qui lui disaient d'être tactile, et il ne savait qu'en faire.
C'était si nouveau, et pourtant si agréable... Lors de quelques moments davantage effrayants, il eut le réflexe de la serrer contre lui, comme pour la rassurer. Il savait pertinemment qu'elle était courageuse, vu tout ce qu'elle avait accepté ou subit mais... C'était venu naturellement. Peut-être était-ce aussi une excuse pour un câlin...

« Mon chéri »... C'était la première fois qu'elle l'appelait comme ça, c'était une formulation un peu familière mais... Cela réchauffait son cœur de voir sa tendre le nommer de cette façon. Il trouva sa rougeur adorable, et il vint l'embrasser.

- « J'espère bien, Je pense que nous avons un panel de street food que nous devrons essayer. Et j'aimerais bien découvrir cela avec toi... mon amour. »

Il lui rendait la politesse, lui souriant avec un air un peu gêné. Ce film apparaissait comme un oasis de tendresse. Une fois qu'ils eurent terminés de mangés, le nouveau couple put profiter des minutes restantes de l'oeuvre cinématographique pour pouvoir manifester leur douceur l'un envers l'autre. C'était des petits gestes, qui ne signifiaient peut-être rien pour beaucoup. Mais pour eux, c'était l'autorisation de manifester pour la première fois des signes qui dépassaient le cadre de la simple affection. Anodé réalisait qu'il pouvait lui dire qu'il l'aimait autrement que par les mots, et avait le sentiment que chacun des gestes qu'il avait envers elle servait à lui dire d'une autre façon à quel point il tenait à elle.
Il sentait qu'elle frissonnait sous ses gestes, culpabilisa un peu de lui gâcher le film, mais... Il ne pouvait cacher son envie de lui faire ressentir cette tendresse qu'il éprouvait pour elle. Et il sentit de nouvelles émotions lorsqu'elle commença à y réagir différemment. Quand elle l'embrassa, et se blottit contre lui, et encore plus lorsqu'elle se mit à son tour à lui caresser la main. Il était conquit, il était juste bien, et il sentait toute la tension qui pouvait demeurer dans son corps s'envoler curieusement. Il était bien, rassuré, à côté de cette femme qu'il pouvait câliner...

Il regretta presque que le film se termine, désirant passer encore plus de temps comme ça avec elle... Leur premier moment. Mais il se raisonna bien vite en se disant que celui-ci serait certainement suivi de bien d'autres instants qui seraient tout aussi... féeriques. Elisa se leva alors, enlevant la couverture. La question de la suite de la soirée se posait. Il savait bien qu'il n'avait pas envie de la laisser partir mais... Serait-il capable de le lui dire ? Il n'en était pas sûr...
Mais ce fut encore elle qui fut brave. Elle avait les joues roses, et elle était toujours aussi belle de bravoure, osant lui dire ce qu'ils voulaient tous les deux. Anodé se leva à son tour, et vint s'approcher de sa douce. Il vint doucement lui voler un baiser, et caressa encore ses cheveux.

- « Bien sûr... Je voulais te le demander. », murmura-il, comme s'ils n'étaient pas seuls. « Je ne veux pas que tu partes... Restons ensemble cette nuit. »

Après l'avoir embrassé, prit d'une envie d'ardeur, il se pencha sur elle, et la souleva, riant doucement. Il l'emmena ensuite dans sa chambre, et déposa tendrement sa belle sur le lit, la regardant tendrement. La dernière fois, elle avait dormi dans la chambre d'ami et il l'avait rejoint mais maintenant, il ne voulait plus ça. Ils devaient partager sa chambre, ce n'était plus une simple invitée.
Il ne voulait pas la quitter des yeux mais... Il dut bien le faire pour aller dans une autre pièce pour se changer, et mettre un pyjama simple... Même s'il avait fait des bravades en la portant... Ce n'était pas pour autant qu'il devait s'exhiber. C'était beaucoup trop gênant et... Ce n'était sans doute pas comme ça que cela devait se passer. Il la rejoignit de nouveau dans sa chambre lorsqu'ils furent tous les deux changés, et l'homme d'affaires vint étreindre une nouvelle fois l'ancienne héritière.
Il l'accompagna ensuite dans le lit et... spontanément se mit près d'elle, après avoir éteint les lumières. Ils étaient ensemble sous les draps, se regardant même s'ils ne pouvaient pas se voir dans l'obscurité, il le savait. Cette fois, aucun des deux n'avait du demander à l'autre sa présence. C'était juste... naturel.
Il vint l'attirer contre lui. Le corps de la jeune femme était tout chaud... Et cette chaleur était curieusement réconfortante. Il se sentait apaisé.

- « J'ai encore envie de te le dire... Je t'aime, Elisa. Je n'en reviens pas d'avoir droit à ce bonheur... »

Et après lui avoir dit ces phrases d'amour sincères, le brun vint l'embrasser avec douceur. Et plus encore que les autres, ce baiser vint diffuser une étincelle de bonheur paisible dans tout son corps. C'était tellement... agréable d'être avec elle comme cela. Comme par réflexe, il recommença à caresser les cheveux de la jeune femme qu'il aimait... C'était comme à chaque fois, des petits gestes... Mais cette fois, ils n'étaient plus ce qu'ils étaient avant. Il avait envie de plus... Maintenant qu'ils étaient ensemble. Il s'autorisa alors à être davantage tactile, laissant ses mains courir dans le cou et dans le dos de la belle. De son Elisa. C'était leur première nuit ensemble en tant que couple et... Il était si bien. Et il avait envie qu'elle soit bien aussi...
Aussi, après quelques minutes de câlinage, il lui murmura  « Puis-je... ? », et après avoir obtenu son accord la fit basculer sur le ventre... Pour pouvoir ensuite s'installer derrière elle, et commencer à lui masser tendrement le dos, glissant timidement ses mains sous le vêtement de l'ancienne héritière pour lui caresser le dos... Il était écarlate, ne sachant pas trop ou non s'il franchissait des limites. Il ne voulait rien d'inconvenant juste... Qu'elle se sente bien. Et sans doute avait il aussi envie d'explorer cette nouvelle sensation, ce moment à deux...