Le mois de juin se poursuivait, avec son lot d’inquiétudes liées aux examens que Janna passerait bientôt. Ma fille pourtant si sereine d’habitude semblait tourmentée à l’idée de ne pas tout réussir. Je me demandais bien ce qui pouvait l’inquiéter car elle avait de bonnes notes dans toutes les matières.
- Mais imagine si je rate l’oral d’allemand ?me répéta-t-elle pour au moins la troisième fois de la matinée.
Je levai les yeux au ciel. Le niveau des langues étrangères était assez avancé dans son lycée. Elle apprenait l’allemand et le français de manière plus stricte et complète qu’au collège, et que dans certains autres lycées. Et elle craignait de faire des erreurs alors qu’elle se débrouillait très bien en cours.
- Comment veux-tu rater l’allemand ?répondis-je un poil exaspéré.Tu le gères parfaitement, on le parle quasiment tous les jours.
Depuis qu’elle avait pu apprendre la langue à l’école, j’essayais de lui apporter un maximum d’aide en communicant exclusivement en allemand durant une journée que nous choisissions, selon ce que nous avions prévu de faire pour enrichir les conversations. Elle maîtrisait pas mal de vocabulaire, la conjugaison était acquise, et la prononciation, pas la peine d’en douter.
- Je sais…soupira-t-elle.Mais quand je stresse, je dis n’importe quoi. - Aies confiance,assurai-je en allant poser ma main libre sur son épaule.De toute façon, tu sais bien que si tu foires l’allemand, je te déshérite. - Papa !s’exclama-t-elle affligée en me repoussant.
Je soufflai par le nez.
- C’est pas marrant… - Oui, désolé…
Je soupirai.
- Tu y arriveras, il n’y a pas de raison,repris-je sérieusement.Tu es la meilleure. C’est normal, tu es ma fille.
Un léger sourire pointa au coin de ses lèvres. Elle regarda par la fenêtre ouverte et détacha sa ceinture.
- Bon, j’y vais. A ce soir. - A ce soir, Schatz. Révise bien.
Elle descendit et claqua la porte. Ses amies la rejoignirent et me saluèrent. Cela faisait plusieurs fois que j’avais droit à un accueil plus que chaleureux de leur part.
- Bonjour, Monsieur Meyer ! - Bonjour !
Je me baissai un peu vers le volant et les regardai par-dessus mes lunettes de soleil.
- Ҫa vous va trop bien !commenta celle que je reconnus comme la dénommée Lexie.Il est beau gosse ton père, Janna.
Cette dernière fit des yeux ronds.
- Je rêve ou tu dragues mon père, là ?fit-elle choquée.
La brune haussa les épaules.
- Ben quoi ? C’est vrai, j’en ferais bien mon quatre heures !
Je ne pus m’empêcher de rire, non s’en m’empêcher de penser que les jeunes d’aujourd’hui étaient vraiment effrayants…
- En voilà une qui n’a pas froid aux yeux,répondis-je tandis que ma fille devenait rouge de honte.Désolé, Schöne, reviens peut-être dans dix ans et on en reparle. - Papa !
Je ricanai, remis mes lunettes en place et démarrai sous le regard de braise de Lexie, les rires des autres et l’indignation de Janna. Sérieusement… maintenant, je me faisais draguer par des gamines.
- Où va le monde…marmonnai-je en prenant la première avenue à droite.
Je fis une journée de travail plutôt tranquille. Un embaumement le matin et un l’après-midi. Je finissais tôt et ça tombait bien car mon amie l'ange aussi. Ainsi, nous avions prévu de balader un peu avant d’aller récupérer Janna au lycée. Je me garai devant l’école d’Harmony à l’heure prévu, et attendis.
En ce mardi du mois de juin, la météo était clémente, il faisait beau, bon et les vacances approchaient à grand pas. Les enfants sont surexcités en cette fin d'année mais j'aime toujours autant travailler avec eux même si ça peut être épuisant. Aujourd'hui j'allais finir un peu plus tôt que prévu. Cette après midi, j'avais une visite médicale obligatoire et une remplaçante était prévue. De mon côté, dès la fin de la visite médicale j'étais autorisée à rentrer chez moi ou en tout cas à profiter de mon temps libre. Avec Meyer on avait donc prévu de profiter de ce temps et de la météo pour aller se promener un peu ensemble. Le programme m'enchantait beaucoup. Il était prévu quel vienne me récupérer vers 15h donc on aurait largement le temps pour profiter. La routine du matin, elle, ne changea pas. Réveil, petite toilette, maquillage, habillage, petit déjeuner et nous voilà en route. Meyer avait déjà repris l'habitude de me déposer à l'école et c'était encore le cas ce matin. On arrive à quelques mètres de l'école. Je descends, saluant Janna et Meyer.
A tout à l'heure, bon courage pour être journée.
Je leur souris, les salue de la main et je ferme la porte. Je me dirige donc vers l'école quand soudain, on me tire en arrière, une main avec un tissu et placé sur mon visage et... plus rien. Je tombe complètement dans les vappes...
J'ai mal... J'ai froid... Un silence de mort... J'ouvre doucement les yeux. C'est dur... Le sol ? Je me suis évanouie ? Je ne me souviens pas bien... J'étais en route pour l'école mais je n'ai pas l'impression d'y être... Le brouillard devant mes yeux s'estompe et je regarde tout autour de moi. Je ne connais pas cet endroit et... Je suis attachée ? Et en sous-vêtements ? ! Je n'ai aucun moyen d'essayer se contacter qui que ce soit, je n'ai rien pour appeler au secours... Je prends conscience de ma situation et je commence à voir peur. Qu'est-ce que je fais ici ? Meyer... Janna... Est-ce que je vais les revoir ? J'essaye de bouger mes mains et mes pieds mais impossible, les liens sont trop serrés et me lancèrent la peau. Mon cœur manque un bond quand j'entends des bruits de pas. Puis une voix.
Quel genre de parents engagent quelqu'un pour kidnapper leur fille ?
Je le regarde à la fois effrayée et sous le choc de ce qu'il me disait.
Et oui et ils ont fait confiance au premier venu. Leur somme est sympa mais j'en veux un peu plus. J'espère pour toi qu'ils vont payer.
Je n'ose rien répondre. Les mots sont là mais incapables de sortir de ma bouche. Il se rapproche, approchant son visage de mon oreille. Je tremble.
Tiens je te propose un jeu... s'ils n'ont pas payés avant demain matin... que dirais-tu d'une nouvelle vie de lycan ? Ce serait amusant tiens.
Je sens alors sa langue glisser sur ma nuque. Je commence à pleurer, tremblant encore plus...
Laissez-moi !
Hurlais-je de terreur ne pouvant retenir les larmes. Il est mon prédateur et je suis sa proie, seule, avec aucun moyen de défense. Alors que j'avais hurlé, il me colle un coup de point au visage, ma tête tournant sur le côté. Un peu de sang s'échappe d'entre mes lèvres.
Ah non, je ne veux pas t'entendre ! Allez hop, un bâillon pour la demoiselle !
Il prend un morceau de tissu qu'il me met dans la bouche et attache derrière ma tête. Je n'ose rien dire, rien faire, terrifiée et priant pour que quelqu'un me retrouve...
Cinq minutes passèrent, puis dix. Et je ne voyais toujours personne. M’étais-je trompé d’heure ? Non, il ne me semblait pas. Harmony m’avait encore rappelé l’horaire ce matin, juste avant que je l’aie laissée au travail. Elle avait un rendez-vous à la visite médicale et ensuite, elle pourrait sortir. Je patientai encore, peut-être avait-elle eu un imprévu. Mais ce que je trouvais étrange, c’était le fait qu’elle n’ait pas prévenu. Elle n’hésitait jamais à envoyer un message, même pour un tout petit retard. Je sortis de la voiture, me rendis devant le portail fermé. J’appuyai sur l’interphone et fus mis en contact avec l’accueil.
« Bonjour, en quoi puis-je vous aider ? »demanda la secrétaire.
Je me présentai, déclarai que j’étais venu chercher Harmony après sa visite médicale. Dans le doute, je demandai s’il y avait du retard dans les rendez-vous.
« Un instant, s'il vous plaît. »
Il y eu un silence, j’entendis des voix lointaines. Puis celle de la femme retentit de nouveau.
« Harmony n’est pas là, elle ne s’est pas présentée aujourd’hui. »
Hein ?
- Euh… mais comment ça ?répondis-je étonné et de plus en plus inquiet.Je l’ai déposée ce matin, il doit y avoir une erreur. « Il n’y a pas d’erreur, Monsieur, nous avons essayé de la joindre, sans succès. »
Je restai sans voix. Mon interlocutrice s’excusa et me souhaita une bonne fin de journée. Je retournai à la voiture. Je ne me sentais pas très bien. Près de sept ans en arrière, le même genre de phénomène se produisait. L’école de Janna m’appelait pour me signaler que Mary n’était pas venue chercher notre fille. Et quelques minutes plus tard, je découvrais mon épouse assassinée. Un douloureux souvenir qui me donna la nausée et des sueurs froides. Cela ne pouvait pas recommencer. Pas encore. Ce n’était pas possible. Frissonnant, je tentai d’appeler Harmony. Je tombai directement sur sa messagerie. Mon cœur rata un battement. Néanmoins, contrairement à l’époque, j’avais une petite idée de ce qui avait pu arriver, et de l’endroit où se trouvait la demoiselle. Et j’espérais de toutes mes forces que mes suppositions demeuraient correctes. Angoissé comme jamais, je démarrai et pris la direction de la maison des Blossom. Durant tout le trajet, je priai pour me retrouver face aux parents d’Harmony essayant de me dire qu’ils avaient repris leur fille pour son bien, et que je devais dégager de chez eux. C’était le meilleur qui pouvait arriver. Arrivé à destination, je me garai à l’arrache sur le trottoir, descendis de la BMW et ouvris le portail. Je parcourus l’allée à pied jusqu’à la porte d’entrée que je martelai jusqu’à ce qu’on vienne m’ouvrir. Madame Blossom sursauta en me voyant et fit un pas en arrière.
- Où est-elle ?demandai-je en essayant de contenir ma colère. - J… Je ne sais pas…
Monsieur Blossom apparut derrière sa femme quelques secondes plus tard, alerté par ma voix.
- Qu’est-ce que vous faites ici, vous ?s’écria-t-il énervé.Dégagez de là, espèce de monstre ! - Pas avant que vous m’ayez dit où est Harmony,répondis-je déterminé. - Elle n’est pas là.
Je me figeai. Pas là ? Non, ils mentaient.
- C’est vous qui l’avez forcée à revenir ici,accusai-je.Elle n’est pas allée travailler aujourd’hui. - Elle n’est pas là,répéta-t-il. - Où est-elle, alors ?insistai-je en tremblant des bras à force de serrer les poings.
Il eut un instant d’hésitation.
- Nous… nous ne savons pas.
Il semblait tellement incertain cette fois que la peur surpassa la colère. Et il me vint une hypothèse à laquelle je n’aurais jamais imaginé que les parents d’Harmony aient songé.
- Ne me dites pas que vous avez fait ça…fis-je, scandalisé.
Madame Blossom craqua en premier et commença à sangloter.
- Nous ne savions pas ! Nous étions pourtant certains qu’il nous la ramènerait tout de suite…
J’en étais sûr. Ces enfoirés avaient payé quelqu’un pour kidnapper Harmony et la leur ramener contre de l’argent.
- Qui ?demandai-je, même si je connaissais déjà la réponse.
Ils ne savaient pas, évidemment. Tout ce qu’ils purent me dire, c’était que ce type les avait contactés ce matin pour leur signifier que s’ils ne venaient pas au point de rendez-vous avec la somme demandée – bien plus que le montant convenu au début – ils ne reverraient plus jamais leur fille. Ils avaient jusqu’à demain matin pour payer. Comment retrouver l’ange, à présent ? C’était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Si Sofia avait été là, elle aurait été capable de retracer le trajet d’Harmony à partir du moment où je l’avais déposée à l’école. Mais l’enquêtrice ne vivait plus à Los Angeles et je n’avais absolument pas le temps de la faire voyager jusqu’ici. Harmony serait morte bien avant que la demoiselle aux cheveux de neige ait mis un pied sur le sol américain…
- Fait chier !jurai-je en donnant un coup de poing dans un vase suspendu.
Madame Blossom poussa un petit cri. Le vase éclata et le terreau se répandit sur le sol. Je tournai les talons, sans trop savoir comment j’allais m’y prendre pour trouver une piste.
- Attendez !
Monsieur Blossom passa le pas de la porte. Il s’arrêta quand je me retournai et resta à bonne distance, craintif à l’idée que j’aie envie de lui donner un coup de poing, à lui aussi.
- Aidez-nous à la retrouver. - Pardon ?m’exclamai-je révolté par sa demande.C’est la meilleure, ça ! Vous commanditez l’enlèvement de votre propre fille, vous m’insultez et après vous voulez que je vous aide ? Vous vous foutez de moi ?
Madame Blossom avança à son tour, en larmes.
- Nous avons fait une erreur ! S’il vous plaît, je vous en conjure, aidez-nous à récupérer Harmony…supplia-t-elle.
Je les regardai tour à tour, dégoûté. Je n’avais aucunement envie de leur apporter le moindre soutien. Mais ils en savaient plus que moi sur le type qui détenait mon amie et eux seuls connaissaient le lieu du rendez-vous. Réfléchis, réfléchis… Je les pointai d’un doigt autoritaire.
- Appelez-le,ordonnai-je.Dites-lui que vous allez payer, et maintenant.
Ils me regardèrent comme si je venais de dire une énormité… ce qui n’était pas tout à fait faux.
- Mais… - Organisez le rendez-vous tout de suite !coupai-je en perdant patience.Donnez-lui son foutu fric et laissez-moi faire le reste !
A court d’arguments, ils acceptèrent. Après avoir passé un coup de fil au criminel, ils déposèrent la mallette remplie d’argent dans leur voiture. Ils prirent mon numéro de téléphone, puis me donnèrent l’adresse du rendez-vous, et je les suivis avec la BMW. Je me garai à environ deux-cent mètres de la destination, continuai à pied et me cachai. Quand le type arriva et descendis de sa vieille Mercedes cabossée, mon sang ne fit qu’un tour. C’était un lycan. Et même à cette distance, je pouvais sentir le parfum d’Harmony sur lui. Les Blossom payèrent. Dès que le lycan s’en alla, Monsieur Blossom m’appela et m’indiqua la direction dans laquelle la Mercedes était partie. Je raccrochai, courus rejoindre ma voiture et pris le lycan en chasse.
Attachée, bâillonnée, incapable de bouger et de parler, je suis la proie d’un homme que je n’ai jamais vu de ma vie. Comment ? Comment mes parents ont pu en arriver là ? Orchestrer un enlèvement… Et maintenant je me trouve entre les mains d’un psychopathe. J’ai peur, j’ai froid, j’ai mal et ce goût de sang dans ma gorge m’écoeure. L’homme, bien heureux de m’avoir comme jouet, quitte la pièce et me plonge dans le noir complet. Je suis dans une cave, ou quelque chose qui y ressemble, pas de fenêtre, pas de vue sur le monde extérieur, rien, l’obscurité totale. Celle-ci ne me faisait rien mais aujourd’hui elle me terrifiait. Seule, je n’avais que mes larmes pour me tenir compagnie. L’homme s’est en allé. Et je suis là à attendre, perdant toute notion du temps…
Une éternité semble être passée quand la porte de ma prison s’ouvre. C’est l’homme… Comment pouvais-je espérer que ce soit quelqu’un d’autre. Qui pourrait me trouver ici ? Personne. L’homme s’approche de moi et vient m’attraper par les cheveux.
T’as une belle frimousse toi. J’ai finalement envie d’entendre de nouveau ta jolie voix.
Je le regarde terrifiée. Ca me paraîtrait trop beau qu’il me retire le bâillon. Je ne sais pas à quoi m’attendre et je n’ai pas envie de le savoir.
On va jouer à un jeu. Si tu cries, je continue.
De quoi parle-t-il ? Il me montre alors un couteau. J’ouvre de grands yeux complètement apeurés. Il aiguise la lame devant moi avant de la faire glisser sur ma peau, au niveau de mon épaule droite et je hurle tant la douleur est intense. Il ne s’arrête pas et mon sang commence à couler. J’essaye de me retenir de hurler, je mords très fort le bâillon mais ne n’est pas suffisant. Il retire la lame de ma peau et je pleure à chaudes larmes Puis il reprend sur mon deuxième bras et un nouvel hurlement se fait entendre. J’en ai la tête qui tourne. Mais ce n’est pas suffisant pour lui, il s’attaque à ma cuisse, prenant son temps pour lacérer ma peau. Je ne tiens plus. Je sombre une première fois…
J’ouvre les yeux… Je suis toujours dans cette maudite cave, j’ai du sang séché sur mes bras et de larges plaies ouvertes. L’homme est assis à côté de moi comme deux amis. Il est en train de finir une cigarette.
Eh bah, pas très résistante, j’ai cru que tu ne te réveillerais jamais. Merde, j’ai oublié mon cendrier.
Il prend sa cigarette allumée et vient l’éteindre sur ma peau. Je hurle encore une fois. Je n’en peux plus de la douleur.
Bon allez j’y vais, j’ai rendez-vous. Soit bien sage parce que sinon…
L’homme partit et me replongea dans le noir. j’ai mal, je saigne, j’ai froid, j’ai peur, j’ai l’impression que je vais suffoquer et je me sens toute faible. Mon sang a bien coulé, trop coulé mais je veux lutter pour ne pas succomber… Mais… Plus rien. De la lumière… La porte s’ouvre et l’homme rentre avec une mallette cette fois. Est-ce que mes parents ont payé ? vais-je sortir de là ? Je l’espère de tout cœur. L’homme s’approche de moi et vient me chuchoter à l’oreille.
Il semblerait que tes parents ont pris une sage décision mais… Ils méritent une correction pour avoir voulu te kidnapper, tu crois pas ?
Une sourire sadique s’étira sur ses lèvres. Il se penche sur moi, descend une de mes bretelles de soutien-gorge et vient glisser ses crocs le long de ma chair... Ses pupilles dorées, caractéristique des lycans. Cette même teinte qui me fascinait chez Meyer aujourd'hui, me terrorisait chez cet inconnu... Il va me mordre ? Me transformer ? Je tente de me débattre mais il exerce une pression plus forte our maintenir penchées et accéder à la zone qu’il veut mordre. J’essaye de hurler de toutes mes forces, je n’arrête pas de pleurer mais je sais que personne ne va m’entendre et que c’est trop tard…
Visiblement, c’était quelqu’un de très peu futé. Sa planque ne se trouvait pas très loin et il fut facile de le garder à l’œil malgré la circulation. Il conduisait comme un manche et recevait des coups de klaxons de la part des autres automobilistes. Je le suivis jusqu’à l’entrée d’un quartier dont la plupart des maisons étaient dans un mauvais état. Il se gara dans l’allée de l’une d’elles, descendit et entra. Je passai devant et m’arrêtai bien plus loin, histoire d’être sûr de ne pas éveiller les soupçons si jamais il lui venait l’idée de regarder par la fenêtre. Je quittai la BMW et rejoignis la maison à pas furtifs. Une fois devant la porte, je humai l’air. Il ne faisait aucun doute qu’Harmony était ici. Mais dans quel état ? Je devais faire vite. Néanmoins, comment éviter d’alerter son geôlier ? Si jamais il se rendait compte que je venais pour elle, il lui ferait plus de mal que ce n’était sûrement déjà fait. Impossible d’entrer en douce, il me sentirait, étant donné qu’il était lycan. Il ne restait plus qu’une solution. Je frappai à la porte. J’eus l’impression d’attendre une éternité avant qu’il daigne ouvrir. Il me dévisagea d’un air mauvais.
- T’es qui ? - Je dois livrer un colis, ce n’est pas ici le numéro 132 ?inventai-je.
Je fis mine de regarder autour de nous, mais c’était surtout pour être sûr que personne ne nous observait. La rue était déserte, parfait. Avant même qu’il puisse répondre, je le poussai dans la maison et claquai la porte derrière moi. Ayant trébuché, il se releva et me lança un regard féroce.
- C’est quoi ton problème ?fit-il en faisant craquer les jointures de ses mains.Dégage de là !
Il essaya de me frapper, j’esquivai facilement et allai l’envoyer contre un vieux radiateur. Je devais faire attention. Là, il m’avait raté mais dès la première observation, la première attaque, je pouvais reconnaître quelqu’un qui savait se battre ou non. Et c’était son cas. L’enchaînement de coups qui s’ensuivit demanda un certain effort de concentration. J’en prenais moins que ce que j’en donnais mais le lycan était résistant. Nous luttâmes un moment, jusqu’à ce qu’il finisse par passer par-dessus l’îlot central de la cuisine.
- C’est la fille que tu veux, c’est ça ?réalisa-t-il en se relevant.Je peux comprendre, elle est délicieuse…
Son sourire vicieux me donna des frissons d’horreur.
- Qu’est-ce que tu lui as fait ?grondai-je effrayé à l’idée qu’il ait pu mordre l’ange.
Il dégaina un couteau qui portait des traces de sang.
- Un tas de choses…
Je lui fonçai dessus. Le désarmer ne fut pas une mince affaire. Je pris quelques coups de lame qui entaillèrent mon tee-shirt avant de lui faire lâcher son couteau.
- On s’est bien amusés, tous les deux,ricana-t-il en évitant mon coude.Si tu l’avais entendue hurler…
Dans un élan de rage, je lui donnai un grand coup de pied en pleine poitrine. Il décolla du sol et passa à travers la porte qui se trouvait derrière lui. Et il chuta dans un escalier jusqu’en bas. J’avançai. C’était une cave. Une cave qui sentait le sang, la cigarette, et le parfum d’Harmony. Le cœur battant, je dévalai l’escalier, tournai la tête à droite. Elle était là, prostrée au sol, les poignets et les chevilles attachés, un bâillon dans la bouche, et en sous-vêtements. Elle saignait de partout. Ce connard lui avait écorché les bras et les jambes avec son couteau. Elle portait la trace d’une brûlure de cigarette sur la cuisse et une énorme ecchymose marquait sa joue. Pendant un instant, j’eus la vision de Mary sous les yeux, les vêtements déchirés, dans le même état mais en plus de cela, souillée et poignardée plusieurs fois par son assassin. Au bord de l’évanouissement, je me précipitai sur la rouquine et posai un genou à terre.
- Harmony,fis-je en la prenant par les épaules.
Il faisait un peu sombre et mes yeux avaient viré au doré pour adapter ma vue. Croyant sûrement que j’étais l’autre lycan, elle gémit de terreur et tenta de se débattre.
- Harmony, c’est moi, c’est moi !assurai-je en prenant ses joues entre mes mains pour qu’elle me regarde.
Elle se débattit encore mais cette fois, elle regardait derrière moi. J’eus tout juste le temps de rouler sur le côté pour éviter la chaise que le lycan fracassa par terre, devant l’ange. La lutte reprit. Cependant, le fait d’avoir vu Harmony si faible, si blessée, avait attisé ma colère et mon adversaire ne put plus riposter à partir du moment où j’enchaînai les coups sur lui. Harmony était en vie, j’avais réussi à arriver avant qu’il ait eu l’idée de la tuer. Cette fois, je n’avais pas trouvé un cadavre. Cette fois, j’étais là pour la sauver. Je frappais le lycan avec tant de force qu’il en était désorienté. Quand il tomba à la renverse, je me jetai sur lui et rouai son visage de coups jusqu’à ce qu’il en tombe inconscient. J’avais une terrible envie de le tuer… Mais les pleurs d’Harmony me ramenèrent à la raison, et je lâchai le col du criminel dont le corps resta inerte au sol. Je me mis debout, sortis mon téléphone portable. Une seule personne pouvait intervenir assez vite et embarquer ce type sans me poser de question : Boris Joukov. Je l’appelai, il répondit aussitôt et confirma qu’il serait là dans moins de cinq minutes. Je raccrochai.
- Harmony…murmurai-je essoufflé.
Je la rejoignis, tombai à genoux près d’elle. Je tirai sur ses liens pour les lui enlever, avant de retirer son bâillon. Et je la serrai contre moi.
Sa langue et ses crocs au contact de ma peau son horriblement désagréable. Je tremble de tout mon être, priant pour que quelqu’un intervienne et alors que ça me semblait impossible. Je n’ai plus que mes yeux pour pleurer. Soudain ça sonne à la porte et l’homme s’en va me laissant de nouveau dans le noir complet. Je préfère être seule qu’avec lui et je prie pour qu’il ne revienne pas. Je n’en peux plus, j’aimerais que tout ça s’arrête. J’entends du raffut à l’étage mais je n’ai aucune idée de ce qu’il se passe. Quelqu’un chute lourdement de l’escalier. Je sens mon coeur faire des bonds dans ma poitrine et s’en est même douloureux. Quelqu’un d’autre descend les escaliers ? Est-ce mon geôlier ? Je discerne à peine sa voix… Ses pupilles dorées me terrifient. Il me prend par les épaules, je hurle et me débat comme je le peux. Il prend ma tête entre ses mains me forçant à le regarder et je reconnais enfin cette voix et ce visage. Meyer. Je fus soulagée sur le coup mais je remarque l’homme derrière qui se relève et qui est prêt à l’attaquer de nouveau. Je me débats de nouveau pour essayer de me faire comprendre. Meyer roule sur le côté et évite la chaise qui se fracasse juste devant moi. Je n’étais plus que spectatrice d’un combat entre lycans et je ne voulais pas voir ça, je ferme les yeux, tremblant de froid, de peur. Je me sens terriblement mal, au bord de l’évanouissement. C’est trop dur… Je me sens tomber une nouvelle fois… J’entends alors une petite voix au loin, je rouvre mes yeux. Meyer était là, face à moi. Il défait mes liens et retire mon bâillon plein de sang me serrant contre lui. Je pleure à chaudes larmes dans ses bras.
Meyer… Tu es venu…
Je tremble de tout mon être dans ses bras, cherchant un peu de chaleur et de réconfort. Je serre faiblement son tee-shirt entre mes doigts. Je ne veux plus le lâcher.
Froid… J’ai mal…Vais-je mourir ?
Dis-je très faiblement alors que mes dernières forces m’abandonnent complètement. J’étais dans un état pitoyable, aussi bien physique que psychologique. J’avais l’impression de suffoquer, de ne pas réussir à respirer. Je ferme les yeux et je sombre, tombant tout contre Meyer, inconsciente.
Elle se laissa aller dans mes bras et pleura de plus belle.
- Meyer… Tu es venu…
Ces mots… Ils me percutèrent avec tellement de force que les larmes me montèrent aussitôt aux yeux. Heureusement, Harmony avait son visage enfoui dans mon tee-shirt et ne pouvait rien voir. Je me retins comme je pus de défaillir devant elle mais c’était difficile. J’aurais voulu entendre ces mots de la part de Mary. J’aurais voulu avoir été là à temps, comme aujourd’hui. J’aurais voulu que, comme l’ange, elle me dise simplement qu’elle avait froid, qu’elle avait mal. J’aurais voulu qu’elle me demande si elle allait mourir. J’aurais voulu lui répondre que tout irait bien désormais et que je la ramenais chez nous, à la maison, avec Janna. Mais elle avait hurlé, encore et encore, de toutes ses forces, jusqu’à ce que Bear la fît taire. Elle avait hurlé mon prénom en espérant me voir arriver pour la sauver. Mais cette enflure l’avait tuée avant, en prenant bien soin de la faire souffrir. Tourmenté, j’essayai tant bien que mal de murmurer des mots rassurants à Harmony. Mais ma voix tremblait, s’éraillait. L’ange perdit connaissance peu avant que des coups retentissent à l’étage du dessus. J’entendis la porte d’entrée s’ouvrir et une voix familière.
- Agent Boris Joukov de l’Ordre !
J’étais incapable de répondre. Cependant, le russe et ses collègues remarquèrent bientôt la porte de la cave défoncée, et ils descendirent. Quand il nous vit, Boris leva des sourcils étonnés mais ne dit rien. D’un signe de tête, je lui montrai le lycan allongé non loin. Il reprenait connaissance. Boris se chargea d’aller le menotter, et lui servit le discours habituel des agents de police.
- Je vous arrête pour séquestration, agression et tentative de meurtre. - Et détention de stupéfiants, agent Joukov,renchérit un collègue qui venait d’ouvrir une caisse dans un coin de la cave. - Encore mieux,ironisa-t-il.Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous…
Etc. Je n’écoutais plus, regardais Harmony dont le visage et le corps étaient abîmés. Histoire de me rassurer, je l’inspectai rapidement pour être sûr qu’elle n’avait pas été mordue. Apparemment non. Je soupirai, levai les yeux vers l’agent qui me demandait ce qu’était l’objet posé derrière moi. Je me retournai. Il s’agissait de la mallette remplie d’argent des Blossom.
- Je dois… rendre ça à ses parents,parvins-je à dire d’une voix assez audible.
Il hocha la tête et se dirigea vers l’escalier.
- Les secours arrivent, je vous les amène ici.
Harmony était toujours inconsciente. Je la gardai dans mes bras jusqu’à ce que les ambulanciers nous aient rejoint. Ils me demandèrent de poser la rouquine sur la civière qu’ils avaient descendu. Je m’exécutai, ils la couvrirent avec une couverture de survie. Et ils la remontèrent jusqu’au camion. Je les suivis après avoir récupéré la mallette et les vêtements de la demoiselle. Boris et ses agents refirent surface peu de temps après avec le lycan. Son visage était tellement ensanglanté et tuméfié qu’il était méconnaissable. Le russe s’approcha, me fit remarquer que c’était la deuxième fois que je l’appelais pour arrêter un agresseur que j’avais empêché d’agir. Il avait raison. J’avais sauvé Freja d’une mort certaine en 2036. Il déclara que je connaissais la procédure et qu’il m’attendait pour ma déposition, ainsi que celle d’Harmony quand elle serait rétablie. Puis il me souhaita une bonne fin d’après-midi et s’en alla avec sa brigade, et le futur prisonnier. Perturbé, je retournai à la BMW, mis la mallette dans le coffre et suivis les ambulanciers jusqu’à l’hôpital. Quand j’entrai aux urgences avec les vêtements d'Harmony dans les mains, je dus attendre une bonne heure avant de pouvoir la retrouver. Ils ne l’avaient pas mise en chambre car, apparemment, elle ne souhaitait pas rester. J’aurais préféré qu’elle se repose mais je comprenais son envie de rentrer à la maison. En voyant l’ange assise sur un brancard, en train de se faire poser le dernier pansement, je résistai à l’envie de soupirer d’affliction. Je devais me montrer en forme et rassurant. L’infirmière s’en alla et je réduisis le peu de distance qui nous séparait.
- Harmony.
Je posai les habits à côté d'elle, me penchai un peu et la serrai dans mes bras, doucement, pour ne pas lui faire mal.
L'obscurité totale... un peu de lumière vient rompre ces ténèbres. Une lumière au loin... une douce chaleur m'enveloppe... C'est ça la mort ? C'est agréable... Mais j'ai envie de vivre encore... J'ai tellement de rêves à réaliser... Meyer... J'ai tellement envie de passer encore du temps avec toi... Janna aussi... l'école.. tous les enfants de ma classe... leurs rires... je veux les entendre encore une fois... Ça me paraît si loin... La lumière au loin s'intensifie, est-ce que je dois y aller... ?
J'ouvre les yeux doucement. Je regarde autour de moi. Une salle beige, ça sent comme à l'hôpital... En fait je suis dans un hôpital. Les infirmiers ont fait cessé l'écoulement de mon sang et on nettoyé les plaies.
Bonjour madame. Comment vous vous sentez ? Je veux rentrer. Vous devriez rester vous reposer ici. Je veux rentrer chez moi...
Je ne dis rien de plus, je ne voulais rien d'autre. L'infirmière compris et n'insista pas. Elle me conseilla de prendre le temps de me reposer. J'avais encore droit à un arrêt de travail d'une semaine. Elle me mit le dernier bandage et Meyer arrive. Mon regard triste se tourne vers lui. Il me serre délicatement dans ses bras et je pleure de nouveau.
Je... je veux rentrer...
Dis-je dans un souffle. Il acquiesce d'un signe de tête m'expliquant qu'on allait chercher Janna. J'acquiesce d'un signe de tête en retour. J'enfile mes vêtements qu'il a retrouvé puis avec son soutien, on rejoint sa voiture, je monte côté passager. Aucun mot ne sera prononcé de mon côté. On rejoint l'école de Janna. Celle-ci monte en voiture.
Bonjour papa, bonjour Harmony !
J'entre-ouvre mes lèvres pour lui répondre mais mes mots sont bloqués dans ma gorge. Pardon Janna... Encore une fois elle pâti d'une situation sont elle n'est aucunement responsable.
Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi t'es blessée ? Papa pourquoi il y a du sang sur ton tee-shirt ?
Demande-t-elle très inquiète. Je sers mon tee-shirt entre mes doigts. Un silence. Je regarde la route mais je reconnais que ce n'est pas le trajet habituel. Je jette un regard interrogateur à Meyer qui m'explique que l'on se rend chez mes parents. J'ouvre de grands yeux et je secoue la tête négativement. Mais il insiste, pour montrer ce qui m'est arrivé à cause d'eux. Je détourne le regard et je baisse la tête. Je sens les larmes me monter à nouveau, j'essaye tant bien que mal de les retenir. Quand on arrive on sort tous les trois de la voiture. Janna constate que j'ai plus de bandages qu'elle ne l'avait vu. Mes parents sont là, ils viennent à notre rencontre. Je suis incapable de les regarder, je regarde sur le côté et je reste en retrait derrière Meyer, agrippant son tee-shirt. C'est une torture qu'il m'inflige là...
Elle laissa échapper quelques sanglots. Je restai silencieux, me contentant de lui transmettre autant de chaleur que possible à travers mon geste.
- Je... je veux rentrer...finit-elle par dire quand elle retrouva l'usage de la parole.
Oui, nous allions retrouver la sécurité de la maison. Mais d'abord, il fallait récupérer Janna au lycée. Harmony descendit du brancard et retira la couverture de ses épaules. Avec mon aide, elle s'habilla et nous sortîmes de l'hôpital. Le trajet jusqu'au lycée fut très silencieux. Je mis un peu de musique dans l'espoir de détendre un peu la rouquine. Mais son visage restait fermé de tristesse, et ses yeux voilés d'un traumatisme contre lequel il faudrait lutter à partir de maintenant. Janna nous salua quand elle monta dans la voiture. Sa bonne humeur fondit comme neige au soleil quand elle vit l'état d'Harmony, et celui de mon tee-shirt entaillé et plein de sang. Soudain inquiète, elle demanda ce qu'il s'était passé. Je répondis que je lui expliquerais plus tard parce que ce n'était pas le moment d'en parler. Elle comprit et attacha sa ceinture. Nous étions presque arrivés à la maison quand je décidai de changer de route.
- On va où ?questionna Janna tandis qu'Harmony m'accordait un regard interrogateur.
Je pinçai les lèvres, à moitié sûr de ce que je faisais. Ma réponse n'allait pas plaire à l'ange. Je lui jetai un coup d’œil.
- On va chez ses parents.
Ses yeux s'écarquillèrent d'anxiété et elle secoua négativement la tête.
- Je sais, et je suis désolé de t'infliger ça,dis-je très peu motivé par ma propre décision.Mais je crois qu'il est nécessaire de leur montrer leur erreur.
Si la demoiselle décidait de ne pas les poursuivre pour ce qu'ils avaient fait, cela leur servirait au moins de punition, et de leçon. Du moins, je l'espérais. Après cet acte abominable, je ne savais plus dire si ces gens détenaient encore une once de bonté. Nous arrivâmes devant la maison des Blossom. Le portail était ouvert, cette fois. Je m'engageai dans l'allée, avançai jusqu'au bout. Après avoir coupé le moteur, je descendis du véhicule. Harmony m'imita, la tête baissée, toujours silencieuse, et vint se réfugier derrière moi alors que ses parents sortaient de la maison pour venir à notre rencontre. Le bruit d'une porte qui claque m'indiqua que Janna était également sortie de la voiture. Mais elle resta là où elle était. Madame Blossom plaqua ses mains sur sa bouche, visiblement bouleversée. Son mari, lui, sembla se contenir pour ne pas s'effondrer. Son visage avait pâli. Lorsqu'ils firent un pas dans notre direction, je levai la main derrière moi dans un geste de protection envers Harmony. Ils se figèrent, l'incompréhension se lisant sur leur visage.
- Qu... qu'est-ce que ça veut dire ?demanda son père.
Sa question m'exaspéra aussitôt.
- Parce que vous croyez vraiment qu'Harmony a envie d'aller dans vos bras ?rétorquai-je d'une voix calme mais remplie de colère.C'est vous qui lui avez infligé ça !
Ils baissèrent les yeux, penauds.
- Nous voulions la récupérer...commença sa mère. - En envoyant un taré à qui vous avez fait aveuglément confiance,l'interrompis-je.Et pour quel résultat ? Si je n'avais pas retrouvé Harmony à temps, il l'aurait tuée. Et ça, c'est dans le pire des cas.
La fureur montait de plus en plus, à tel point que j'en tremblais.
- Vous devriez avoir honte !repris-je sans pouvoir m'empêcher d'élever la voix.Quels parents font ça à leurs enfants ? Vous auriez fait quoi si ce type l’avait assassinée, hein ? Vous dites que les lycans sont des monstres, je vais vous apprendre un truc aujourd’hui : vous ne valez pas mieux ! Et vous méritez de pourrir en taule !
J’y allais un peu fort devant Harmony. Mais j’étais hors de moi. Il valait mieux que nous nous en allions avant que je dise une bêtise. Avant cela, j’allai à la voiture, ouvris le coffre et en sortis la mallette remplie d’argent. Je refermai le coffre et retournai auprès d’Harmony. Janna nous rejoignit tandis que je levais la mallette devant les yeux des Blossom.
- Une dernière chose…
Je la jetai dans le gravier, devant eux.
- Je crois que c’est à vous.
Enfin, je pris la main d’Harmony et tournai les talons.
- Attendez.
Que nous voulaient-ils encore ? Je levai les yeux au ciel, agacé, et leur fis de nouveau face. Monsieur Blossom ramassa la mallette, la contempla, la soupesa, l’air pensif et un peu craintif. Puis il la tendit vers moi.
- Prenez cet argent.
Ma réaction fut immédiate.
- Pour ensuite m’accuser de vous l’avoir volé ?répliquai-je avec un ricanement sans joie.Ou comme monnaie d’échange contre votre fille ? Non, merci. Gardez votre fric, j’en veux pas. Brûlez-le, bouffez-le, foutez-le-vous au cul, si ça vous chante, je n’accepterai jamais rien de votre part. Et Harmony vient avec nous, que vous le vouliez ou non.
Ils se regardèrent, surpris. Janna me prit par le bras alors que je faisais un pas en avant en pointant les deux autres d’un doigt menaçant.
- Papa… c’est bon. - Avisez-vous encore une fois de la mettre en danger, et je vous jure que... - Papa, je crois qu’ils ont compris,coupa-t-elle calmement en exerçant une pression sur mon bras.
Je me tus, baissai les yeux sur Janna qui désigna Harmony d’un signe de tête. L’ange pleurait de nouveau, en silence. Je me radoucis aussitôt, non sans accorder un dernier regard meurtrier à ses parents. J’aidai la rouquine à remonter dans la voiture. Janna prit place à l’arrière. J’ouvris la portière côté conducteur, esquissai un geste pour m’asseoir. Je me ravisai et m’adressai aux Blossom.
- S’il vous reste un tant soit peu d’humanité et d’amour pour votre fille, foutez-lui la paix,conseillai-je.Et si vous voulez des nouvelles, vous n’aurez qu’à appeler.
Sur ce, je n’attendis pas de réponse et montai dans la voiture à mon tour. Je fis demi-tour dans la cour puis nous quittâmes les lieux.
La boule au ventre, le regard rivé sur la route, on se rapproche dangereusement de la maison de mes parents. J'aimerais me terrer dans un trou de souris. J'aimerais disparaître... je ne veux pas être là. Et pourtant quelques minutes après, me voilà face à mes parents. Je reste réfugiée derrière Meyer, incapable de les regarder dans les yeux. C'est dur pour moi d'être face à ceux qui ont mis ma vie en péril pour pouvoir me récupérer. Ils font un pas vers nous mais Meyer leur fait comprendre qu'il ne les laissera pas m'atteindre. Mon cœur bat tellement vite j'ai l'impression qu'il va exploser. Je me sens mal. Il leur fait des remontrances, il a raison mais c'est dur à entendre... Des images horribles me reviennent en tête. Je veux rentrer, c'est tellement dur à supporter. Cet homme aurait pu me tuer... Il était à deux doigts de me transformer... je me souviens de sa langue et de ses crocs sur ma peau. Je tremble et les larmes commencent à monter. Encore. Meyer leur balance une mallette devant eux. Il me prend la main et je la serre faiblement. Mon père veut lui donner l'argent mais Meyer le refuse, son ton devient cinglant. Ses mots sont durs. Une monnaie d'échange... J'ai l'impression d'avoir perdu toute humanité aujourd'hui... Cette situation, ces conflits, il faut que ça cesse... J'ai mal... Je suis épuisée et je fonds en larmes. Janna tente de calmer son père. Je reste muette. Rentrer... je veux rentrer... Meyer m'aide à remonter dans la voiture. Quelques mots à mes parents et il monte à son tour. Le regard plongé à travers la vitre, j'attends impatiemment que l'on arrive. La maison apparaît au loin. On arrive. Meyer se gare dans son garage. Il descend et vient m'aider. On est enfin à la maison. Je me sens soulagée mais je reste toujours autant muette. Je n'ai qu'une envie, m'enfermer dans ma chambre et ne plus en sortir mais avant, j'ai envie d'aller à la douche. Repenser à ses crocs et à sa langue sur ma peau me fait horreur, je me sens sale. En sous-vêtements dans cette cave, il ne peut en être autrement. Je me sens à la fois faible et toute courbaturée mais il le faut, je ne me voyais pas aller dans mon lit en l'état. Sans un mot, je me rends dans ma chambre pour prendre mes affaires: ma nuisette et des sous vêtements. Je rejoins ensuite la salle de bain. Je commence à me deshabiller mais c'est dur. Je me sens faible. Je m'appuie contre le lavabo.
Me... Meyer
Dis-je aussi fort que je le pouvais. J'espérais qu'il mentende.
Ai-Aide moi je t'en supplie...
J'étais incapable de le regarder dans les yeux. Aujourd'hui... je n'étais plus capable de rien.
Le peu de temps qu’il nous resta avant d’arriver à la maison se déroula dans un silence lourd. J’échangeai deux-trois fois un regard avec Janna, à travers le rétroviseur central. Elle semblait perturbée mais je voyais dans ses yeux qu’elle réfléchissait, mettait en place dans son esprit toutes les informations qu’elle venait d’accumuler afin de recoller les morceaux. A mon avis, il était inutile de lui raconter les événements de cet après-midi. Elle avait parfaitement compris. Arrivés à la maison, je m’arrêtai dans le garage. Je descendis, fis le tour de la voiture pour ouvrir à Harmony et l’aider à aller jusqu’à sa chambre. Elle était pâle comme un linge et ne disait toujours rien. Ses yeux étaient rouges et gonflés, ses joues encore mouillées de larmes. Ses cheveux tachés de sang avaient quelques nœuds, et elle tremblait. Je ne savais pas trop quoi faire.
- Repose-toi,préconisai-je à voix basse, en frottant doucement ses épaules avec mes mains.Et appelle-moi au moindre souci.
Je la laissai seule. Janna était dans sa chambre et défaisait son sac de cours.
- Schatz,fis-je en entrant.
Elle vint m’enlacer aussitôt, je déposai un baiser sur sa tête.
- Il faut qu’on s’occupe bien d’elle.
Je n’avais même pas eu besoin de le dire. Ma fille m’impressionnerait toujours…
- Ja,confirmai-je avant de me séparer d’elle.Je compte sur toi.
Elle hocha la tête et s’installa à son bureau. Je fronçai les sourcils.
- Tu as bien révisé aujourd’hui, tu devrais faire une pause.
Elle ouvrit un cahier et sortit des fiches cartonnées.
- Je dois juste recopier ça. Après j’irai voir ce qu’on fait pour le repas.
Elle me regarda et pointa mon tee-shirt du bout de son stylo.
- Je crois que tu n’as plus qu’à le jeter.
Je regardai le tissu déchiré de toutes parts.
- Ouais…soupirai-je.Heureusement, ce n’était pas mon préféré.
Elle eut un sourire en coin. Je la laissai travailler et refermai la porte derrière moi. Je me rendis ensuite dans ma chambre et attrapai des vêtements propres que j’allai déposer dans la salle d’eau. Une bonne douche n’était pas de refus. Je m’apprêtais à retirer mon tee-shirt quand j’entendis la voix d’Harmony.
- Meyer… Ai… Aide moi, je t'en supplie...
Elle avait parlé faiblement mais j’avais très bien entendu. J’allai voir dans sa chambre, elle n’y était pas. Alors j’entrai dans la salle de bain. Elle s’était appuyée contre le lavabo, les mains à plat sur le plateau de marbre, la tête baissée, le visage caché par ses cheveux de feu. J’ouvris la bouche pour lui dire qu’elle devait aller se coucher et que la douche pouvait attendre. Mais l’image du lycan posant les mains sur elle surgit dans mon esprit et je frissonnai, comprenant qu’elle eût envie de se laver après avoir été confrontée à cette pourriture. Elle voulait que je l’aide à se déshabiller. Peut-être à se laver aussi, vu la faiblesse de ses gestes. Je voulais bien mais pas ici, ce ne serait pas pratique.
- Viens.
Je pris sa main et l’emmenai dans la salle d’eau à côté de ma chambre. Comme l’autre jour lorsqu’elle avait absolument voulu me frotter le dos après ma nuit fiévreuse à base d’aconit, je déposai un tabouret au milieu de la douche. J’aidai ensuite la demoiselle à retirer ses vêtements. La décence m’empêcha de lui enlever ses sous-vêtements. Elle était assez traumatisée comme ça, elle n’avait pas besoin de se montrer nue devant moi alors qu’elle était dans un état d’extrême fragilité. Si ça se trouvait, elle était à moitié consciente de ce qu’il se passait, et regretterait plus tard. Alors je fis en sorte que tout se déroule pour le mieux. Après l’avoir faite asseoir sur le tabouret, j’ouvris l’eau de la douche et commençai à la mouiller, en partant des épaules. Je n’avais même pas pris le temps de me déshabiller aussi, ou au moins d’enlever mes chaussettes. Elles étaient trempées, comme le bas de mon pantalon. Tant pis, ce n’était pas important. Je mouillai aussi les cheveux d’Harmony, passant délicatement ma main sur sa tête pour éviter de lui en mettre dans les yeux. J’accrochai ensuite la poire de douche sans couper l’eau, la laissant dégouliner sur ses pieds. J’attrapai un gant propre, y mis du gel douche. Et je frottai doucement les bras de la rouquine en prenant garde aux pansements. Je m’occupai ensuite de ses épaules, de son dos et de son ventre. Pas facile avec toutes ses blessures. Mais je ne dis rien et poursuivis. Je posai un genou à terre face à elle afin de frotter ses cuisses. Elle tressaillit au premier contact, je m’arrêtai. Lui avais-je fait mal ? Je levai les yeux sur elle, ne sus déceler ce que son regard exprimait tant il était vide. Ou peut-être ne voulait-elle pas que je la touche ici. J’avais soigneusement évité sa poitrine pour ne pas la brusquer mais je n’avais pas pensé que le haut de ses cuisses pût être un endroit sensible. J’étais bête. Ce connard l’avait touchée absolument partout. Aussi irrité que chagriné, je levai ma main libre et la posai doucement sur la joue d’Harmony. J’espérais que mon geste allait la rassurer. Et je repris ma tâche. Cette fois, la demoiselle me laissa faire. Je ne m’attardai cependant pas, la rinçai quand j’eus terminé. Je m’attaquai ensuite à ses cheveux sur lesquels je fis couler du shampoing. Un massage de crâne la détendrait peut-être. Je n’étais pas très doué pour ça mais je fis de mon mieux. Enfin, je les rinçai également et coupai l’eau. Maintenant, je devais la sécher et ça, c’était un peu plus compliqué. Je ne devais pas lui faire mal. Je bataillai de longues minutes jusqu’à ce je parvienne à la faire sortir de la douche pour l’aider à se rhabiller. Pour cela, j’allai chercher les vêtements qu’elle avait laissé dans la salle de bain. Une fois vêtue, je déposai la serviette sur ses épaules car ses cheveux étaient encore mouillés. Et j’entraînai Harmony jusqu’à sa chambre. Je la fis asseoir sur la chaise de bureau et lui demandai de patienter. Pour la suite, j’avais besoin de Janna. Je toquai à la porte de sa chambre, elle vint m’ouvrir.
- Ça va ?demanda-t-elle d’un air inquiet. - Oui, elle a pris sa douche,répondis-je.
Elle passa la tête par l’encadrement et regarda dans le couloir.
- Elle est où ? - Dans sa chambre. J’aurais besoin que tu t’occupes de ses cheveux, s’il te plaît. Je suis trop nul pour ça. - Oui, pas de souci. - Danke, Schatz. Je m’occupe du dîner.
Elle alla à la salle de bain, récupéra un sèche-cheveux et une brosse. A mon tour d’aller à la douche. Je ne traînai pas et me rendis ensuite à la cuisine pour préparer quelque chose à manger. Le bruit du sèche-cheveux me parvenait depuis la chambre d’Harmony.
Faible et désespérée, j'avais appelé Meyer. Il m'avait entendu malgré le peu de force que j'avais dans ma voix. Je faisais tout pour ne pas croiser son regard. Il me demande de le suivre et tel un robot, c'est ce que je fais. On arrive dans sa salle de bain personnel. Il m'aide à retirer mes vêtements et je me laisse faire comme une poupée, le regard dans le vide attendant. Il me fait m'asseoir puis il commence à me laver en douceur. Je devrais me sentir mieux avec Meyer mais ce n'était pas le cas, les pensées de cette journée n'arrêtent pas de me revenir en tête. Lorsqu'il effleure ma cuisse je tressailli. Sa main sur ma joue me détend un peu et je le laisse faire, je ne bouge plus. Après le corps il s'occupa de mes cheveux, me massant la tête et je ferme les yeux quelques instants, jusqu'à ce qu'il me rince. Il m'aide à me sécher et à m'habiller. Mon corps était la mais mon esprit était parti loin. Il m'emmène jusqu'à ma chambre et m'assois sur le tabouret. Je ne bouge plus. Lorsqu'il quitte ma chambre, et que c'est Janna qui rentre, je n'avais toujours pas bougé. Elle vient s'installer derrière moi.
Je vais démêler tes cheveux Harmony.
Janna me prévient tout en douceur comme pour éviter de me faire peur. Je la laisse faire, mon regard toujours dans le vide.
Je ne te fais pas mal ?
Silence. Pas de réponse. Je me contente de secouer la tête. Non elle ne me fait pas mal, est-il possible d'avoir encore mal après ce que j'ai ressenti aujourd'hui ? Elle finit de me démêler les cheveux.
Tu viendras manger ? Ça devrait bientôt être prêt.
Elle essaye de me changer les idées mais je n'ai pas faim. Je secoue la tête à la négative. Je me recroqueville et elle n'insiste pas. Elle récupère la serviette puis elle quitte ma chambre. Je la referme derrière elle avant de rejoindre mon lit. Je m'allonge dedans puis je me remets à pleurer une énième fois. Il fallait que ça sorte encore. Une heure devait s'être écoulée avant que je ne cesse de pleurer et m'endorme d'épuisement. Encore quelques heures passèrent...
J'ai peur... Le lycan, il va me manger ? Sa langue sur mon cou, ses crocs sur ma peau, ses yeux dorés... son couteau à la main, sa lame transperçant mon corps encore et encore. J'ai mal... je saigne... j'ai froid... il me tient mais je veux me libérer. Impossible... mes forces m'abandonnent. Je perds trop de sang et je peris. Une fois... deux fois... trois fois... Tic Tac Tic Tac...
Ce cauchemar me semble tellement réel. Je m'agite, je pousse des gémissement de douleur, j'ai des sueurs froides, les larmes qui coulent sur mes joues, la respiration haletante... Je pousse un cri strident avant de parler dans mon sommeil cauchemardesque.
Je n’avais pas envie de m’embêter pour le dîner de ce soir. Alors je mis simplement des pâtes à cuire et fis une sauce tomate rapide que je mélangeai avec quand tout fut prêt. Comme il restait un peu de temps avant l’heure de manger, je laissai la sauce mijoter à feu doux et m’assis sur une chaise en poussant un long soupir. La tension était redescendue, je me sentais épuisé. Dans la chambre d’Harmony, j’entendis Janna fredonner une chanson tout en s’occupant des cheveux de l’ange. Elle lui demanda si elle viendrait manger avec nous. Il n’y eut pas de réponse. Je doutais fort qu’Harmony pût avaler quoi que ce soit. Et j’eus raison quand Janna me rejoignit pour me dire que la rouquine n’était toujours pas dans son assiette. Normal. Ma fille et moi dînâmes donc en tête-à-tête. Je n’avais pas vraiment faim mais je m'obligeai tout de même à manger un peu pour prendre des forces. Il m’en fallait après la journée désastreuse que je venais de vivre. Une fois la table débarrassée, Janna déclara qu’elle allait lire un peu avant de se coucher. Nous nous souhaitâmes donc bonne nuit. Quand je refermai la porte de sa chambre derrière moi, j’entendis des sanglots venant de celle d’Harmony. Je fis un pas, levai une main pour toquer. Mais je me ravisai. J’ignorais totalement si elle avait besoin de ma présence ou si elle souhaitait évacuer les événements traumatisants de ces dernières heures seule. Et ça me perturbait. A contrecœur, je décidai de ne pas aller la voir, me disant qu’elle finirait par s’endormir. En me dirigeant vers ma chambre, je passai devant le meuble sur lequel de nombreuses photos reposaient, certaines dans des cadres, d’autres en vrac sur un porte-photos. Janna à sa naissance, puis le jour de sa première rentrée à l’école maternelle, au primaire, au collège, et au lycée. Une autre avec Mary qui la tenait dans ses bras alors que la petite était âgée d’à peine un mois. Encore une autre nous représentant tous les trois, à côté de notre photo de mariage. Le sourire de mon épouse était tellement radieux… J’attrapai le cadre pour le contempler de plus près. Et je restai là un moment, le regard rivé dessus, perdu dans une multitude de souvenirs. Jusqu’à ce que le meurtre de Mary me revienne en mémoire, comme un coup de poing dans la figure. Mais cette fois, il était mélangé à l’agression d’Harmony. Harmony que je ne savais pas si je devais aimer ou non parce que j’avais trop peur de souffrir comme j’avais souffert en perdant Mary. Harmony qui avait failli disparaître sans que j’aie pu me décider. Aurais-je cependant mieux accusé le coup si le lycan l’avait tuée ? J’aurais voulu dire oui. Mais mes sentiments disaient non. A quoi bon les freiner, au final, si c’était pour endurer la même chose ? Je ne savais pas. Je ne savais plus. J’avais l’esprit trop embrouillé pour trouver le sommeil. Alors, au lieu d’aller dormir, de sortis sur la terrasse pour fumer une cigarette. J’y restai un moment, même après avoir terminé. Quand je regardai ma montre, deux heures s’étaient écoulées. Avec un grognement dû aux fourmillements que j’avais attrapé dans les jambes, je me levai et retournai dans la maison. J’étais en train de me servir un verre d’eau lorsqu'un cri retentit soudain. Il venait de la chambre d’Harmony. Mon cœur fit un bond. Je délaissai mon verre et me précipitai. En ouvrant la porte, je vis la demoiselle recroquevillée dans son lit, tremblante, en pleurs, essayant de se débattre avec quelque chose d’invisible qu’elle voyait dans un cauchemar. Elle ne cessait de prier qu’on la laisse, d’une voix rendue aiguë et cassée par la peur. J’approchai, m’assis au bord du matelas et posai ma main sur son épaule.
J'ai peur... Il fait noir... Complétement noir, l'obscurité m'engloutie et je ne peux m'en défaire. Les événements du jour se répètent inlassablement dans un cauchemar qui n'a de cesse de me tourmenter, me rappelant chacun de mes malheurs du jour. Chaque sensation, chaque douleur, chaque peur, chaque moment de solitude... tout... tout sans exception revenait dans mon esprit dans une boucle infernale dont il est impossible de m'échapper. Un cauchemar horrible dont je n'arrive pas à me réveiller... Est-ce un cauchemar ? Est-ce la réalité ? Je doute, je ne sais pas, je ne sais plus. J'essaye de fuir mais je ne peux pas bouger un corps à disposition de son prédateur qui prend grand plaisir à le blesser, le lacérer et même le tuer... Qu'on en finisse... Vite...
Je m'agite dans tous les sens dans mon lit, pleurant et criant, la voix enrouée et étouffée. J'ai l'impression de suffoquer. Sa langue sur mon épaule me fait tressaillir. Je porte ma main à mon cou, la où j'ai senti sa langue et ses crocs la première fois. Ça me démange et je me gratte jusqu'au sang. J'ouvre les yeux... ses yeux dorés... terrifiants...
Sa main approche et par je ne sais quel coup d'adrénaline, j'attrape son poignet, le pousse en arrière me retrouvant à califourchon au-dessus de lui. Mes mains viennent se serrer autour de sa gorge. Je ne sais pas ce que je fais. J'étrangle mon prédateur... Je crois. Je crois faire preuve de beaucoup de force mais est-ce vraiment le cas ?
Laissez-moi... Vous... vous me faites mal...
Encore dans mon cauchemar, je confonds le rêve et la réalité. Les yeux innondés de larmes, désespérée, j'exerce une pression sur son cou. Haletante, je n'arrive pas à reprendre le contrôle de ma respiration qui est saccadée.
Je... Je ne peux plus... respirer...
Mes ailes se déploient dans mon dos de manière totalement incontrôlée.
Je m’attendais à ce qu’elle se réveille simplement et se mette à pleurer, ou à la limite, qu’elle essaye de me frapper en croyant que j’étais son agresseur. Mais ce qu’il se passa ensuite dépassa mon imagination. Harmony porta la main à son cou qu’elle se mit à gratter frénétiquement. Elle y alla avec tellement d’affolement qu’elle se griffa jusqu’au sang. Je tentai de l’en empêcher mais à ce moment-là, elle ouvrit les yeux. Son regard n'était pas aussi vide que tout à l’heure. Il exprimait une peur sans nom, et une haine que je ne lui connaissais pas. Avant même que ma main ait pu atteindre la sienne pour qu’elle arrête de se griffer, elle attrapa mon poignet. Je fus tellement surpris par la force qu’elle mit dans son geste que je ne pus la repousser quand elle se jeta sur moi. Mon dos rencontra le matelas tandis que l’ange me grimpait à califourchon dessus… et entourait mon cou avec ses deux mains.
- Ha… Harmo… ny,tentai-je d’articuler.
Mais elle semblait dotée d’une force nouvelle qui me paralysait.
- Laissez-moi… Vous… vous me faites mal…geignit-elle complètement hystérique.
Elle resserra son emprise sur mon cou, la respiration saccadée.
- Je… Je ne peux plus… respirer…
C’était moi qui ne pouvais plus respirer ! Bordel mais comment faisait-elle pour avoir autant de force, tout à coup ? Derrière elle, je vis soudain ses ailes se déployer et battre en tous sens, créant des mouvements d’air qui firent s’envoler un tas de feuilles et de carnets dans la chambre. Si je n’arrivais pas à me sortir de là très vite, je finirais par suffoquer et perdre connaissance. C’étaient comme si ses doigts collaient à ma peau, se resserrant de plus en plus…
- Har… mo…
Mon regard tomba sur la lampe de chevet. Éteinte. Elle était éteinte. Harmony ne me voyait pas. Tout ce qu’elle pouvait apercevoir, c’était mes yeux dorés. Mais quel con ! Dans un dernier effort, à deux doigts de m’évanouir, je tendis la main vers l’interrupteur de la lampe. Et je parvins à l’allumer.
Un espoir de s'en sortir, une échappatoire, elle était là. Par je ne sais quelle force, j'avais réussi à prendre le dessus sur mon prédateur. Ça y est, j'allais pouvoir me sortir de ce tourment. Il y avait enfin une issue face à cette obscurité. Ça allait bientôt finir, j'allais enfin pouvoir être en paix. Mes ailes faisaient s'envoler tout un tas de chose autour de moi. Je ne contrôlais rien. Mes mains ne lachaient, je ne devais pas lâcher, je devais tenir pour ma sécurité. Soudain, la lumière jailli. Mon cauchemar prend fin et je me rends compte de ce qu'il se passe réellement. Et c'est un choc. Mes mains ne sont pas autour de mon prédateur mais autour du cou de mon sauveur. Je suis en train d'étranger Meyer. Je retire mes mains instantanément. Je suis choquée de ce que j'étais en train de faire. Alors qu'il se redresse pour cracher ses poumons, je me retire d'au-dessus de lui, prenant une distance. Debout à côté du lit, mes ailes disparaissent. Je tremble toujours autant et ma respiration est saccadée. Je suis en pleine crise d'angoisse. Je prends une assez grande distance pour ne pas lui refaire du mal.
Je... Je ne voulais pas...
J'étais comme pétrifiée. Pétrifiée d'avoir fait du mal à celui que je prétends aimer. Je baisse la tête m, les mains devant mes yeux. Je n'arrive pas à me calmer complètement.je ne voulais pas lui faire mal, je ne savais pas. Je me laisse tomber sur les fesses, les genoux repliés, pleurant encore la tête dans mes bras. J'ai tellement honte.
Pardon... Pardon... Ne m'approche pas...
Non ne m'approche pas, je suis un monstre, je suis complètement folle. Il faut que je me calme... Je pousse un énième cri de douleir. J'ai l'impression que l'on m'arrache le cœur. J'ai des fourmillements dans mes jambes, dans mes mains. Il faut que ça cesse. Je n'en peux plus...
Pendant une demie seconde, Harmony se figea. Puis elle me lâcha comme si elle venait de se brûler. Choquée, elle recula en descendant du lit tandis que je me mettais à tousser, tentant de reprendre mon souffle. J’avais bien cru y passer… Quelle idée de ne pas allumer la lumière avant d’essayer de la réveiller. C’était ma faute, je n’avais absolument pas réfléchi. En tout cas, le fait d’allumer la lumière avait fonctionné, et tant mieux. Mais à présent, la jeune femme était sous l’emprise d’une crise d’angoisse qu’il me fallait l’aider à contrôler.
- Je… Je ne voulais pas…balbutia-t-elle en reculant.
Elle trébucha et tomba sur les fesses. Et elle se recroquevilla en pleurant.
- Pardon… Pardon… Ne m'approche pas…
Un cri de douleur mélangé à une plainte s’échappa de sa bouche. Je descendis du lit. La lumière s’alluma dans le couloir et Janna apparut alors sur le pas de la porte, le visage ensommeillé.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?demanda-t-elle d’une voix pâteuse, le dos de sa main devant les yeux.
Je lui intimai de ne pas rentrer en tendant ma main dans sa direction.
- Un cauchemar,répondis-je.Je m’en occupe, tu peux te recoucher.
Elle ne se le fit pas répéter. La lumière du couloir s’éteignit et je l’entendis s’effondrer dans son lit. Je reportai mon attention sur Harmony, réduisis le peu de distance qu’il y avait entre nous et posai un genou à terre. Au début, elle essaya de se dégager quand je la pris par les épaules.
- Tout va bien, calme-toi,fis-je à voix basse.
Ce qui fut plus difficile que je l’espérais. Par conséquent, je redoublai d’attention à son égard, la serrai contre moi, faisant de mes bras une barrière protectrice et rassurante.
- Tout va bien,répétai-je.Je vais bien. Je ne t’en veux pas, je sais que tu ne voulais pas faire ça. Tu étais en plein cauchemar.
Je caressai l’arrière de sa tête et sa chevelure de feu, déposai un léger baiser sur le haut de son crâne. Et je restai ainsi, mes lèvres contre son cuir chevelu, respirant son odeur et celle du shampoing. Mon cœur palpita. Je déglutis sans savoir si ça me faisait mal ou si c’était agréable.
- Tu n’as rien fait de mal,repris-je en la berçant doucement.Rien. Ce n’est pas de ta faute.
Une journée horrible, une nuit cauchemardesque, j'espère que ça finira un jour. Est-ce une punition pour m'être opposée à l'autorité de mes parents ? Qu'ai-je fait de mal ? A part vouloir vivre ? Et qu'avait fait Meyer pour que je m'en prenne inconsciemment à lui à part de libérer de cette prison. Je ne sais plus où donner de la tête. Meyer s'approche de moi et je tente de le repousser vainement. Je persiste mais il est plus têtu que moi cette fois. Il veut que je me calme mais je n'y arrive pas. Il ajoute qu'il sait que je ne voulais pas lui faire du mal mais je ne pouvais m'empêcher de m'en vouloir. Il vient m'enlacer et je commence enfin à me laisser faire. Ses bras protecteurs m'apaisent légèrement. Il dépose un baiser sur mon cuir chevelure tout en me berçant et ça m'apaise un peu plus encore. Je me concentre pour essayer de reprendre le contrôle de ma respiration. J'essaye peu à peu d'inspirer profondément et d'expirer. Ça prend un peu de temps avant que je n'arrive à me calmer. Je reste dans ses bras immobile. Une fois que je suis réellement apaisée de relève la tête vers lui. Mes yeux croisent les siens quelques secondes avant de se détourner.
Je ne veux plus être seule... Je... je veux être avec toi.
Je me blottis de nouveau bien dans ses bras. Je prends une de ses mains que je viens poser contre pas joue qui est encore humide. Je ferme les yeux quelques instants. Je profite de sa chaleur, la chaleur de ses mains, de son corps et de ses bras. Je me sens mieux. Je relève de nouveau le regard vers le siens.
Est-ce que... tu veux bien dormir avec moi ? Ça... ça me rassurerait...
Sa présence sait m'apaiser. Ça me rappelle quand j'étais petite et que je faisais des cauchemars, je venais dormir dans le lit de mes parents.
Elle pleura durant un bon moment. Elle versait tellement de larmes ces derniers jours que je me demandais si elle n’allait pas finir par s’assécher. Pourtant, elle semblait toujours heureuse ici. Je n’en avais pas pris conscience au début mais plus le temps défilait à ses côtés, plus je me rendais compte que notre quotidien me plaisait, me rappelait le bon souvenir d’une vie de famille normale, celle que j’aurais pu continuer de vivre si Mary avait été encore là. C’était un quotidien trop longtemps perdu et que j’étais content de connaître à nouveau, bien qu’un peu différent. Harmony n’était pas la mère de Janna mais elle se comportait de façon bienveillante avec elle, et elles étaient très complices. Elle n’était pas non plus ma femme. Mais…
- Je ne veux plus être seule… Je… je veux être avec toi.
Encore un bond dans ma poitrine. J’appréciai la douceur de sa main sur la mienne quand elle l’attrapa pour diriger ma paume sur sa joue. La chaleur de sa peau m’envahit petit à petit, comme son parfum de fleurs sucré qui lui semblait si naturel. Elle se blottit un peu plus dans mes bras et releva le visage pour me regarder.
- Est-ce que… tu veux bien dormir avec moi ?demanda-t-elle timidement.
Dormir avec… elle ?
- Ҫa… ça me rassurerait.
Oui… certainement. Si ma présence pouvait lui permettre de passer une nuit paisible, je ne me voyais pas refuser. De toute façon, en avais-je vraiment envie ? Déboussolé, je me perdis dans le bleu de ses yeux. Même en larmes, elle restait la jolie Harmony qui affolait mon cœur à cet instant. C’était… trop dur. Trop dur de résister. J’avais l’impression d’être ensorcelé. En cette soirée si particulière et riche en émotions, je réalisai que si je ne cédais pas à ce que je ressentais pour Harmony, je le regretterais toute ma longue existence. J’avais l’impression que mon cœur allait sortir de ma poitrine quand ma main glissa le long de sa joue et que le bout de mes doigts passa derrière son oreille. Je réduisis la distance qui séparait nos deux visages… et me stoppai. Non. Non, je ne pouvais pas. Pas comme ça. Pas devant ses yeux embués, son visage marqué de peine. Je ne pouvais pas lui faire ça. Alors je relevai la tête et déposai un baiser sur son front, avec toute la douceur que j’étais capable de lui transmettre. Puis je rompis le contact, un peu avec regret. Et je me mis debout. J’aidai l’ange à faire de même, et je pris sa main pour l’emmener vers le lit. Elle s’allongea, moi aussi. Je ne savais plus dire si je me sentais bien ou non. Ce dont je demeurais certain, c’était que je m’étais séparé de la chaleur d’Harmony depuis à peine dix secondes, et j’avais déjà envie de la retrouver. Alors je me tournai sur le côté, face à elle. Elle fit pareil, je remontai le drap sur nous. Sans rien dire, je me rapprochai, passai ma main dans son dos et la serrai contre moi. Mes lèvres étaient littéralement contre son front, à la base de ses cheveux. Je fermai les yeux, profitant un maximum de ce moment de douceur, espérant qu’il suffisait à apaiser complètement la demoiselle.
Le calme après la tempête était enfin là. Il avait été difficile à retrouver mais on avait fini par y parvenir. Tant que Meyer était à mes côtés, j'étais en sécurité. Combien de fois m'avait il secouru déjà ? Tel un prince charmant il était venu avec son cheval blanc. Il m'a sorti des griffes d'un lycan, il m'a sauvé de l'emprise de mes parents et aujourd'hui d'un lycan encore plus dangereux. Meyer est... incroyable, il est fort, il n'a pas peur, il n'a pas hésité une seule seconde à partir à ma recherche, peu importe qui pouvait être la personne qui m'avait kidnappé. Il m'impressionne et surtout, il fait battre mon cœur un peu plus fort à chaque instant. J'ai essayé de mettre une distance et malgré tout, celle-ci se réduit peu à peu nous rapprochant. Le destin essaye de me rapprocher un peu plus de lui à chaque instant et je ne peux pas résister. Mais cette nuit, si je voulais qu'il dorme à mes côtés, ce n'était pas juste pour mon petit plaisir personnel, ce serait égoïste de ma part mais parce que ça présence me rassure et que j'en ai grand besoin. Je le lui avais demandé clairement. Son visage se rapprocha du mien, je reste immobile. Ses lèvres finissent par se poser encore contre mon front. Mon cœur commençait à palpiter de façon agréable. Il finit par se mettre debout et m'aide à me lever. Avait-il accepté ma demande ? J'eus rapidement ma réponse. On s'allonge l'un à côté de l'autre dans mon lit. Corps tout contre le sien, ma chaleur contre la sienne. Il remonte le drap sur nous. Ses lèvres contre le haut de ma tête, je peux sentir son souffle contre ma peau, j'entends aussi les battements de son cœur. Tout ceci à quelque chose d'appaisant. Je m'occupe d'éteindre la lumière avant de fermer les yeux. J'entre mêle mes jambes avec les siennes. Et je finis par m'endormir rapidement. Le reste de la nuit se passa toute en douceur. Sa présence avait sû calmer mon esprit. Je restai endormie assez longtemps sur le petit matin. J'ouvre doucement les yeux. Les souvenirs de la nuit me reviennent en mémoire. Où est Meyer ?! Je me redresse en sursaut. Il fait très jour, je regarde l'heure et il était plus de 10h. Il était sûrement allé déposer Janna au lycée et allé faire autre chose. Je me lève et ouvre la fenêtre. L'air pur de dehors me faisait su bien. Je me regarde dans mon miroir plein pied. Je fais peur à voir. Mes cheveux en bataille, les yeux gonflés d'avoir beaucoup pleuré. Il fallait que j'arrange tout ça et me reprenne en main. Je me rends à la salle de bain avec quelques vêtements, j'avais opté pour short et un débardeur. Je retire les pansements qui avaient un peu bougés avec ma nuit folle. Je pris une petite douche, j'avais pas mal transpiré à cause de mes cauchemars. Une fois fait, je me maquille, me coiffe et m'habille. Ces entailles ne sont vraiment pas belles... je retourne à ma chambre et me rechange. Je ne veux pas qu'on les voit. Je ne veux pas les voir non plus. J'opte pour un jean et un haut à manches longues. Avec la température du jour ce n'est pas adapté mais tant pis... Une fois prête, j'en profite pour faire mon lit puis mon odorat me conduit à la cuisine où Meyer prépare à manger. J'arrive derrière lui et vien l'enlacer, main mains se posant sur son ventre.
Il ne lui fallut pas longtemps pour s’endormir. Je le sus quand j’entendis sa respiration se faire plus lente, et son corps se détendre complètement. Pour ma part, j’étais loin d’être capable de m’endormir. Je me sentais trop… agité. Je dus sommeiller une heure ou deux, pas plus. Quand le réveil sonna, j’étais tellement à l’ouest que je mis un moment à me rendre compte que je ne me trouvais pas dans ma chambre. A la manière d’un zombie, je quittai le lit en essayant de faire le moins de bruit possible. Harmony dormait profondément. Je refermai la porte derrière moi, entendis le réveil de Janna sonner aussi. J’allai me débarbouiller et m’habiller.
- Guten morgen…dit Janna en me rejoignant dans la cuisine quelques minutes plus tard.
Je déposai le petit déjeuner sur la table. Un câlin rapide et elle mangea. Je décidai de ne pas l’accompagner. J’avais envie de petit déjeuner avec Harmony, si elle le souhaitait quand elle se réveillerait. Ma fille me demanda si l’ange allait bien. Je lui répondis qu’elle avait fini par se calmer après son cauchemar et qu’elle s’était endormie. J’omis volontairement d’évoquer le fait que la rouquine avait voulu m’étrangler. Elle n’avait pas besoin de le savoir… Heureusement qu’elle n’était pas entrée dans la chambre au moment où je suffoquais. Cela aurait été un choc pour la blondinette. Je l’accompagnai au lycée quelques minutes plus tard. Et je rentrai directement à la maison. Je n’avais pas d’embaumement à faire aujourd’hui. Quant à Harmony, à mon humble avis, mieux valait qu’elle ne retourne pas travailler pour le moment. J’étais en train de préparer d’autres pancakes et une salade de fruits achetés sur le chemin du retour, quand l’ange arriva. Je crus qu’elle allait s’installer à table, comme à son habitude. Mais au lieu de ça, elle vint se coller contre mon dos et ses mains vinrent se croiser sur mon ventre.
- Bonjour…fit-elle d’une petite voix.
Je crus défaillir. C’était le genre de bonjour que j’aimais. Toutes les formes de son corps contre mon dos me donnèrent l’impression que ma peau s’enflammait. Gott*… Je déposai le couteau et rinçai mes mains collantes de fruits. Je les séchai et me retournai. Elle s’était déjà lavée, habillée et même maquillée. Mais pourquoi portait-elle un haut à manches longues avec cette chaleur ? Ses blessures, sans doute. Je ne fis aucun commentaire là-dessus. Je savais que même si je lui disais qu’elle restait belle à mes yeux, même blessée, elle refuserait de se changer. Car j’imaginais qu’elle s’était couverte pour cacher son corps de son propre regard. Je l’enlaçai, profitant encore une fois de son parfum en allant fourrer mon nez dans ses cheveux. J’ignorais combien de temps il lui faudrait pour s’apaiser à propos de son enlèvement. Mais j’étais là pour l’aider face à la moindre rechute, au moindre cauchemar. Elle avait besoin de moi, je devais tout faire pour qu’elle se sente bien et heureuse. Je le voulais. Et je voulais l’être aussi, avec elle.
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