Aujourd’hui je me rends enfin à l’appartement de Dushka. Elle a déménagé il y a quelques temps mais je ne suis jamais venue chez elle jusqu’à maintenant. D’abord parce qu’il fallait lui laisser le temps d’emménager, ensuite parce que même si j’ai désormais plus de temps qu’avant, elle a aussi plus d’occupations en ce moment. Bref nos emplois du temps se sont croisés. Par contre nous ne sommes pas restées sans contact pour autant. J’ai découvert l’utilité d’un appel visio. Je n’aime pas ces trucs en général mais avec ma sœur c’est plus motivant. En plus ça me permet d’avoir un aperçu de son nouveau lieu de vie, d’une boule de poils qui semble vivre avec, et surtout de son état. Elle a l’air d’aller bien, c’est rassurant. De toute façon si ce n’était pas le cas, si elle a le moindre problème, je ferai en sorte de régler le souci de façon radicale.

Cette fois elle m’a appelée en catastrophe pour me parler d’un dégât des eaux. Le problème est sans doute minime mais c’est ma sœur alors même pour faire de la plomberie, je réponds présente. Après cet appel, et surtout dès que j’ai reçu son adresse, je me prépare donc rapidement puis me rends en ville pour trouver un petit truc à offrir. Je fais le tour des boutiques qui sont sur la route jusqu’à trouver le cadeau qui plaira à ma jumelle. J’embarque aussi un pack de plusieurs bouteilles de sang et continue mon chemin en direction de l’appartement.

Lorsque j’arrive, je sonne à la porte avant de voir une furie me sauter dessus. Heureusement que j’ai de bons réflexes. J’ai pu éloigner le sac de courses de ma sœur pour qu’elle ne casse pas ce qu’il contient. Je lui tapote doucement la tête en souriant.

- T’inquiète, on va trouver ce qui ne va pas et te réparer tout ça.

J’entre dans l’appartement avec elle et lui tend le sac.

- En attendant, tiens. Je t’ai pris des bouteilles de ton sang préféré et il y a aussi un cadeau pour toi.

Pendant qu’elle découvre son cadeau, je me rends à la salle de bain et m’approche du lave-linge puisque la fuite semble venir de là. Je n’y connais pas grand-chose en plomberie mais je connais suffisamment d’astuces pour « arranger » du matériel défectueux. L’un des tuyaux est abîmé. Pas étonnant que l’eau s’échappe. Je prends de quoi faire une réparation de fortune et m’occupe d’arranger le truc mais il faudra quand même appeler un plombier dès que possible. Je reviens quelques minutes après vers ma sœur.

- Problème résolu pour le moment mais il faudra quand même faire appel à un plombier. J’vais t’aider à essuyer tout ça. Ca serait dommage d’abîmer le plancher de ton appart alors que tu t’en es trouvée un qui est sympa.

Je n’en ai peut-être pas l’air mais j’ai déjà commencé à observer les lieux en entrant. Quand je vois la décoration, je sais bien que c’est elle qui s’en est occupée. Je reconnais bien sa manière de disposer les choses et elle a fait du bon boulot.

Quand Dushka panique, elle devient une véritable furie. Ou une cocotte-minute prête à exploser à tout moment. Le pire dans tout ça c’est que lorsqu’elle est dans cet état, c’est plutôt drôle à regarder. Parfois elle me donne même envie d’en rajouter une couche pour la voir cogiter pour rien. Néanmoins ce soir je ne m’amuse pas à l’effrayer davantage. Elle risquerait de faire n’importe quoi et d’aggraver les choses dans son appartement. Elle vient de l’obtenir il y a peu, ce serait bête de le bousiller en si peu de temps.

Je lui passe donc le sac qui contient son sang préféré ainsi qu’un cadeau pour elle puis vais m’occuper de sa machine. Je reviens lorsque le problème est résolu, même si ce n’est que provisoirement, et nous nettoyons toutes les deux le sol.

- T’inquiète pas, ça s’apprend. Et puis même si c’est pour une broutille, tu sais bien que tu peux toujours compter sur moi pour venir te secourir.

Je me laisse ensuite entraîner à la suite de ma sœur pendant qu’elle me fait visiter son lieu de vie. Je découvre aussi en chair et en os son petit fauve. Enfin...si on peut appeler ça un fauve. Sa tentative d’attaque est adorable bien qu’inutile. Pendant que ma sœur retourne dans la cuisine, moi je m’amuse à narguer le matou. C’est drôle de le voir essayer de me choper les doigts et de se rater. La vampire revient ensuite et me questionne concernant son cadeau.

- Oh ! Ouais c’est une tasse avec une tête de licorne dessus. Et selon la température de ta boisson, les couleurs changent. Apparemment quand c’est chaud, ça devient violet foncé et quand c’est froid, ça redevient coloré.

Elle s’amuse alors à préparer des boissons pour tester le changement de couleur puis m’interroge au passage sur les Sanguinaires. Bon, je n’ai pas le droit d’en dire trop, ça je le sais et je ne le ferai pas. Je peux toutefois lui parler de deux ou trois petites choses sans danger pour elle ou pour le clan.

- Ca va, j’me plais bien, c’est marrant de les voir s’entre-tuer pour des broutilles parfois.

C’est dommage d’ailleurs qu’elle n’ait pas voulu venir. Elle se serait sûrement bien amusée là-bas. Mais je comprends aussi son envie d’être indépendante.

- J’ai revu plusieurs fois Evelyne oui. Elle a été ma baby-sitter durant mon premier mois chez eux et je la croise encore régulièrement. Elle a l’air d’aller bien. La dernière fois que je l’ai vue, on était à une pendaison de crémaillère et elle a carrément aidé une humaine à en dérouiller une autre.

Bon je l’ai fait aussi mais ce n’était qu’un caprice de ma part. Evelyne, je ne sais pas ce qui l’a motivée à agir. Dushka le saura peut-être. Ou peut-être pas. Je ne sais pas à quel point elle connaît Evelyne, je sais seulement qu’elles ont été réunies dans le même plumard, dans la même tenue, l’une contre l’autre et… Argh j’arrive pas à croire qu’elle a osé se jouer de ma sœur ! Elle a de la chance que Dushka l’apprécie et qu’on fasse partie de la même « famille » maintenant.

- D’ailleurs ta rivale n’était pas là. J’imagine que madame était trop occupée… Enfin bref peu importe, comment tu vas, toi ? Ca a l’air d’aller, t’as l’air quand même de pouvoir t’épanouir dans cet appart avec ton mini fauve.

Tout est réglé au niveau de la salle de bain et Dushka a découvert ce qu’est son cadeau. Bon il a fallu lui expliquer ce qu’est une licorne mais la tasse a l’air de lui plaire puisqu’elle se dépêche de la tester. Elle m’interroge ensuite sur les Sanguinaires et même si je n’ai pas le droit de lui dire certains détails, je me permets de lui parler de la soirée qui s’était passée chez Thérèse. Il faut qu’elle sache ce qu’elle a loupé. Je n’aborde toutefois que très brièvement le sujet Rosemary. Je sais que Dushka ne l’aime pas, je ne l’apprécie pas plus que ça non plus – même si je n’apprécie non plus pas vraiment Evelyne – et je sais surtout que ce sujet a tendance à retirer la bonne humeur de ma sœur.

Je change alors de sujet en prenant de ses nouvelles et elle m’explique sa situation actuelle. Elle a des heures de travaux généraux et une psy qui l’incite à changer. Je ne comprends pas vraiment pourquoi elle s’est cassée le cul à faire les travaux qu’on lui a demandé et pourquoi elle voit une psy mais je respecte son choix. Dushka n’a jamais réellement été faite pour tuer. Elle n’est pas une psychopathe. Peut-être qu’elle a justement besoin de changer pour s’épanouir. Si c’est le cas, je l’y aiderai autant que possible.

- Bien sûr que je t’aimerai toujours ! T’es ma sœur et ça, ça ne changera jamais, peu importe que tu préfères être une tortionnaire ou une gentille vampire.

Je ne peux nier que depuis qu’elle ne subit plus l’influence de notre mère adoptive, elle est beaucoup plus calme qu’avant. Moi je dors encore au manoi Van Helsinki lorsqu’il n’y a pas de danger mais sans Zdenka et Dushka ce n’était déjà plus pareil. Et maintenant que notre mère s’est débarrassée d’un esclave et qu’un autre s’est enfui, j’ai un mauvais pressentiment. Je ricane un peu et lui fais une petite pichenette taquine sur le front en regardant ma sœur.

- De toute façon, tu vas devoir me supporter encore longtemps car je compte bien continuer à te protéger de toutes les manières possibles, même si tu préfères être pacifique.

Je l’écoute encore alors qu’elle me parle désormais de son travail. Un job dans une université ? Etonnant. Je ne l’aurais jamais imaginée s’intéresser à ce lieu.

- Tu fais quoi comme job là-bas ?

Ca m’intéresse réellement de savoir ce qu’elle fait. Je suis certes une tueuse à gage mais pas dépourvue d’intérêt envers les autres boulots. Surtout lorsque c’en est un que ma sœur a choisi. Je m’adosse un peu contre le dossier du canapé en regardant un instant le chaton puis à nouveau ma sœur avec un sourire sincère.

- Tu sais, même si je ne vois pas l’intérêt que tu as à voir une psy, je suis contente de voir que tu t’épanouis. T’as vraiment pas à t’en faire pour tes choix. Peu importe que je les approuve ou non, je les respecterai toujours. Le plus important c’est que tu ne les regrettes pas et que ça te permette d’être heureuse.

Dushka semble plus rassurée après mes paroles. Elle pourra vraiment dormir l’esprit serein. Peu importe qu’elle soit une « bonne » vampiresse ou que je n’apprécie pas forcément ses choix, elle reste ma sœur et je l’aimerai toujours. Je la protégerai même toujours. Et si pour ça je dois tolérer la présence d’une autre espèce à ses côtés ou même d’un autre vampire que je déteste, je le ferai. En attendant, je cherche juste à en savoir un peu plus sur sa nouvelle vie et… Ben apparemment elle a flashé sur un type. JE ne fais aucun commentaire mais mon sourire narquois suffit à faire comprendre que je ne compte pas oublier cette information. Je reviendrai à la charge tôt ou tard avec ce sujet mais pas ce soir. Qu’elle en profite bien, elle n’y échappera pas la prochaine fois.

Après avoir entendu mes dernières paroles – ça sonne comme si je crevais – Dushka se jette carrément dans mes bras. Nous basculons toutes les deux sur le canapé alors que je la serre dans mes bras et la papouille pendant qu’elle pleure de joie. Je préfère ça plutôt que de la voir pleurer par tristesse.

- Sans doute une vampiresse folle à lier et sans limite.

Je ricane à cette phrase, prouvant bien que je la charrie. Plus sérieusement, je pense que même sans moi elle serait une femme bien. Je sais aussi qu’elle ne fait pas de choix à la légère. Enfin sauf quand elle veut s’amuser et faire saigner tout le monde mais ce n’était pas vraiment Dushka ça. C’était la fille sous l’influence d’une mère psychopathe. Maintenant Dushka a changé et je sais que ses décisions futures ne seront pas prises sans réfléchir. Moi je ne pourrai que lui apporter du soutien si elle en ressent le besoin. On se remet finalement assises puis Dushka s’en va chercher de quoi nous nourrir. Je prends l’une des poches et la vide dans ma tasse. Ce n’est pas parce que je suis vampire et tueuse à gage que je manque forcément de manières. Mordre dans une poche, ce n’est pas mon truc.

- Evidemment que Mama n’allait pas apprécier. Elle nous élève dans l’espoir qu’on devienne comme elle et qu’elle garderait une influence à vie sur nous et elle découvre que l’une part en voyage, une autre ne se laisse pas influencer et la dernière parvient à échapper elle aussi à tout ça. En plus elle découvre que même les esclaves s’enfuient. Elle n’a jamais aimé le fait de ne rien pouvoir contrôler.

Je me rappelle encore des rages qu’elle a eu lorsqu’elle ne parvenait pas à contrôler une situation ou une personne. C’est une femme qui apprécie grandement avoir un contrôle total sur la vie alors quand elle voit que ça ne fonctionne pas ou plus, ça l’énerve.

- Peu importe ce que peut te dire Mama, il faut vraiment faire ce que tu penses qui est le mieux pour toi. T’en fais pas pour le reste, je gérerai Mama vu que j’passe encore au manoir et j’ai plus que confiance en toi, je sais que tu garderas mes activités secrètes. Quant à moi, je continuerai à faire en sorte que mes actions ne te mettent pas en danger ou qu’elles ne te créent pas d’ennuis avec les forces de l’ordre.

Je dépose un bisou sur la tempe de ma sœur puis sirote tranquillement le sang en discutant de choses et d’autres avec Dushka. Dès qu’il est l’heure pour moi de la quitter, je dépose un dernier bisou sur sa joue puis file, retournant chez les Sanguinaires. Ce soir c’est trop dangereux de retourner au manoir Van Helsinki. Et puis il faut que je mette en place un plan d’action pour gérer notre mère adoptive et la calmer. Elle serait capable de faire n’importe quelle connerie si elle rage trop et je ne veux pas que ça mette en danger l’une de mes sœurs ou moi-même.