Le temps filait beaucoup trop vite. J’avais l’impression d’avoir commencé l’année hier et nous étions déjà mi-mai. Janna était dans les révisions. Le semestre se terminait et elle allait passer des examens bientôt. Elle n’était qu’en première année de lycée mais l’établissement dans lequel elle étudiait évaluait tous ses élèves sans exception. Le niveau étant plus élevé que dans certains autres lycées, il fallait travailler davantage pour mieux réussir dans la vie. Et ma fille se débrouillait plutôt bien. Elle apprenait vite et ramenait toujours d’excellents résultats. J’étais fier d’elle. En ce vendredi soir, elle allait réviser avec sa copine Zoey. Même si cette dernière n’était pas dans sa classe, ni même dans son lycée puisque Janna avait sauté une année, elles aimaient toujours travailler ensemble et se motivaient mutuellement. Zoey avait dans l’espoir de rejoindre ma fille en septembre. Par conséquent, c’était déjà pas mal qu’elle ait un aperçu de ce qui l’attendait afin qu’elle puisse s’y préparer. Après avoir déposé la blondinette chez les Pritchard, je me rendis au club de boxe. Harmony devait m’y rejoindre. Depuis son premier cours, elle passait se défouler de temps en temps. Nous nous entraînâmes ensemble une bonne partie de l’heure. Puis le coach prit le relai tandis que j’allais donner quelques coups dans un sac de frappe. A la fin de la séance, chacun alla se changer et nous nous retrouvâmes à la sortie. Au lieu d’aller au restaurant, je lui proposai de prendre quelque chose à emporter, fast food ou pizza, pour manger à l’extérieur. Dans un parc par exemple. Elle accepta volontiers et nous prîmes la route à pied. Nous trouvâmes un camion de pizza à une centaine de mètres du club. Après avoir commandé, je payai et nous partîmes en quête d’un endroit où nous poser pour déguster notre repas. Nous trouvâmes un banc au milieu d’un parc peu fréquenté. Le ciel était sombre et la météo n’avait pas prévu de pluie. Mais apparemment, les prévisions étaient fausses puisque nous nous retrouvâmes bientôt à devoir remballer les pizzas et courir pour éviter de finir trempés. Je devais faire attention où j’allais tout en gardant les cartons à l’œil pour ne pas trop les secouer en courant. Devant moi, Harmony ouvrait le chemin en regardant autour d’elle, à la recherche d’un abri. Elle repéra bientôt un porche qui encadrait un immense portail noir en fer forgé, dont l’une des grilles pendait sur ses gonds. Derrière, un jardin abandonné donnait accès à une espèce de manoir tout aussi vide de ses occupants. Le lierre grimpait sur les murs abîmés, et quelques fenêtres avaient des carreaux cassés. C’était dommage d’avoir laissé une demeure pareille dans un état aussi pitoyable. En la retapant un peu, j’imaginais que l’endroit devait être beau et qu’y vivre semblait agréable.
- On prend la pluie, là,dis-je en remarquant que le porche ne nous abritait pas des masses.
Nous contemplâmes le manoir avant de nous regarder. Y entrer m’enchantait guère. L’intérieur devait être insalubre et peut-être squatté par des clochards. Mais c’était actuellement le seul endroit qui nous offrait un refuge au sec.
- Ce n’est pas le meilleur endroit pour un repas mais on peut tenter quand même,proposai-je.
Elle acquiesça. En courant pour échapper le plus possible aux trombes d’eau qui nous tombaient sur la tête, nous rejoignîmes le perron que nous grimpâmes en deux enjambées. La porte d’entrée était entrouverte. Je la poussai. Elle grinça et fit tomber devant nous un nuage de poussière. Puis nous entrâmes. Nous nous trouvions dans une sorte de vestibule. A droite s’étendait un meuble long et bas, sur lequel trônait une lampe dont l’abat-jour était grisé de saleté. Je tendis l’oreille, n’entendis aucun bruit venant d’une quelconque autre personne susceptible de se trouver sur les lieux.
- Viens,dis-je en avançant vers ce qui semblait être un salon.
Les jours passent et ne se ressemblent pas. Depuis mon essai à la boxe thaï, cette activité s’était ajoutée à mon emploi du temps qui, il faut bien l’avouer, en dehors du travail est assez vide. Meyer avait bouleversé mon train train quotidien, je sortais plus et surtout j’avais un ami, ou plutôt deux vu comment on s’entend bien avec Janna. Ça me plaisait beaucoup. Malgré les restrictions de mes parents j’avais quand même rencontré deux personnes adorables avec qui passer du temps et chaque proposition de Meyer était la bienvenue.Ce soir, c’était boxe thai. J’y avais rejoint Meyer, me mettant en tenue de sport une fois sur place avant de m’exercer. Un petit temps avec lui, un petit temps avec le coach et voila que l’entraînement touche à sa fin. Nous allons chacun dans nos vestiaires respectifs pour nous doucher et nous changer avant de nous rejoindre pour aller manger un bout. On avait opté pour des pizzas à emporter. Une fois celles-ci récupérées, on part en quête d’un endroit où se poser. Il faisait beau et il y avait une petite forêt. On trouve un petit banc et on s’installe. Le temps de commencer à manger un peu, le ciel s’assombrit. Mince, ils n’avaient pas prévu de pluie pourtant… Vint alors la pluie qui n’allait pas tarder à devenir des trombes d’eau. Ni une, ni deux, on remballe nos pizzas et on part en courant à la recherche d’un abri. Je n’étais clairement pas dans une tenue adaptée. Il devait faire beau et chaud, finalement il faisait juste un peu chaud. Vêtue d’une robe fleurie m’arrivant aux mollets, légèrement fendue et à petites manches laissant mes épaules dégagées ainsi que mes petites bottines noires à talons, je n’étais pas vraiment en condition de courir sous la pluie mais je n’ai pas vraiment le choix… Sans m’arrêter, je nous mène à ce qui semble être un vieux manoir. Passant le portail qui tient à peine debout, on se retrouve rapidement sous le porche. Je reprends alors mon souffle. Malheureusement, comme le fait remarquer Meyer, on prend l’eau… Il proposa donc d’aller à l’intérieur du manoir.
Je crois que dans ces circonstances nous n’avons plus trop le choix.
Nous courrons donc jusqu’au peron. Meyer passe devant, je le suis de près, entrant à mon tour. Très poussiéreux cet endroit au vu du nuage de poussière qui s’abat devant nous. Je le suis ensuite jusqu’à ce qui semble être un salon. Heureusement, il fait encore un peu jour et on peut se repérer grâce aux fenêtres laissant entrer la lumière mais s’il continue de pleuvoir ainsi, j’ai bien peur que l’obscurité n’arrive avant que l’on puisse quitter les lieux. J’appuie sur un interrupteur pour voir si la lumière est fonctionnelle. Apparemment c’est le cas.
Ca fonctionne, c’est déjà ça, mieux vaut savoir où l’on marche si on doit rester ici plus longtemps que prévu.
Le mobilier est poussiéreux mais en meilleur état que nous pouvions le penser. On pouvait quand même s’asseoir sur un canapé. On peut ainsi enfin finir nos pizzas qui avaient légèrement refroidi.
Quelle course et quel temps ! Il ne me semblait pas que c’était ce qui était prévu. Ça n'a pas l’air de se calmer. Mais j’y pense ! Il se met souvent à pleuvoir quand on est ensemble !
Je continue de manger tranquillement ma pizza, arrivant presque à la fin, mais un frisson me parcourt l’échine. Je ne me sens pas à l’aise du tout. Je regarde tout autour de nous, pas des plus rassurée.
C’est bizarre… J’ai l’impression qu’il y a une présence…
Bonne ou mauvaise ? Je pencherai plus sur la deuxième option. Est-ce mon côté angélique qui me fait ressentir ça ? Sûrement et ça ne me dit rien qui vaille. Je referme le carton à pizza, de toute façon, elle est finie et je commence à m’éloigner légèrement de Meyer à la recherche de d’où peut venir cet inconfort et ce sentiment de présence obscure…
Elle me suivit. Le mobilier était encore là, comme si les habitants de la demeure étaient partis précipitamment. Tout était recouvert d’une épaisse couche de poussière et de moisissure. Des oiseaux avaient visiblement pris la liberté de venir faire leurs besoins sur les hautes armoires. Une table basse était renversée, l’autre avait son plateau en verre complètement fendu. L’un des deux canapés semblait encore en assez bon état malgré toute la saleté qui le recouvrait. Les fenêtres laissaient encore entrer la lumière du jour, tantôt à travers les carreaux cassés, tantôt dans les trous des rideaux qui avaient perdu leur couleur. Mais il faisait quand même un peu sombre à cause du ciel nuageux. Et bientôt, la nuit tomberait, nous ne verrions plus rien. Je me demandais si l’électricité fonctionnait encore. A mon avis non. Pourtant, quand Harmony appuya sur un interrupteur, une des ampoules du grand lustre s’éclaira. Elle produisait une faible lumière mais c’était déjà ça.
- Mieux vaut savoir où l’on marche si on doit rester ici plus longtemps que prévu,déclara l’ange avant de continuer à faire le tour du salon.
J’acquiesçai en silence. Nous finîmes par nous asseoir sur un des deux canapés, les cartons de pizza sur nos genoux.
- Quelle course et quel temps !soupira Harmony tandis que je distribuais les serviettes en papier.Il ne me semblait pas que c’était ce qui était prévu. Ça n'a pas l’air de se calmer. Mais j’y pense ! Il se met souvent à pleuvoir quand on est ensemble !
Elle n’avait pas tort. Nous poursuivîmes notre repas. Quitte à prendre un peu plus la pluie, nous aurions dû retourner au club de boxe. Au moins, là-bas, c’était plus propre, et l’ambiance demeurait moins inquiétante. En effet, les lieux avaient quelque chose de mystérieux qui faisait penser au genre d’endroit qu’un chasseur de fantôme adorerait explorer. Je ne croyais pas spécialement en ces expériences. Pour le peu que j’avais vu à la télévision, c’était souvent des truquages. Et quand cela avait l’air vrai, il était difficile de savoir si ça l’était réellement.
- C’est bizarre… J’ai l’impression qu’il y a une présence…remarqua Harmony, en écho à mes songes.
Je baissai les yeux sur elle. Frissonnante, elle referma son carton de pizza à présent vide et se leva pour observer les alentours. Je l’imitai, ayant également terminé mon dîner. Je posai le carton sur la table basse et rejoignis l’ange. De l’autre côté du salon, une double porte s’ouvrait sur un grand escalier nous faisant face, immense et majestueux. Il se séparait en deux pour monter dans les étages plongés dans les ténèbres.
- Je ne sens rien du tout,répondis-je en humant l’air.
Mon flair de loup ne détectait aucune présence humaine. Voyant les cheveux et les épaules trempés de la rouquine, je retirai ma veste et la lui donnai pour qu’elle se réchauffe.
- Ҫa te dit de visiter ?proposai-je ensuite.Maintenant qu’on est là, autant s’occuper en attendant que la pluie cesse. Si ça se trouve, on va rencontrer des fantômes !ajoutai-je en agitant les doigts devant son visage pour la taquiner.
Elle n’eut pas l’air très rassuré.
- Déstresse, ça n’existe pas,la rassurai-je en passant devant elle.Allez, viens.
Meyer ne sentait rien mais je mettrai ma main à couper qu’il y a quelqu’un ou quelque chose dans les parages. Un animal ? Non, je pense que nous l’aurions déjà entendu mais je ne sais pas, pour moi il y a quelque chose même derrière le silence de la demeure. Restons en alerte et gardons les yeux ouverts. Je ne vais pas insister auprès de meilleur concernant le fait que je ressens une présence, j’aimerais éviter qu’il me prenne pour une folle. Je n’ajoute rien et garde mes pensées pour moi. Après tout, peut-être suis-je vraiment folle ? J’avais commencé à m’éloigner à la recherche de quelque chose ou de quelqu’un du coup, me retrouvant face à une porte donnant sur un immense et majestueux escalier, se séparant en deux. Nous n’avons pas exploré le bas à part le salon mais j’ai très envie de m’aventurer à l’étage. Admirant cet escalier, je sens quelque chose sur mon épaule qui manque presque de me faire sursauter. Heureusement, ce ne fut pas le cas comme je me doutais que c’était Meyer. Il me donna sa veste que j’enfile rapidement. Trempée comme je l’étais je n’allais pas tarder à avoir froid alors sa veste tombait à pique !
Merci.
Dis-je simplement avec un petit sourire Il me propose ensuite de visiter. Son initiative me plaisait beaucoup car c’est exactement ce que j’avais en tête. J’allais lui répondre jusqu’à ce qu’il évoque les fantômes, ce qui ne me rassurait pas des masses. Mon teint blêmit légèrement. Il tenta de me rassurer en disant que ça n’existait pas… Je n’en suis pas si sûre moi…
Je n’en suis pas tout à fait sûre… Tu sais… A une époque certains disaient la même chose de nous… Mais tu as raison, allons visiter !
J’affiche un grand sourire sur les lèvres. Je lui attrape la main par réflexe pour l’entraîner avec moi dans les escaliers. On monte donc l’escalier principal et je choisis la bifurcation à gauche. Il y a une première porte. Je l’ouvre doucement et celle-ci grince. Ouille… La porte menait à une chambre spacieuse avec un grand lit au milieu. Les draps étaient tous poussiéreux et déchirés. On peut constater une étagère de livres, un petit bureau, la chaise est renversée au sol, une armoire vitrée dont les vitres sont brisées avec quelques vêtements qui restent ou du moins des morceaux d’étoffes. La poussière a bien pris place, mais ça avait l’air d’être une jolie chambre à l’époque où le manoir était habité.
Pas mal ! Regarde on a même une chambre luxueuse et un grand lit si jamais on doit passer la nuit ici.
J’éclate de rire. Je lâche enfin la main de Meyer et m’approche du lit. Il y a un livre posé sur celui-ci, je le prends entre mes mains et l’ouvre. Je commence à en déchiffrer le contenu. Je prends une page au hasard.
Voyons voyons… Cher Lilya, depuis que tu es partie, je me sens cruellement seule dans ce manoir beaucoup trop grand pour un seul homme… Ça ressemble plus à un journal intime… Je le garde, peut-être qu’on pourra même en apprendre plus sur ce manoir !
Dis-je toute excitée en me tournant vers Meyer. C’est à ce moment-là que la porte claque et je sursaute, revenant vers Meyer, loin d’être des plus rassurée.
C’est toi qui a claqué la porte, hein ? Ou alors c’est cette présence que j’ai ressenti tout à l’heure ? C’est peut-être ça !
Dis-je avec une certaine excitation. Je suis mélangée entre la peur, la curiosité et l’excitation.
Elle me suivit, le teint un peu plus pâle que d’habitude.
- Je n’en suis pas tout à fait sûre…répondit-elle.Tu sais… A une époque, certains disaient la même chose de nous…
Pas faux.
- Mais tu as raison, allons visiter !
Finalement, elle passa devant. Avait-elle retrouvé un semblant de courage ? Apparemment pas tant que ça puisqu’elle prit ma main pour m’entraîner à sa suite. Me retenant de rire, je me laissai guider et nous montâmes les escaliers. Nous tournâmes à gauche et Harmony poussa la première porte qui se présenta à nous. Elle donnait sur une grande chambre. Un lit double à baldaquin se trouvait contre le mur de droite, les draps tout poussiéreux et déchirés. En face, il y avait une petite bibliothèque remplie de vieux livres dont la reliure de beaucoup d’entre eux était mangée par les insectes. Et à gauche, je vis une immense armoire vitrée et brisée, dans laquelle étaient encore pendus des vêtements tout aussi défraîchis que le reste de la pièce.
- Pas mal ! Regarde, on a même une chambre luxueuse et un grand lit si jamais on doit passer la nuit ici,ricana la rouquine en avançant.
Elle lâcha ma main et s’approcha du lit pendant que j’allais regarder par la fenêtre. La vue donnait sur la façade Est du manoir. En bas, j’aperçus le coin d’une fontaine ronde envahie de feuilles mortes, au milieu d’une allée dallée infestée de mauvaises herbes.
- Voyons voyons… « Chère Lilya, depuis que tu es partie, je me sens cruellement seul dans ce manoir beaucoup trop grand pour un seul homme… »
Je me retournai. Harmony se tenait toujours près du lit et lisait un ouvrage plus fin que ceux qui se trouvaient dans la bibliothèque.
- Ça ressemble plus à un journal intime…dit-elle en le retournant dans tous les sens pour l’observer.Je le garde, peut-être qu’on pourra même en apprendre plus sur ce manoir !
Si elle voulait. J’allais lui suggérer de continuer notre exploration quand la porte claqua soudainement, nous faisant sursauter tous les deux. L’ange se précipita vers moi, le livre serré contre sa poitrine.
- C’est toi qui as claqué la porte, hein ?demanda-t-elle en tremblant.Ou alors, c’est cette présence que j’ai ressentie tout à l’heure ? C’est peut-être ça !
Elle avait l’air perdu entre la peur et l’excitation. Pour ma part, j’étais plutôt sceptique quant à cette histoire de présence.
- Presque toutes les fenêtres sont cassées, et la porte en bas est ouverte,fis-je en me dirigeant vers la sortie.Il doit y avoir des courants d’air.
J’ouvris et nous longeâmes le balcon intérieur vers la salle suivante. C’était une autre chambre. La décoration, bien que terne désormais, faisait penser à une chambre de femme, contrairement à la précédente. Elle était agencée à peu près de la même façon, à la différence qu’un coin était caché par un paravent au tissu brodé de fleurs des champs. Derrière, nous pûmes apercevoir la silhouette du buste d’un mannequin surmonté d’un châle qui voletait au gré du souffle glacé qui s’engouffrait par la fenêtre la plus proche. Cela donnait une vision assez glauque, comme s’il y avait réellement quelqu’un derrière ce paravent. Mais en allant voir de plus près, c’était effectivement un mannequin dont la peau en plastique s’écaillait par endroits. Je me tournai vers Harmony.
- Tu crois que c’est la chambre de cette Lilya ?m’enquis-je en regardant le journal intime qu’elle tenait toujours dans ses mains.En tout cas, elle avait vraiment des goûts de chiotte,ajoutai-je en désignant le châle d’un geste du menton.
Ce mélange de sentiment en moi était très bizarre. Cette nouvelle aventure d’escapade dans un manoir me plaisait beaucoup ! J’avais l’impression de faire une immense chasse au trésor avec pleins de choses à découvrir. J’avais aussi l'impression d‘être une détective qui enquête sur le mystère d’un manoir abandonné. Pourquoi l’est-il ? Qui y habitait ? Pourquoi est-ce que tout a été laissé sur place ? Et surtout… Cette présence que je ressens mais que Meyer ne ressent pas du tout. Mais l’enquêtrice passionnée va devoir rendre son tablier. Un simple claquement de porte et elle est déjà effrayée. Allez Harmony, reprends toi et puis tu n’es pas toute seule, me dis-je à moi-même pour me rassurer. Alors que je commençais à m’imaginer la présence d’un fantôme, Meyer garda plus les pieds sur terre… Ce qui est logique, les lycans ne savent pas voler. Lucide, il me rassure en me disant que ce doit être un courant d’air. Effectivement, plus plausible que mon histoire de fantôme.
Tu dois avoir raison… C’est le plus plausible…
Je le suis alors pour sortir de la pièce, je garde le journal contre ma poitrine au cas où j’aurais besoin de jeter un coup d'œil dedans. On passe à la pièce suivante, encore une chambre mais avec une touche plus féminine. Je la trouve mignonne cette petite chambre. On la visite. Derrière un paravent, il y a comme une silhouette. Je tressaillis, restant bien derrière Meyer. La silhouette n’était en fait qu’un mannequin, je soupire de soulagement. Meyer s’interroge sur le fait que cette chambre puisse appartenir à Lilya.
Sûrement. Dans le journal il dit que le manoir est trop grand pour un seul homme alors je suppose qu’ils n’étaient que deux. Ou alors une chambre d’amis ? Ca colle pas trop…
Plusieurs possibilités, peut-être que l’on finira par le découvrir ? Meyer commente ensuite les goûts particuliers de Lylia et je ne peux m'empêcher de rire. Cette fois-ci c’est le mannequin qui tombe, me faisant sursauter une nouvelle fois.
Un… Un courant d'air, tu es sûr ? Je crois que ça n’a pas trop plus ta remarque…
Je me mords la lèvre inférieure, commençant à trembler légèrement revenant une nouvelle fois vers Meyer en lui prenant la main.
Gentil fantôme, il disait ça pour plaisanter j’en suis sûre. Et les modes changent, même s’il n’aime pas il ne faut pas y prêter attention.
Plus le temps passe et plus je suis persuadée qu’il y a bien quelqu’un. Je tourne la tête vers Meyer, la relevant.
Tu me prends pour une folle là, non ?
Je rougis légèrement. Comment pourrait-il penser autrement alors que pour lui je dois probablement parler toute seule…
- Sûrement,fit-elle en approchant également.Dans le journal, il dit que le manoir est trop grand pour un seul homme, alors je suppose qu’ils n’étaient que deux. Ou alors, une chambre d’amis ? Ça colle pas trop…
Si elle avait trouvé le journal dans la chambre d’à côté, il était largement possible que celle dans laquelle nous nous trouvions appartenait à la prétendue bien-aimée de l’auteur. Les couples ne partageaient pas toujours le même lit, c’était peut-être le cas ici. Nous sursautâmes une deuxième fois quand le mannequin tomba face contre terre, soulevant un nuage de poussière à nos pieds.
- Un… Un courant d'air, tu es sûr ?questionna Harmony, de moins en moins rassurée.Je crois que ça n’a pas trop plu, ta remarque…
Je levai les yeux au ciel avec un sourire en coin. Elle prit de nouveau ma main et s’adressa à quelqu’un d’invisible, la voix tremblotante.
- Gentil fantôme, il disait ça pour plaisanter, j’en suis sûre. Et les modes changent. Même s’il n’aime pas, il ne faut pas y prêter attention.
Sérieusement ?
- Tu me prends pour une folle là, non ?demanda l’ange dont les joues avaient rougi de confusion.
Je me retins une nouvelle fois de rire pour ne pas la vexer.
- Nein*…répondis-je en faisant tout pour paraître convainquant.C’est juste que… j’ai un peu de mal à croire à ces trucs de fantômes.
Il ne m’était jamais rien arrivé de spécial dans le domaine du paranormal. Alors tant que je n’avais pas de preuve concrète, visuelle, je restais dubitatif et préférais trouver une explication rationnelle à ce qu’il se passait aujourd’hui. Je ramassai le mannequin pour le remettre d’aplomb. Le trépied sur lequel il était fixé ne demeurait pas très stable. Je le fis bouger pour montrer à Harmony qu’un des pieds était légèrement plus court que l’autre. Le mannequin avait dû tomber à cause de nos pas sur le parquet. Histoire de ne pas avoir l’air indifférent à l’anxiété que ressentait la rouquine, je gardai sa main dans la mienne et l’entraînai à l’extérieur de la pièce. La prochaine abritait une salle de bain luxueuse mais envahie de poussière et de moisissures, elle aussi. Une grande baignoire blanche siégeait au centre de la salle. Contre le mur de gauche, un miroir s’étirait au-dessus de deux vasques en forme de bols, posés sur un long meuble en bois et au plateau de marbre. Derrière la baignoire se trouvait un autre paravent à fleurs, replié cette fois-ci. Dans un coin, je vis une douche à l’italienne à demi masquée par une vitre sablée. Cette dernière menaçait de tomber car elle n’était plus fixée dans les joints métalliques du mur. Mieux valait ne pas y poser les mains.
- Eh ben… ça ne se refusait rien,commentai-je en regardant tout autour de moi.Je me demande bien pourquoi ils ont tout abandonné comme ça.
Je regardai mon reflet dans le miroir, puis celui d’Harmony qui me suivait comme mon ombre, sans me lâcher la main.
- C’est moi qui suis trop grand ou c’est toi qui es minuscule ?fis-je d’un ton moqueur en plaçant ma main libre à plat au-dessus de sa tête, à hauteur de la mienne.
Bah oui Harmony, parle à un fantôme on ne te dira rien. Tu parles ! Meyer doit me prendre pour une folle à l’heure qu’il est et ça ne serait pas étonnant ! C’est même surprenant qu’il ne se soit pas enfui en courant ! Ça fait deux fois que je flippe de la présence d’un potentiel fantôme alors que si ça se trouve il n’y a rien et c’est mon imagination qui joue des tours ! Allez Harmony, ça va, Meyer n’est pas encore parti, me dis-je à moi-même. Je lui avais demandé s’il me prenait pour une folle. Heureusement pour moi, il me dit que non mais qu’il a un peu de mal à croire à ces trucs de fantômes. Il faut que je garde les pieds sur terre. Je suis une aventurière de base, pas une grande peureuse ! Allez, ça suffit, on y va et dès qu’il se passe quelque chose on se dit qu’il y a une explication rationnelle derrière. Meilleur plan. D’ailleurs, Meyer remis le mannequin en place et me montra que si le mannequin était tombé c’était tout simplement parce qu’il était usé et que le trépied le maintenant debout n’était pas très stable. Effectivement, c’était une explication tout à fait logique.
Encore une fois, tu as élucidé le mystère. Promis je vais essayer d’arrêter de flipper au moindre mouvement d’objets !
Ma main dans celle de Meyer, on quitte la pièce pour passer à la suivante. Cette fois-ci, c’est une salle de bain luxueuse. Bien que la poussière soit très présente, on imagine tout de suis à quoi ressemblait cette pièce quand elle était entretenue. On voit encore une fois à quel point les habitants d’ici étaient aisés. Comme Meyer, je me demande pourquoi ils ont tout abandonné comme ça.
Aucune idée… Je prendrais le temps de lire ce journal et je te dirais si je trouve quelque chose d’intéressant…
Dis, la tête baissée vers le fameux journal. La question de Meyer me fit relever la tête vers le miroir qui nous faisait face… Comment ça minuscule. Je tourne la tête vers Meyer, fronçant légèrement les sourcils et affichant une mine boudeuse. Je me mets face à lui, levant les bras pour poser mes mains sur mes épaules puis en me mettant en appui sur le lui, je me mets sur la pointe des pieds pour essayer de me grandir le plus possible. Échec. Je saute ensuite. Double échec. Finalement je le lâche, croise les bras affichant de nouveau ma mine boudeuse.
Je ne suis pas minuscule. Je… Je… Je suis un échantillon de perfection. Et comme je suis petite, tout ce que tu me dis me passe au-dessus.
Le regard vers lui, j’esquisse un sourire en coin, légèrement provocateur puis je lui tire la langue.
Nah !
Bien sûr, je l’avais pris avec humour. C’est un fait, il est grand et je suis toute petite à côté de lui.
Le nez plongé dans le journal intime, la demoiselle leva la tête et contempla nos reflets à son tour. Elle me regarda ensuite, la mine boudeuse, les sourcils froncés. Je ricanai tandis qu’elle me faisait face, tentant vainement de se grandir en se mettant sur la pointe des pieds, les mains posées sur mes épaules pour prendre le plus de hauteur possible. Elle essaya même de sauter. Je me montrai aussi impassible que je le pus, même si j’avais très envie de rire. Je la laissai faire jusqu’à ce qu’elle abandonne, déçue.
- Je ne suis pas minuscule,dit-elle en croisant les bras.Je… Je… Je suis un échantillon de perfection. Et comme je suis petite, tout ce que tu me dis me passe au-dessus.
Cette fois, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Elle me tira la langue avec un sourire mi-outré, mi amusé.
- J’avoue que je ne m’y attendais pas à celle-là,fis-je une fois calmé.
Je lui chatouillai le cou du bout de l’index.
- Tu te défends bien.
Et je pris la direction de la sortie. La partie gauche du balcon étant visitée, j’ouvris la double porte qui se trouvait au centre. Derrière s’étendait une immense bibliothèque. Des dizaines d’étagères s’élevaient aux quatre coins de la pièce, jusqu'au plafond, remplies de livres de toutes les tailles. Au milieu, il y avait deux canapés dos à dos, parfaits pour s’y reposer et apprécier un bon roman. N’y voyant rien d’intéressant à regarder, nous quittâmes aussitôt la salle et passâmes à droite du balcon. Il n’y avait qu’une seule porte. Nous y trouvâmes un bureau digne d’un ministre. Tout y était : la grande table en bois verni et aux multiples tiroirs devant l’immense porte-fenêtre à carreaux, la petite bibliothèque, le secrétaire dont la porte avait été fracassée, le buffet surmonté de bibelots et d’un grand tableau de maître accroché au mur juste au-dessus, la plante verte ratatinée dans un coin, les fauteuils rembourrés entourant une table basse ronde… Comme il commençait à faire vraiment sombre, j’appuyai sur l’interrupteur à l’entrée. De la même manière que dans le salon du rez-de-chaussée, le lustre s’éclaira. Mais dans la seconde qui suivit, il y eut un coup de tonnerre – troisième sursaut de la soirée – et la lumière s’éteignit. Même si je me doutais que les plombs avaient sauté, j’essayai quand même d’actionner l’interrupteur plusieurs fois. Rien. Tant pis. Je fouillai dans la poche de mon jean, en sortis mes clés de voiture. Sur le porte-clé était accroché une mini lampe torche que je donnai à Harmony.
- Tiens, tu en auras plus besoin que moi.
J’activai ma nyctalopie et mes yeux prirent une teinte dorée. Je me dirigeai ensuite vers la porte-fenêtre et regardai dehors. La pluie tombait encore plus fort qu’à notre arrivée.
- On n’est pas près de partir,soupirai-je.Sauf si tu as envie de reprendre une douche.
Je me laissai tomber dans l’un des deux fauteuils qui entouraient la table basse. La poussière vola, je laissai échapper un petit toussotement.
- Tu trouves un truc intéressant là-dedans ?m’enquis-je d’un ton un peu ennuyé en désignant le journal intime d’un geste du menton.Quitte à rester enfermés ici, autant en savoir plus sur les anciens proprios, ça fera passer le temps.
Je savais que Meyer était plus grand que moi, je l’avais bien remarqué et encore plus lorsqu’il est sous sa forme animale. Mais il faut dire que je ne m’attendais pas à sa comparaison sur nos tailles. Et le pire dans tout ça… C’est que je porte des talons donc techniquement, donc la différence de taille qui nous sépare est encore plus grande ! Je m’étais permis de lui répondre avec une certaine répartie. Je ne l’avais pas réellement mal pris, de plus, ça m’avait parfaitement détendue et j’en avais presque oublié le manoir lugubre et à la fois mystérieux dans lequel on se trouve. J’avais même fait éclater de rire Meyer et le voir ainsi était très plaisant. J’aime bien voir les gens sourire, rigoler, les voir heureux en fait tout simplement. Il avoua qu’il ne s’attendait pas à ma réponse, ce à quoi je fis un clin d'œil. Puis il vient me chatouiller le cou et je frissonne, s'écartant étant chatouilleuse. Il me félicita.
J’essaye !
Je rigole une nouvelle fois. Dans cette joyeuse ambiance, nous quittons la salle de bain. Nous avions déjà visité la moitié du premier étage. On allait donc passer à la seconde partie. On rentre dans une bibliothèque avec tout un tas de livres. On aurait pu prendre le temps d’observer les livres mais dans la visite de ce manoir, ça n’avait pas un grand intérêt. De ce fait, on passe à la pièce suivante: un bureau avec tout l’équipement. Il y avait énormément de choses et sans doute des éléments de valeur. C’est un miracle que rien n’ait été volé. Je zieute la pièce dans tous ses recoins quand la lumière s’alluma grâce à Meyer mais cela dure à peine une seconde avant qu’un grondement ne se fasse entendre. Je sursaute. On est dans le noir complet. Je ne bouge plus d’un millimètre, je ne suis plus du tout à l’aise. Je crois que je suis de plus mal à l’aise. Cet enchaînement de sursaut à fait baisser toute l’adrénaline que j’avais en moi. Meyer me confie alors une mini lampe que je m’empresse d’annuler. Le manoir paraît encore plus lugubre. Je ne dis rien, ayant promis à Meyer d’arrêter de flipper pour rien.
Merci.
Dis-je poliment. Il regarde alors vers l’extérieur et je fais le même constat: on n’est pas près de partir. Sauf si on veut se risquer à une douche naturelle. Je n’en ai pas très envie mais si vraiment je ne supporte plus l’ambiance de ce manoir, je partirais qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Mais bon, ça devrait aller. Il s’assoit alors sur un fauteuil avant de s’interroger sur le journal. Mon regard croise le sien et je remarque ses yeux dorés. Je suis comme subjuguée et je mets un peu de temps avant de répondre à sa question. Je dis même quelque chose qui n’a rien à voir.
Tes yeux sont… Magnifiques…
Mon regard a dû mal à se détourner du sien. Finalement, je secoue ma tête et viens m’asseoir sur un autre fauteuil, faisant comme si de rien n’était.
Voyons voir…Je vais prendre des passages au hasard et nous verrons bien. “Lylia tu es partie, tu m’as abandonné… Complètement.Tu es de ce genre de femme à telier d’amour par le mariage mais à aller auprès d’un autre homme… Ah ma Lylia, tu m’as fais beaucoup de peine lorsque je l’ai remarquée…” On a un homme fou amoureux et une femme infidèle alors… Il a dû avoir beaucoup de peine… La suite… “Je sais que tu vas revenir me voir pour t’excuser et te faire pardonner. Nous nous retrouverons au deuxième étage, dans notre chambre commune. Une petite surprise t' attends déjà.” Oh alors ils ont deux chambres séparées et une chambre commune. Allons voir !
Surexcitée à l’idée de trouver quelque chose d’intéressant, j’embarque Meyer avec moi. Je ne marche pas très vite, étant simplement éclairée par une petite lampe torche mais assez pour aller à la découverte de la chambre. Il y a une porte plus large que les autres. Serait-ce cette pièce ? J’ouvre donc la porte et effectivement ça a l’air d’être une chambre. Je m’avance, me déplaçant dans la pièce.Il y a une odeur un peu différente des autres pièces que j’ai du mal à définir. Ne voyant plus aussi bien, je suis obligée de me déplacer dans la pièce pour tout voir. Et là je constate des traces rouges, à plusieurs endroits. Qu’est-ce que c’est ? Il y en a en plus ou moins grande quantité.
Du… Du sang ?!
Dis-je en regardant Meyer inquiète. Je regarde le journal essayant de voir s’il y avait une réponse dedans par rapport à la présence du sang. J’espérais que ce soit autre chose mais quelque chose me disait que ce n’était pas le cas.
”Comme je l'avais imaginé, tu es revenu… On s’est retrouvés dans notre chambre conjugale et je me suis vengé de la blessure que tu m’as faite. Si je ne pouvais pas t’avoir à moi seul, personne ne t’aurai. Un couteau préparé, tu es venue et le corps, il t'a fendu.” [/color]
Sous le choc, je lâche le journal qui tombe au sol.
Il… Il l’a tué… Ici… Il y a eu un assassinat dans cette pièce.
Mes membres tremblent, ma voix aussi. C’est vraiment du sang. Et si cette présence était la femme qui hantait les lieux ? A cette révélation, une chaise se met à bouger cette fois, se cognant avec fracas et le journal à s’élever et pour le coupe suis incapable de rester rationnelle.
Me… Meyer… Je… Je peux plus, c’est trop.
J’ai l’impression de suffoquer. Je sors de la pièce, mais le sol se dérobe sous mes pieds, trop insalubre. Je pousse un cri. Et du deuxième étage, je me retrouve au premier. Ma jambe droite saigne et je n’arrive plus à la bouger. J’ai les larmes qui me montent aux yeux. Mes vêtements, la veste de Meyer et moi-même sommes couverts de poussière et de quelques débris.
Harmony ne répondit pas tout de suite. Elle s’approcha d’abord de moi en me regardant droit dans les yeux. Avais-je dit quelque chose de mal ?
- Tes yeux sont… magnifiques…
Oh. Rien à voir.
- Euh… merci,dis-je un peu pris au dépourvu.
Elle se concentra de nouveau sur le journal et s’assit sur l’autre fauteuil en tournant quelques pages.
- Voyons voir… Je vais prendre des passages au hasard et nous verrons bien. « Lylia, tu es partie, tu m’as abandonné… Complètement. Tu es de ce genre de femme à te lier d’amour par le mariage mais à aller auprès d’un autre homme… Ah ma Lylia, tu m’as fait beaucoup de peine lorsque je l’ai remarqué… » On a un homme fou amoureux et une femme infidèle, alors…commenta-t-elle.Il a dû avoir beaucoup de peine…
Je n’avais eu qu’un seul véritable amour dans ma vie : Mary. Et il ne m’était jamais venu à l’idée de lui faire des infidélités. Qu’est-ce qui avait poussé cette Lylia à tromper son mari ?
- « Je sais que tu vas revenir me voir pour t’excuser et te faire pardonner,poursuivit Harmony.Nous nous retrouverons au deuxième étage, dans notre chambre commune. Une petite surprise t'attend déjà. » Oh, alors ils ont deux chambres séparées et une chambre commune. Allons voir !
Nous nous levâmes et je suivis la demoiselle. Nous empruntâmes l’escalier qui menait au deuxième étage. Si le balcon du premier étage était en pierre, bien solide, celui-ci était en bois et menaçait de craquer sous nos pieds si nous ne faisions pas attention où nous marchions. Avec prudence, nous nous dirigeâmes vers la première porte, plus large que les autres. Nous ouvrîmes et fîmes un pas dans une autre chambre, bien plus spécieuse et somptueuse que les précédentes. Par contre, une odeur planait dans l’air et elle me rappelait quelque chose… Observant les alentours, l’ange dirigeait le faisceau lumineux de la lampe sur tout le mobilier, jusqu’à ce qu’une trace attire son attention. Nous regardâmes de plus près. C’était du sang. Il y en avait sur ce meuble ainsi que sur le plancher, le bord de la fenêtre, le pied du lit, la coiffeuse…
- Du… Du sang ?s’étrangla la rouquine apeurée.
Il n’était pas frais, loin de là. Mais mon odorat de lycan le sentait très bien et je fronçai le nez, pas franchement ravi du parfum. Que s’était-il passé ici ? Harmony répondit à mon interrogation silencieuse en reprenant la lecture du journal.
- « Comme je l'avais imaginé, tu es revenue… On s’est retrouvés dans notre chambre conjugale et je me suis vengé de la blessure que tu m’as faite. Si je ne pouvais pas t’avoir à moi seul, personne ne t’aurait. Un couteau préparé, tu es venue et le corps, il t'a fendue. »
Le choc lui fit lâcher le journal qui tomba par terre dans un bruit mat.
- Il… Il l’a tuée… Ici… Il y a eu un assassinat dans cette pièce,souffla-t-elle terrorisée.
La chaise qui se trouvait près de nous décolla littéralement du sol pour aller se fracasser contre l’un des barreaux du lit à baldaquin, et le journal du mari assassin suivit la même trajectoire. J’ouvris des yeux ronds, cette fois-ci incapable de trouver une explication à ce que je venais de voir.
- Me… Meyer… Je… Je peux plus, c’est trop,dit Harmony qui tremblait de tout son corps.
Elle se précipita hors de la pièce.
- Harmony, att…
Elle venait de poser le pied sur le plancher du balcon sans contourner l’endroit qui semblait fragilisé. Il y eut un énorme « CRAC ! » et l’ange passa au travers en poussant un cri. Au même moment, l’orage gronda et les fenêtres de la chambre s’ouvrirent avec fracas, faisant entrer un courant d’air glacé qui souleva les rideaux du lit, et me fouetta le visage. J’étais en train de tourner les talons quand je vis alors le visage d’une femme triste me regarder, tout au fond de la pièce. Je ne savais dire si ce que je voyais était réel, si c’était un reflet dans un miroir ou un simple tableau. Je n’avais pas vraiment le temps d’y réfléchir, à vrai dire. Horrifié à l’idée qu’Harmony se soit cassé quelque chose, voire pire, je dévalai l’escalier jusqu’à l’étage du dessous et retrouvai mon amie allongée, recouverte de poussière et de débris, la jambe droite en sang. A mon grand soulagement, elle était encore consciente. Mais elle pleurait de douleur.
- Ҫa va aller,tentai-je de la rassurer en m’agenouillant près d’elle.Je vais te sortir de là.
Avant de penser à la déplacer, j’examinai d’abord sa blessure. Elle avait une vilaine et profonde entaille au mollet, ça saignait pas mal. Ne trouvant rien à disposition pour colmater la plaie, je déchirai le bas de mon tee-shirt. Et je l’enroulai autour, faisant un nœud à la fin pour que ça tienne.
- Je vais te porter, tu es prête ?
Je n’attendis pas vraiment de réponse, passai une main derrière ses genoux, calai l’autre dans son dos. Et je la soulevai dans mes bras. Je me dirigeai vers le premier salon que je traversai, sans prendre la peine de débarrasser les cartons de pizza vides que nous avions laissé sur la table basse. Je passai le vestibule et franchis la porte d’entrée. Dehors, la pluie tombait toujours mais tant pis. Je devais emmener Harmony à l’hôpital. Il faisait quasiment nuit à présent. J’ignorais combien de temps nous avions passé dans le manoir. J’avais l’impression que des heures s’étaient écoulées. Je courus à travers le jardin jusqu’au grand portail. Une fois sur le trottoir, je me retournai vers le manoir. Sa silhouette se détachai sur le ciel nuageux, et l’obscurité des fenêtres le rendait encore plus inquiétant qu’à notre arrivée. Un frisson me parcourut quand je crus voir l’ombre d’une femme en robe derrière un rideau. Mais il faisait si sombre que ma vue me jouait peut-être un sale tour, surtout après ce que nous venions de vivre. Je me détournai du bâtiment et me mis à courir. La tête contre mon épaule, Harmony ne disait rien mais son visage restait crispé par la souffrance qu’elle endurait. L’hôpital le plus proche se situait à une bonne dizaine de minutes de marche. Si je faisais tout en courant, je gagnerais pas mal de temps. Lorsque j’arrivai dans le sas d’entrée de l’hôpital, côté Urgences, j’étais aussi trempé que si je m’étais directement jeté dans un fleuve. Les médecins prirent aussitôt Harmony en charge. A mon avis, elle aurait besoin de points de suture. Je ne pouvais pas l’accompagner durant le moment où elle se ferait rafistoler. Je lui promis de l’attendre, et la laissai partir sur le brancard. Je soupirai. Ce n’était pas comme ça que j’imaginais terminer la soirée… Pauvre Harmony. En plus d’avoir eu la trouille, elle s’était blessée. Je me demandai avec inquiétude ce qu’allaient dire ses parents quand ils sauraient, eux qui ne voulaient pas la laisser sortir à sa guise. Ils lui passeraient un sacré savon…
La douleur était intense. La peur m’avait poussé à fuir sans réfléchir, sans faire attention et voilà le résultat. J’ai fait une chute d’un étage et me voilà maintenant la jambe en sang et incapable de marcher. J’ai mal… J’en avais égaré la lampe de poche de Meyer dans ma chute. Il fait sombre, j’ai peur mais heureusement le jeune homme finit par arriver et me rassurer. Il examine ma blessure qui n’est vraiment pas jolie à voir. Il déchire le bas de son tee-shirt pour venir faire un nœud autour de la blessure. Il ajoute qu’il va me porter et me demande si je suis prête. J’acquiesce d’un signe de tête. Je n’ai pas vraiment le choix. S’il ne me porte pas, je suis destinée à rester ici un long moment et franchement, cette idée ne m’enchante guère. Il faisait complètement nuit, je n’étais pas rassurée après cette expérience traumatisante mais heureusement j’étais aux côtés de Meyer. Dans ses bras, je ferme les yeux, essayant de penser à autre chose qu’à la douleur mais c’était difficile. Mon visage était crispé par cette dernière. Après plusieurs minutes qui me semblèrent interminables, on arriva dans un hôpital. Nous étions trempés de la tête aux pieds et j’étais vraiment dans un sale état entre la poussière, les débris et la chute. Je fus rapidement prise en charge mais j’étais inquiète d’une certaine façon d’être séparée de Meyer. Il faut dire que je ne m’étais jamais blessée ainsi auparavant et donc n’avais jamais effectué de visite dans un hôpital. Il me promit de m’attendre… Je pars donc sur un brancard aux côtés de médecins qui viennent s’occuper de ma jambe blessée. Je ne sais combien de temps passe mais elles me semblent interminables. La jambe endormie, des points de sutures sont réalisés. Ensuite j'apprends que j’ai une entorse. J’ai le droit à une atèle et des béquilles. En soit, je m’y attendais. Mais à l’heure actuelle, autre chose m’inquiète: mes parents.
Les soins finis, je suis emmenée dans une chambre. Meyer peut venir me rejoindre enfin. Je récupère mon téléphone… J’ai littéralement une trentaine d’appels manqués… Deux heures du matin… Déjà si tard… Je lance un regard à Meyer.
Je crois que cette blessure à la jambe n’est pas le pire…
Je me redresse alors sur mon lit. J’appelle alors ma mère. A peine elle décroche que je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit: “Harmony ! Où es-tu ?! Il est tard, tu n’es pas rentrée ! Ça va pas ? C’est quoi ce comportement ? Fille indigne, on s’est fait un sang d’encre.” Je soupire intérieurement.
Je… Suis à l’hôpital… Je t’expliquerai tout…
La mère s’inquiète alors. Elle me demande à quel hôpital je suis, je leur donne l’adresse et elle et mon père vont se mettre en route pour venir me chercher.
Bon… On va dire que pour le moment ça s’est mieux passé que prévu. Je suis désolée, j’ai gâché toute notre escapade et en plus j’ai égaré ta lampe de poche. Je t’en rachèterais une.
Je m’éloignai dans le couloir et me laissai tomber sur la première chaise qui se présentait. Et j’attendis. Comme lorsque j’avais amené Freja aux urgences après son agression six ans auparavant, je dus patienter des heures avant d’avoir des nouvelles. Toutefois, ce fut plus court car contrairement à la violoniste, Harmony n’était pas dans un état critique. Du moins, je l’espérais. On me le confirma aux alentours de minuit. Des points de suture et une entorse. Bon, ça aurait pu être pire. Soulagé, je hochai la tête quand on me demanda d’attendre encore. Harmony devait bénéficier des derniers soins, et une chambre allait être préparée pour elle. J’en profitai donc pour m’absenter, le temps de retourner à la voiture et aller chercher des vêtements de rechange. J’étais trempé jusqu’aux os. Si je restais comme ça, je finirais par tomber malade. La BMW se trouvait toujours sur le parking du club de boxe et ce n’était pas très loin de l’hôpital. J’en aurais pour une vingtaine de minutes, tout au plus. La pluie n’avait pas cessé mais peu importait, je ne pouvais pas être plus mouillé. J’avais toujours des habits de secours dans le coffre, en cas de transformation inopinée suscitant la destruction involontaire de ce que je portais sur moi. Je pris le sac plastique que je fermai bien correctement pour protéger son contenu de la pluie, et retournai à l’hôpital. Cette fois, je passai par l’entrée principale. Je m’adressai à la secrétaire de l’accueil qui me confirma l’arrivée en chambre de mon amie l’ange. Elle me donna le numéro, et je filai dans les étages. La rouquine était confortablement installée dans son lit, à demi allongée, son téléphone portable dans les mains. Elle avait l’air contrarié.
- Ça va ?demandai-je inquiet. - Je crois que cette blessure à la jambe n’est pas le pire…commenta-t-elle en me montrant l’écran.
Elle devait avoir une trentaine d’appels manqués de la part de sa mère. Aïe… Je grimaçai. Harmony se redressa et me dit qu’elle allait l’appeler.
- Je vais me changer,répondis-je pour faire preuve d’un peu de discrétion.
La porte de la salle de bain ne masquerait sûrement pas la conversation mais au moins, je n’aurais pas à rester planté à côté d’Harmony pendant qu’elle aurait sa mère au téléphone. Tout en me déshabillant, je fis tout pour ne pas écouter la conversation mais la génitrice en colère s’égosillait si fort que je l’entendais parfaitement.
« Harmony ! Où es-tu ? Il est tard, tu n’es pas rentrée ! Ça va pas ? C’est quoi ce comportement ? Fille indigne, on s’est fait un sang d’encre ! »
La demoiselle n’arrivait pas à en placer une. Au bout d’un moment, elle parvint à dire qu’elle se trouvait à l’hôpital et qu’elle lui expliquerait tout. Sa mère parla moins fort mais je devinai qu’elle allait lui demander l’adresse de l’hôpital afin de débarquer illico avec son mari. Fallait-il que je reste ou était-il plus sage que je m’en aille avant leur arrivée ? Je ne savais pas trop. Je n’avais pas tellement envie de subir les remontrances de parfaits inconnus simplement parce qu’ils ne savaient pas calmer leur possessivité à propos de leur fille. Et en même temps, elle ne s’était pas blessée toute seule. Je devais être présent pour soutenir Harmony et leur expliquer la situation. Ce serait l’occasion de me présenter… même si je le sentais mal. Surtout, ne pas leur dire que j’étais un lycan. Ce serait l’information de trop pour cette soirée mouvementée.
- Bon… On va dire que pour le moment, ça s’est mieux passé que prévu,déclara Harmony quand je sortis de la salle de bain, vêtu de vêtements propres et secs.
Je tirai une chaise et m’assis près du lit.
- Je suis désolée, j’ai gâché toute notre escapade et en plus, j’ai égaré ta lampe de poche. Je t’en rachèterai une.
Elle soupira et s’allongea.
- Heureusement que tu étais là… Merci. - Tu n’as rien gâché du tout, on aurait juste dû rester en bas,répondis-je.En fait, on aurait dû retourner s’abriter au club au lieu de rentrer dans ce foutu manoir.
Ce fut à mon tour de soupirer.
- Et ne t’en fais pas pour la lampe,ajoutai-je en secouant la main comme si je chassais un insecte.C’était un gadget à deux balles.
Je regardai vers ses jambes qui étaient recouvertes par les draps.
- Ils t’ont mis une attelle ? Tu vas avoir droit aux béquilles ?
Elle affirma. Elle allait certainement devoir poser un arrêt de travail. Mais si elle ne pouvait plus enseigner pour le moment, cela voulait donc dire qu’elle devrait rester enfermée chez elle. Elle qui détestait ça…
Après les soins, enfin dans une chambre, Meyer m’avait rejoint. Il m’avait demandé comment j’allais. Il avait dû voir ma tête contrariée lorsque j’étais sur mon téléphone et je lui avais montré mon écran, il pu constater le nombre d’appels manqués qui étaient indiqués dessus. Je savais que la suite des événements n’allait pas être sympa non plus. J’allais appeler ma mère quand Meyer me dit qu’il va se changer. Je suppose qu’il veut me laisser un peu d’intimité face à cet appel embêtant. Celui-ci ne présageait rien de bon et au vu du temps qu’avait employé ma mère, j’étais bonne pour un enfermement jusqu’à ma mort… Une fois le téléphone raccroché, Meyer est revenu. En fait, cet homme c’est un soleil face à ma prison dorée. Je m’étais excusée pour les désagréments, ce à quoi il me dit qu’on aurait dû rester en bas ou retourner au club de boxe. C’est vrai que ça aurait été le mieux. Il ajoute que je n’ai pas à m’en faire pour la lampe… Bon, ça me rassure aussi de savoir qu’il n’en a pas besoin sinon ça m’aurait d’autant plus embêté ! Il me demande ensuite si les infirmiers m’ont mis une attelle et si je vais avoir droit aux béquilles. J’acquiesce d’un signe de tête. Je me redresse et soulève les draps. Il peut voir les points de suture et l’attelle.
Et voilà… C’est quand même triste pour un ange de pouvoir soigner les autres mais pas soi-même. Sinon, cette blessure serait déjà une histoire ancienne.
Je me mis à rire. J’ai pu soigner la blessure de Meyer la dernière fois, j’ai déjà pu soigner des enfants, des adultes mais jamais moi-même. C’est assez ironique quand on y pense. Un silence se fait. On sait tous les deux que mes parents vont débarqués et je suis contente de ne pas le voir fuir. Je me décide à rompre ce silence. Je plonge mon regard dans celui de Meyer.
Tu sais Meyer… Je ne regrette rien. Même s’il y a eu pas mal de peur, ça a été une nouvelle aventure pour moi et je suis contente. Bon, ça ne s’est pas très bien terminé mais si on devait recommencer, je ne changerais rien.
Je lui souris. Après tout, ça fait partie des aléas de la vie. J’aurais tout aussi bien pu me blesser au travail. Je préfère me blesser et découvrir de nouvelles choses que de rester à la maison sans bouger, c’est beaucoup trop ennuyeux. Finalement, ma mère arrive suivie de mon père.
“Harmony ! Tu es là ! Et quel état ! Tu es affreuse !” Heu… Merci. “Tu vois ta désobéissance où elle te mène jeune fille ? Tu t’es punie toute seule ! C’est bien fait !”
Pour la compassion on repassera. Mon père se tourne alors vers Meyer, fronçant les sourcils, complètement furax.
“Vous êtes qui vous ? C’est vous qui avez entraîné ma fille n’importe où ?! C’est à cause de vous qu’elle est dans cet état ?!”
Il est vraiment en train de hurler sur Meyer ? Il faut que je lui trouve une couverture.
Papa arrête, il n’a rien fait de mal ! C’est moi, j’ai voulu me balader en forêt, il s’est mis à pleuvoir, je me suis abritée auprès d’un manoir abandonné. J’ai eu l’idée de visiter mais je me suis blessée et cet homme en entendant mon hurlement est venu me secourir. C’est tout. Il m’a transporté à l’hôpital. C’est… Mon sauveur.
Il y avait une part de vérité mais un mensonge concernant la présence de Meyer. Je ne voulais pas qu’il soit mêlé à tout ça, je préfère prendre et qu’on le laisse en paix.
“Donc tu es assez stupide pour aller visiter un manoir abandonné”. Il semblerait.
Dis-je un peu agacée. Ma réponse n’a pas plus et j’ai le droit à une gifle de ma mère. Je pose ma main sur ma joue rougit. Je pense qu’il vaut mieux que je garde le silence. Je lance un regard désolé à Meyer. J’aurai préféré qu’il ne voit pas ça.
- Et voilà… C’est quand même triste pour un ange de pouvoir soigner les autres mais pas soi-même. Sinon, cette blessure serait déjà une histoire ancienne.
Oui… Et elle serait rentrée chez elle sans subir le courroux de ses parents. Ou pas trop… Malgré tout, la demoiselle se mit à rire et, après avoir remis le drap à sa place, reprit.
- Tu sais Meyer… Je ne regrette rien. Même s’il y a eu pas mal de peur, ça a été une nouvelle aventure pour moi et je suis contente. Bon, ça ne s’est pas très bien terminé mais si on devait recommencer, je ne changerais rien.
Recommencer… il ne fallait tout de même pas abuser. Avait-elle déjà oublié le meurtre et les objets qui bougeaient tout seuls ? Je ne dis rien, n’ayant pas tellement envie de discuter de ce sujet. A la place, je déviai vers quelque chose de plus gai. Les beaux jours arrivaient, et je lui avais promis de repartir en camping pour profiter pleinement de chaque moment, sans être gênés par les intempéries. Nous fîmes une liste exhaustive de tout ce que nous emporterions avec nous sans toutefois nous encombrer pour balader, nous demandant également si le prochain endroit donnerait accès à un point d’eau pour se baigner ou si nous nous contenterions seulement de la forêt. Quelques minutes plus tard, on frappa à la porte. J’eus tout juste le temps de me lever de la chaise avant qu’un couple de cinquantenaires fasse irruption et se précipite vers l’ange.
- Harmony ! Tu es là ! Et quel état ! Tu es affreuse !s’exclama la mère en la regardant sous toutes ses coutures. - Euh… Merci,ironisa la rouquine, ennuyée.
Je reculai dans un coin et me fis tout petit. Difficile avec ma carrure imposante. Mais je gardai le silence, pas franchement pressé de leur parler.
- Tu vois ta désobéissance où elle te mène, jeune fille ? Tu t’es punie toute seule ! C’est bien fait !
Le père me remarqua et me foudroya du regard.
- Vous êtes qui, vous ? C’est vous qui avez entraîné ma fille n’importe où ? C’est à cause de vous qu’elle est dans cet état ?
J’ouvris la bouche pour répondre mais Harmony fut plus rapide.
- Papa arrête, il n’a rien fait de mal ! C’est moi, j’ai voulu me balader en forêt, il s’est mis à pleuvoir, je me suis abritée auprès d’un manoir abandonné.
Que racontait-elle ? Quelle forêt ?
- J’ai eu l’idée de visiter mais je me suis blessée et cet homme, en entendant mon hurlement, est venu me secourir. C’est tout. Il m’a transportée à l’hôpital. C’est… Mon sauveur.
Bon, je supposais que je devais participer au mensonge. Si cela me permettait de finir en brochette… Je confirmai donc d'un hochement de tête.
- Donc tu es assez stupide pour aller visiter un manoir abandonné,conclut le père en se tournant sévèrement vers sa fille. - Il semblerait,répliqua la rouquine avec insolence.
Cela lui valut une gifle de la part de sa mère. J’esquissai un geste mais me retins. Que pouvais-je faire ? Je n’avais pas le droit d’intervenir. En plus, si je le faisais, je ne ferais qu’empirer les choses. La main sur sa joue rougie, Harmony m’accorda un regard désolé auquel je répondis par une expression triste. J’aurais préféré me trouver n’importe où sauf ici. D’ailleurs, mieux valait que je m’en aille tout de suite. Je me raclai la gorge avec embarras et reculai vers la sortie.
- Je… ferais mieux de partir,dis-je avant de poser ma main sur la poignée. - Oui, au revoir !fit la mère qui ne prit même pas la peine de me regarder.
Le père, lui, sembla se radoucir un poil et m’accorda un signe de tête qui ressemblait à un remerciement silencieux. Je quittai la pièce comme si j’étais poursuivi par le diable lui-même. Je ne m’arrêtai qu’une fois arrivé à l’angle du couloir contre lequel je m’adossai, épuisé. Je m’étais fait une petite idée de ce à quoi les parents d’Hamony pouvaient ressembler : des gens durs, dénués d’indulgence et surtout inquiets pour leur fille. Mais en l’espace de quelques secondes, j’avais surtout vu des tyrans en colère et ça ne me plaisait pas du tout. Comment mon amie pouvait-elle continuer à vivre de cette façon ? Que pouvais-je faire pour la sortir de cet enfer ?
Accueil 
Rechercher 
Membres 
Groupes 
Devenir partenaire 
Wikipedia d'ANO 
Rejoignez-nous sur Discord ! 
Changer d'utilisateur 
S'enregistrer 
Connexion 
