Se déplacer au domicile de Lloyd n’avait pas été un problème, la vampire avait besoin de bouger. Elizabeth et le vampire étaient maintenant de retour de leur petit voyage en Espagne et elle pouvait enfin souffler. Ce répit lui avait permis de récupérer son sommeil manquant, ses entraînements ratés et également de penser… Penser avait été le plus difficile dans tout cela, alors que ses souvenirs en compagnie de Rosemary faisaient parfois surface. Le pire dans tout cela était qu’elle se surprenait à en sourire bêtement. Non, elle n’avait pas le droit d’avoir des émotions. Les assassins doivent être infaillibles et sans faiblesse.

Malgré tout, c’était un cercle infernal dans lequel elle continuait de s’aventurer. Elle savait qu’elle ne devait pas s’attacher, mais continuait de lui sourire en cherchant parfois des prétextes pour la retrouver. Pourtant, elle avait gagné, ne devrait-elle pas être heureuse ? Sa conversation avec Gerald lui revenait également en mémoire lorsqu’elle regardait les billets d’avion pour l’Espagne. Elle la méritait, tout comme elles méritaient le bonheur. Et puis, n’avait-elle pas autour d’elle un nombre incalculable d’union pourtant impossible en apparence ? Lloyd et Maryse, Elizabeth et Jared, Katyusha et Victor, Gerald et sa louve… Pourquoi continuait-elle alors de nier la possibilité d’avoir Rosemary dans sa vie de façon permanente ? La peur, c’était une certitude. Et c’est cette même peur qui l’amenait à regarder de nouveau les billets d’avion pour l’Espagne dans l’attente de Lloyd.

Vint enfin l’arrivée de l’autre bras droit. Souriant au brun, la vampiresse inclinait respectueusement la tête à son intention et apportait à ses lèvres une coupe du sang de l’esclave que l’homme lui avait gentiment laissé. Posant son téléphone cellulaire dans la poche de son manteau de cuir, elle soufflait à l’intention du vampire d’un air intéressé,

-Et toi, comment vas-tu ?

Elle avait cherché les coupables de l’enlèvement de Maryse et tout portait à croire à un groupe extrémiste de féministes. Cela ne rendait pas l’acte plus acceptable et les Sanguinaires avaient cherché en vin les responsables directs. Cela en devenait frustrant et dangereux, les soldats tombaient les uns après les autres… Voilà pourquoi elle était sortie déguiser, son apparence étant très crédible grâce à l’art du maquillage.  

-Nous n’avons toujours aucune piste, je suis désolée Lloyd.

Il se concentrait alors sur le vif du sujet, l’escape room du manoir Sanguinaire. Ce projet qu’elle avait chapoté pendant plusieurs semaines avec une main de fer. Le brun étant de retour, il avait continué celui-ci et lui présentait désormais l’étendue de ses recherches. Sifflant d’admiration, la Russe hochait alors la tête en ouvrant un dossier de la pile. La suite de sa proposition faisait relever le regard des documents de l’assassine. Le fixant avec une certaine surprise, elle lui offrait alors un sourire franc, chaleureux,

-J’accepte avec plaisir ! Je me suis toujours demandé ce que cela donnerait si nous chassions ensemble en coopération.

Et elle était certaine que le résultat serait à la hauteur de ses attentes en vertu de leur récente collaboration. Tout s’était harmonisé étrangement facilement, simplement. Les deux avaient été proactifs dans leurs boulots et cela s’observait par l’efficacité dans lequel le projet avait été dirigé. Lloyd y était pour beaucoup, il avait appris à gérer la vampiresse habilement, créant une belle amitié entre les deux.

-Avec le groupe d’homme que tu m’as laissé, nous allons commencer à les capturer. Il est réaliste de proposer 15 criminels pour la soirée du premier Décembre. Je vais m’organiser pour nous trouver des proies intéressantes et un peu plus faciles pour nos Sanguinaires ayant besoin d’entraînement. Ce sera prêt pour le 1er Décembre, tu as ma parole.

Elle lui souriait en fixant la pile de dossiers, puis retournait alors son regard vers l’escalier montant au deuxième étage. Retournant son regard vers Lloyd, elle osait alors demander d’un ton plutôt doux,

-Comment va t’elle ?  

LA question était enfin poser et la vampiresse attendait tout simplement de voir si le brun accepterait de répondre. Tout était dans son droit de refuser et de préférer rester silencieux à ce sujet… Elle était tout simplement intriguée de l’état émotionnel de celui-ci, étrangement à ses habitudes. Il fallait croire que la famille qu’elle avait si longtemps combattue avait désormais gagné sa confiance, tout comme un peu de son affection. Tout avait commencé ce jour, lorsque Lloyd l’avait qualifié comme sa sœur… C’était à partir de ce jour qu’elle avait réellement commencé à se soucier de son bien-être, passant au-delà d’un simple lien de confiance.

Et voilà qu’il acceptait de se confier à cœur ouvert, l’assassine accueillait donc ses émotions sans broncher. Hochant la tête à l’occasion, elle prenait un air inquiet aux mots de celui-ci. Un traumatisme était clairement présent chez l’humaine et elle ne pensait pas avoir besoin de le verbaliser pour que Lloyd en soit conscient. Non, sa colère était présente pour une raison qui lui était propre… Il culpabilisait de la situation, prenant le blâme de l’état de celle-ci. Amusant qu’ils parlaient un peu plus tôt de l’ouverture de l’arène pour Noël, car une pluie de papier, telle de la neige, s’abattait sur le salon. Elle jetait un regard en coin tout simplement vers la table basse, avant de relever celui-ci sur le vampire, source de toute son attention. Il tentait un changement de sujet et la blonde connaissait ce mécanisme de défense, elle l’utilisait très fréquemment… C’est alors qu’elle soufflait avec une pointe d’amusement dans la voix,

-Nous passons un peu de temps ensemble… Je lui passerais tes remerciements, je suis certaine qu’elle comprendra que tu n’en avais pas la capacité lors de tes retrouvailles avec Maryse.

Prenant un air pensif, elle prenait quelques secondes de silence. Elle avait déjà été dans cette situation, mais dans son cas… Anna en était morte… Elle connaissait la culpabilité dévorante de Lloyd, à quel point elle était douloureuse, comment la rage était difficile à contrôler, c’est alors qu’elle rajoutait paisiblement,

-Tu as le droit d’être en colère Lloyd. Mais tu n’as pas le droit de prendre le sort de Maryse sur tes épaules. Tout ceci n’est pas de ta faute, ni de la sienne. Tout ce que vous avez fait a été de vous aimer… Et même si tu as des ennemis, soit s’en prendre à Maryse était un moyen efficace de t’atteindre… Mais vous restez innocent et victime de la malice d’un autre être. Aucun de vous n’a fait le choix de ce qui vient de se produire.

Prenant une pause, elle se relevait et approchait du brun en rajoutant,

-Je sais que ce que je te dis peu sembler loin, inaccessible… Mais elle aura besoin de temps… Un traumatisme est un long mécanisme de guérisons, elle devra aller à son rythme et vu son amour pour toi, je suis persuadée que sa combativité saura vaincre rapidement ce mal. Pour l’enfant, va s’y a ton rythme également. Être parent n’est pas une chose aisée, mais vous saurez relever le défi, j’en suis persuadée…

Se penchant devant le vampire, la sanguinaire posait un genou au sol et venait alors le serrer dans ses bras d’un mouvement maladroit. Pourquoi? Parce que lorsqu’on lui avait annoncé la mort d’Anna, une erreur alors que c’était elle la cible… C’est tout ce qu’elle avait désiré sur le moment, alors que ses propres bras avaient serré son torse pour apaiser la souffrance. Elle prolongeait le câlin si le vampire le désirait et terminait avec un sourire sur les lèvres,

-Tu dois te pardonner tes erreurs, parce que c’est uniquement dans le pardon que tu retrouveras le sommeil et Maryse a besoin de toi.

Cet élan d’affection était étrange entre les vampires, particuliers. Elle sentait Lloyd se tendre, mais il ne l’a repoussait pas… L’assassine avait même l’impression que cela l’avait apaisé d’une certaine façon, même si le brun était peu démonstratif. Reprenant sa place, il disait le mot qui lui arrachait un sourire des plus froids. Aucunement destiné à sa personne, non, uniquement destiné à ces chiens baveux. L’attaque sur le manoir Sanguinaire avait occasionné de lourdes pertes et durant son mois à l’hôpital, la Russe avait repassé en boucle dans sa tête le même questionnement… Comment? Comment aurait-elle pu prévenir ce massacre? Protéger les jeunes vampires? Éviter les pertes des leurs… Et durant ce mois de réflexion, elle fit face à la réponse la plus déplaisante possible… Rien… Elle n’aurait rien pu faire de plus, pas à cet heure de la journée, avec les vampires qui dormaient, avec Lloyd absent du manoir, Ruz tan à l’extérieur… Non, c’était un concours de circonstance qui avait amené un échec aussi violent et voilà que la blonde était rongée par sa culpabilité pour Dracula et pour cette violente défaite.

-Compte sur moi, je nous trouverais un beau spécimen à exploiter dans l’arène… Je rêve de me venger de ces chiens baveux depuis le dernier mois.

Quant à Donovan, elle prenait un air légèrement attristé, tout en aidant le brun à classer de nouveau les dossiers en pile. Ce vampire pourtant impertinent, agaçant, arrogant… Avait toutefois su gagner une partie de son affection. C’était un petit con, jeune, insolent, impulsif… Mais il ne méritait pas ce qui lui était arrivé, ne méritait pas la mort de Mia sur sa conscience et surtout pas aux mains de leurs ennemis jurés, les lycans. Elle s’était donc montrée plus douce qu’à l’habitude avec ce dernier, au point qu’elle regrettait même ces danses improvisées et à moitié nues dans le manoir.

-Je vais trouver un clébard pour Donovan, ce sera sa cible… Un loup pas trop puissant également, question qu’il puisse se défouler… Pour Mia.

Avait-elle d’autres sujets à aborder? Non, pas pour le moment… Sans parler que son commentaire quant au fait d’apporter un café à sa mégère la faisait alors rougir légèrement. De façon très minime, mais c’était visible. C’était le bon moment pour s’éclipser avant que le vampire ne la questionne davantage quant à leurs relations et il pourrait retourner auprès de son humaine. Un bon compromis pour tous les deux, alors qu’elle prenait la pile de dossiers sous son bras droit,

-Allons, il faut seulement savoir comment s’adresser à une dame pour en tirer le meilleur.

Elle lui envoyait un clin d’œil amusé, taquin, avant d’enfiler ses bottes laissées à la porte d’entrée. Alors qu’elle se redressait et enfilait son casque de moto, la blonde se tournait une dernière fois vers le brun, d’un air plus sérieux cette fois et rajoutait,

-Ça va aller Lloyd… Continue comme tu le fais actuellement et tes efforts sauront porter fruit.

Sur ses derniers mots, l’assassine refermait la porte de la demeure du vampire, déposait les dossiers sous son banc de moto et reprenait la route vers le manoir, espérant quand même un peu au fond que la souris s’en sorte… Sinon, qui allait-elle pouvoir énerver pour son plaisir personnel?