Le mois de mars avait laissé place à un avril venteux. Heureusement, les après-midis étaient doux et ensoleillés, propice aux promenades en forêt. Alors que je pensais ne pas revoir Harmony – l’ange aux cheveux flamboyants rencontrées au cœur de l’Angeles National Forest quelques jours auparavant – je reçus un message de sa part me demandant de passer la chercher à la sortie de son travail le vendredi suivant. A croire que je n’étais pas si effrayant. Ou qu’elle demeurait vraiment trop naïve. Mais bon, je n’avais pas prévu de la dévorer comme le lycan de la dernière fois. Pour un type qui ressemblait à un tueur, j’étais plutôt clean. Les apparences sont trompeuses… Comme je n’étais pas sûr d’organiser le camping avec mademoiselle la fugueuse, j’avais préféré attendre avant d’évoquer le sujet avec Janna. Ma fille et moi partagions beaucoup de choses, nous discutions facilement et sans tabous, et je trouvais ça très agréable. Je ne pensais pas un jour que nous serions aussi proches. J’imaginais qu’elle aurait mieux aimé se confier à une figure maternelle, une amie, en me laissant dans l’ignorance, trop gênée de parler de certaines choses à son vieux père. Pas du tout. Par exemple, bien qu’un peu paniquée, elle n’eut pas peur de m’annoncer l’arrivée de ses première menstruations l’été dernier, et de l’aider à acheter ce qu’il fallait pour protéger ses vêtements et soulager sa douleur. Elle aurait très bien pu appeler Azalja ou Akira. Et de mon côté… Bon… il n’y avait pas de quoi être fier mais Janna savait que, parfois, quand je voulais sortir boire un coup, ce n’était pas seulement pour boire un coup. Elle voulait même savoir si j’allais tomber sur la bonne personne et enfin me caser. Après la mort de Mary, elle n’avait cessé de me demander quand j’allais « retrouver une amoureuse ». Elle avait eu un certain espoir à propos de Sofia – et moi aussi – mais l’enquêtrice trouva son bonheur ailleurs, et tant mieux. Aujourd’hui, Janna se souciait toujours de ma situation amoureuse. Et j’étais rassuré de savoir qu’elle préférait me voir refaire ma vie. J’aurais eu plus de mal à gérer si elle craignait de voir sa mère remplacée par une autre. Nous en avions parlé quelques fois. Bien sûr, elle ne cachait pas le fait que ce serait un peu difficile et bizarre au début. Mais elle semblait déterminée à ce que son père puisse de nouveau trouver le bonheur d’une vie de couple. C’était gentil de sa part… sauf quand elle insistait trop.
- Tu ne veux pas faire un speed dating ?proposa-t-elle un jour. - Sûrement pas !répondis-je très surpris et contrarié.Je n’ai pas envie de rencontrer quelqu’un de cette façon. Ҫa fait… - … pas naturel, je sais,m’interrompit-elle en haussant les épaules.Mais ça marche, dès fois. - Mouais…fis-je pas très convaincu.
Ma rencontre avec Mary avait été si inattendue que j’avais du mal à en imaginer une nouvelle autrement. Bref. Quand je reçus le message d’Harmony, je proposai à ma fille de profiter de mon absence pour aller retrouver son amie Zoey, passer la nuit chez elle et la journée de samedi ensemble. Elles se voyaient beaucoup moins depuis que Janna avait sauté une classe pour intégrer le lycée. C’était l’occasion.
- T’as trouvé un nouvel endroit ?demanda la blondinette en voyant le grand sac prévu au camping qui reposait sur la banquette arrière de la voiture.
Je venais de la récupérer au lycée. Elle avait déjà prévu ses affaires pour le week-end et j’allais la déposer avant de récupérer Harmony.
- Pas exactement,répondis-je tandis que nous prenions la direction de la maison des Pritchard.
J’eus droit à un regard interrogateur et avide de curiosité. J’hésitai, connaissant déjà sa réaction quand je lui parlerais d’Harmony. Et je soupirai.
- L’autre nuit, à la pleine lune, je suis tombé sur quelqu’un qui a eu besoin d’aide,commençai-je.Une femme complètement perdue en forêt. Elle aurait pu se faire bouffer si je n’avais pas été là. - Oh…fit-elle soudain intéressée.Et… ?
Je lui jetai un coup d’œil rapide, vit son sourire et ne pus m’empêcher de ricaner.
- Et on se revoit ce soir.
Elle fit un léger bond et se trémoussa d’excitation sur son siège. Je ris franchement cette fois. Et je lui racontai ce qu’il s’était passé. A la fin de mon récit, elle hocha la tête avec une expression espiègle.
- Was* ?demandai-je sans pouvoir m’empêcher de rire à nouveau.
Elle rit aussi.
- Nichts, Ich freue mich für dich*.
Elle s’était considérablement améliorée en allemand, j’étais fier d’elle. Arrivés devant la maison de Zoey, Janna détacha sa ceinture et prit le sac qui se trouvait à ses pieds.
- Bon, ben... amusez-vous bien !fit-elle avant de m’embrasser sur la joue.Pas de bêtises !
Je levai les yeux au ciel avec un sourire mi gêné, mi amusé.
- A demain, Schatz*.
Je redémarrai. Il était temps d’aller chercher Harmony. J’étais un peu en avance mais comme il faisait bon, je sortis de la voiture et m’adossai contre la portière pour profiter de l’air extérieur. Une petite cigarette était tentante. Je ne m’en privai pas et en consommai une pour patienter.
______________________ * Was ? Quoi ? * Nichts, Ich freue mich für dich : Rien, je suis contente pour toi * Schatz : Ma chérie
Le mois d’avril vient de commencer. L’hiver laisse peu à peu la place au printemps. Il fait encore un peu frais mais c’est supportable. Le soleil se couche plus tard, les jours rallongent. Aujourd’hui était une journée comme les autres, à la différence qu’on était vendredi, veille de weekend et que surtout ce soir, j’allais pouvoir camper pour la première fois. J’avais totalement pris aux mots l’homme que j’avais rencontré dernièrement. Je lui avais donc proposé d’aller camper cette nuit et il a répondu positivement. Toute la journée je m’étais occupée des enfants, certains étaient plus sages que d'autres mais ça avait été un réel plaisir. La journée m'a paru un peu longue tant j’étais impatiente mais celle-ci toucha à sa fin. Ça y est, je suis en weekend. Pour l’occasion je m’étais habillée plutôt confortablement: un jean noir avec un sous pull à col roulé, un pull en laine bordeau. En cette fin d'après-midi il faisait assez bon. Au cas où, j’avais préparé un sac à dos avec un pyjama, un pull supplémentaire, une lampe de poche, une bouteille d’eau, des petites choses à manger. N’ayant jamais campé, j’avoue avoir emmené des petites choses de première nécessité mais tout ce qui est tente et ce qui va avec, je n’ai rien de tout ça. Bon, je pense que Meyer a tout prévu. Le sac à dos sur le dos, tous les enfants bien rendus à leurs parents, je sors de l’école. Je regarde à droite et à gauche et mon regard rencontre vite Meyer près de sa voiture. Ni une ni deux, je viens le rejoindre, le sourire aux lèvres.
Salut ! Tu vas bien ? C’est génial que tu aies accepté ! Je suis prête, j’espère n’avoir rien oublié.
Lui dis-je en souriant. Oh tiens, il fume. Je me demande quel goût ça a. Je n'ai jamais eu l'occasion de goûter. Comme envoûtée, je lui pique alors sa cigarette que je passe entre mes lèvres avant de la retirer en toussant et tirant la grimace. Mince... Qu'est-ce qui m'a pris, sans lui demander... J'ai été puni en m'étouffant, cest bien fait pour moi. Je regarde Meyer rouge de honte, lui rendant sa cigarette et détournant le regard.
Pa-Pardon, je ne sais pas ce qu'il m'a pris... Ma.. Ma curiosité à été punie...
Je suis mal a l'aise. Toujours en détournant le regard, j'essaye de changer de sujet
On... on devrait y aller...
Bon... En tout cas, je suis prête. Quand c’est bon pour lui, je grimpe en voiture côté passager et je le laisse nous guider jusqu’à notre lieu de campement. Il fait encore jour mais la nuit dans la forêt, ce sera une autre paire de manches même si je sais que je serai déjà plus en sécurité comme il sera là, que le jour de notre rencontre. Le trajet se fait sans encombre, j’essaye de discuter un peu, savoir comment s’est passée sa journée, prendre des nouvelles de sa famille. Je lui évoque ensuite le petit moment de représailles avec mes parents qui a été assez court et s'est plutôt bien fini comme j'ai fui dans ma chambre et y suis restée pour le reste de la journée.
L’école devant laquelle je me trouvais était similaire à celle que fréquentait Janna à l’époque. Celle-ci semblait plus petite mais les bâtiments demeuraient aussi bien entretenus. Apparemment, c’était également un établissement privé. Mary et moi avions préféré scolariser notre fille dans le privé, pour une question d’encadrement, de sérieux et parce que l’apprentissage demeurait plus épanouissant pour les enfants. La particularité de l’ancienne école de Janna était une partie de l’enseignement catholique. A la base, nous n’avions pas l’intention de l’inscrire dans ce genre d’école. Mary était croyante non pratiquante, et moi agnostique. Mais après la visite des lieux et un échange avec les maîtresses et la directrice, nous n’imaginions plus repartir à la recherche d’une autre école. Et, au final, nous en fûmes toujours satisfaits. Même après la mort de sa mère, Janna poursuivit son éducation scolaire avec brio et tout le monde fut très attentif avec elle. J’avais presque fini ma cigarette quand les gamins sortirent rejoindre leurs parents qui les attendaient. Harmony fit son apparition peu de temps après, très souriante et visiblement en pleine forme. Ses longs cheveux se balançaient dans son dos et son visage pâle rayonnait. Je ne savais pas si c’était à cause du temps sombre de l’autre jour, ou parce que je n’avais pas fait attention, mais je la trouvais jolie aujourd’hui. Et elle ne passait pas inaperçue avec sa chevelure flamboyante. Quand elle me vit, son sourire s’élargit et elle accéléra l’allure pour me rejoindre, toute contente. C’est à ce moment précis que quelque chose de très bizarre se passa. J’eus comme l’impression de retourner des années en arrière. Le 21 avril 2020, plus exactement. Je me trouvais devant l’université de médecine dans laquelle Mary faisait ses études. Je l’attendais, stressé. Elle m’avait appelé quelques jours auparavant pour me dire qu’elle voulait me revoir suite à notre rencontre chez elle, lorsque je vins faire mon travail : embaumer son défunt père. J’avais accepté de la retrouver ici, à la sortie de ses cours, sans me rendre encore compte que moi aussi, je voulais vraiment la revoir. Lorsqu’elle m’avait vu, Mary avait accouru, tout sourire, visiblement stressée elle aussi mais très heureuse. Mon cœur fit un bond douloureux face à ce souvenir que j’étais en train de mélanger avec le présent, face à une Harmony que je confondis l’espace de quelques secondes avec ma défunte épouse qui ne lui ressemblait pourtant en rien physiquement. Conséquemment, trop perturbé, j’eus du mal à trouver les mots quand la rouquine me salua et demanda si j’allais bien. Mais elle ne remarqua rien du tout et poursuivit sur le fait qu’elle était contente d’avoir eu une réponse positive de ma part pour le camping de ce soir. Elle réussit à me sortir complètement de mes pensées quand elle attrapa le reste de cigarette que j’avais gardé à la bouche, pour y goûter… et se mettre à tousser juste après.
- Pa… Pardon, je ne sais pas ce qu'il m'a pris…fit-elle en me la rendant.Ma… Ma curiosité a été punie.
J’écrasai le mégot par terre et le jetai dans une petite boîte que je viderais plus tard.
- On… on devrait y aller…dit Harmony qui avait l’air soudain mal à l’aise.
Je devais avouer qu’elle avait vite pris ses aises. Ҫa ne me dérangeait pas personnellement mais c’était un peu étrange d’agir ainsi si elle n’avait jamais touché à une cigarette de sa vie.
- Ce n’est pas grave,la rassurai-je,mais tu n’as pas eu de chance pour un premier essai, ces cigarettes sont fortes.
Je lui montrai le paquet.
- Des allemandes. Je les fais importer de Berlin.
Nous montâmes dans la voiture. Harmony demanda comment s’était passée ma journée. Je n’eus pas grand-chose à raconter, à vrai dire. Elle prit des nouvelles de Janna, et, pour rester sur le sujet parents-enfant, me parla de l’autre soir, quand je la déposai chez elle après notre retour de l’Angeles National Forest. Comme je m’y attendais, ses parents l’avaient réprimandée. Pour ne pas envenimer les choses, la rouquine ne parla pas du fait qu’elle avait failli se faire dévorer par un lycan sauvage, ni de sa rencontre avec moi. Et elle trouva refuge dans sa chambre où elle resta toute la journée. Combien de temps ce train de vie allait-il continuer ? Rien que de m’imaginer à sa place, ça m’exaspérait. Je n’aurais pas tenu une journée enfermé. Je détestais ça, j’avais besoin d’espace et surtout pas de proches possessifs. De toute façon, la vie m’avait enlevé mes parents bien trop tôt, et quand bien même, ils n’étaient pas de ce genre-là. Si j’étais maso, j’aurais presque préféré que mon père ait cette mentalité. Au moins, il n’aurait pas eu l’idée de vouloir m’assassiner… Enfin bon, ce n’était pas le moment de ressasser ce passé. Par contre, la vision qui s’était imposée à moi tout à l’heure refit surface et je restai silencieux un moment, troublé par le souvenir de Mary qui ne m’était plus revenu depuis bien longtemps.
- Excuse-moi,fis-je alors que nous arrivions bientôt à destination.Je suis dans mes pensées, ce n’est pas très poli.
Craignant de subir des question personnelles et embarrassantes, je me raclai la gorge et repris immédiatement, en changeant totalement de sujet.
- Je vois que tu as prévu quelques trucs,dis-je en désignant son sac d’un signe du menton.Normalement, j’ai tout ce qu’il faut, j’espère que tu ne t’es pas trop encombrée.
Ce petit essai à la cigarette avait été un échec et je ne comptais pas réessayer de sitôt. Même si Meyer m’expliqua que j’avais commencé avec des cigarettes fortes, ça m’avait coupé toute envie d’en essayer d’autres. Je m’étais contentée de lui sourire avant que nous ne montions en voiture. J’avais essayé de faire la conversation mais je ne le sentais pas très réceptif. J’avais pris des nouvelles de Janna puis j’avais raconté mon retour à la maison le jour de notre rencontre. Je sens qu'il ne m'écoute qu’à moitié alors je finis par arrêter de parler ne voulant pas l’importuner. Je regarde devant moi vers le paysage magnifique qui s’ouvre à nous. Il a dû se rendre compte que j’avais remarqué le fait qu’il était perdu dans ses pensées comme il s’en excusa. J'ai voulu répondre mais avant même que je n’en ai eu le temps, il commenta le sac que j’avais emmené.
Je ne savais pas trop ce qu’il fallait emmener donc j’ai pris un pyjama pour cette nuit, quelques affaires supplémentaires, étant frileuse j’ai peur d’avoir froid, j’espère que ce sera suffisant. J'ai pris des petites choses à manger aussi et de quoi boire donc ce n’est pas grand chose en vrai.
Il avait changé de sujet rapidement mais je reviens quelques instants dessus.
Et ne t’en fais pas, je ne le prends pas mal et puis… Je peux me montrer bavarde alors… Vraiment, il n’y a pas de souci.
J’ai l’impression qu’il est troublé, j’aimerais savoir pourquoi mais il serait impoli de lui poser la question comme ça. Il n’a peut-être pas envie d’en parler et puis je suis encore une inconnue pour lui. C’est comme, j’ai remarqué qu’il ne parle jamais de sa femme mais uniquement de sa fille mais pareil, je ne peux pas lui poser de question là dessus même si je m’en pose de plus en plus. Cet homme m’intrigue. Finalement, on arrive à destination. Je sors de la voiture. Nous sommes face à une grand prairie, juste en sortie de la forêt. Il n’y a personne à part de la verdure à perte de vu. On se croirait seuls au bout du monde. Les rayons de soleil se font sentir, il fait bon, c’est agréable. Je pense que la météo est parfaite pour camper.
Wie schön!*
Dis-je. Je me demandais s’il savait parler allemand ou non. L’ayant appris, je le parlais plutôt bien mais je ne suis pas à l'abri d’une erreur. Je suis émerveillée par cette vue resplendissante. Se retrouver là, au milieu de la nature, au calme, c’est tellement plaisant.
On monte le camp ? Dis-moi quoi faire et je le fais.
Dis-je tout sourire, impatiente de vivre cette nouvelle aventure.
- Je ne savais pas trop ce qu’il fallait emmener,répondit-elle.
Elle énuméra ce qu’elle avait mis dans son sac : un pyjama, des vêtements supplémentaires car elle était assez frileuse, quelques trucs à manger et de quoi boire. C’était plutôt pas mal pour une première fois.
- Et ne t’en fais pas, je ne le prends pas mal.
Hein ?
- Et puis… Je peux me montrer bavarde alors… Vraiment, il n’y a pas de souci.
Ah, mon silence inexpliqué. Je ne dis rien, ne voulant pas vraiment m’attarder sur ça. Nous arrivâmes au parking de l’Angeles National Forest, descendîmes du véhicule. C’était toujours le même endroit mais cette fois, nous emprunterions un chemin différent, un chemin que je ne connaissais pas encore, d’ailleurs. J’avais hésité à choisir un terrain déjà visité. Mais je trouvais plus sympa de découvrir un nouveau lieu ensemble, et de devoir chercher le meilleur endroit où dormir. Après avoir chacun mis notre sac sur le dos, nous suivîmes un sentier qui partait en direction du Sud-Est. Il déboucha d’abord sur une immense prairie verdoyante éclairée par le soleil qui commençait à décliner.
- Wie schön !s’exclama Harmony émerveillée par le spectacle qui s’offrait à nous.
Je n’aurais jamais deviné qu’elle parlait allemand. Mais je ne relevai pas et me contentai de sourire en coin.
- On monte le camp ? Dis-moi quoi faire et je le fais.
Je baissai les yeux sur elle, ne pus m’empêcher d’éclater de rire.
- Tu rigoles ou quoi ? On ne va pas rester ici,fis-je en commençant à m’éloigner à reculons.
Je lui tournai le dos et continuai. Elle me rattrapa en courant, je repris la parole.
- C’est joli, je te l’accorde. Mais le repos au chaud dans un sac de couchage, avec un bon repas, il faut le mériter. Alors d’abord, on explore, et ensuite, avant qu’il ne fasse trop nuit, on trouve un endroit où s’installer.
Je regardai les chaussures qu’elle portait. Au moins, elle avait pensé à mettre quelque chose de confortable pour marcher.
- Tu ne croyais pas que ça allait être aussi facile ?poursuivis-je sur le ton de la plaisanterie.
En plus, si nous nous arrêtions dès le début de notre promenade, nous risquions de faire face à beaucoup de passage de randonneurs. Quand je campais, j’aimais bien avoir un peu d’intimité, c’était toujours plus agréable. Comme les jours s’allongeaient de plus en plus et que nous pouvions profiter de la lumière encore longtemps, nous marchâmes un bon moment, environ une heure. Puis nous commençâmes à progresser en jetant des coups d’œil par-ci par-là, afin de trouver le meilleur endroit où poser nos affaires et passer la nuit. J’étais en train de soulever une branche pour aider Harmony à passer sans s’égratigner quand une odeur attira mon attention. Je reniflai l’air sous le regard curieux de la rouquine.
- Alors ça, c’est intéressant…commentai-je à voix basse avec un demi sourire.
Elle ouvrit la bouche pour parler mais je levai l’index devant la mienne pour l’inciter à garder le silence. Et je lui indiquai de me suivre sans faire de bruit. Une cinquantaine de mètres plus loin, un groupe d’adolescents avaient monté un camp et disposaient des sacs de nourriture autour de leur feu improvisé. Ces sacs portaient la marque d’un fast food et l’odeur de pomme de terre et de viande que j’avais senti me parvint avec plus d’intensité. Mon ventre se mit automatiquement à gargouiller. OK, maintenant j’avais très envie de troquer les biscuits secs et les morceaux de viande séchée calés au fond de mon sac contre des burgers bien gras… Nous nous cachâmes derrière un gros arbre, accroupis l’un à côté de l’autre.
- Ҫa te dit de… disons… les distraire pendant que… je leur pique un sac ?proposai-je tout bas.
Harmony fit les gros yeux.
- Ben quoi ? Les anges se font-ils fouetter s’ils commettent un vol ?ricanai-je, un peu déçu par sa réaction.Allez, juste un sac,la taquinai-je en allant chatouiller sa nuque du bout des doigts.Ils en ont clairement pris trop, en plus. Ce serait dommage que ça s’abîme.
Le cadre était magnifique, plutôt calme, je ne connaissais pas du tout cet endroit mais ça me plaisait beaucoup. J’étais prêt à monter le camp, plus déterminée que jamais. Mais je fus stoppée par le rire de Meyer. Mince, j’ai dit une bêtise ? Ah non, ce n’est pas là que l’on va monter le camp. D’accord. Il tourne les talons et repart et c’est sac à dos sur le dos, bien accroché, que je le rattrape en courant.
Hey ! Je veux bien aller ailleurs mais t’as des grandes jambes, va pas trop vite.
Dis-je en rigolant. Bon ça va, je n’avais pas eu de mal à le rattraper et je n’étais pas spécialement à la traîne. Il me donne les étapes de la soirée et j’acquiesce d’un signe de tête. J’adore explorer de nouveaux horizons alors je le suis sans broncher un seul instant. J’avais prévu le coup au cas ou de toute façon, que ce soit dans la tenue, ou les chaussures. Dès le départ, je ne savais pas où on allait aller alors j’avais fait en sorte d’être prévoyante. En plaisantant, il me demande si je croyais que ça allait être si facile. Je me mis à rire.
J’aime bien les défis, j’aime l’aventure et explorer alors c’est parti !
On progresse tranquillement sur le chemin qui allait peut-être nous mener jusqu’à notre campement pour cette nuit. Le chemin était un peu escarpé, Meyer m’aida à passer une branche. Je pensais que l’on allait reprendre notre chemin mais celui-ci s’arrêta pour humer l’air. Je le regarde, intriguée, essayant de renifler mais ne sentant absolument rien de spécial là où il sent quelque chose d’intéressant. J’allais lui poser une question mais je fus une nouvelle fois stoppée. Je garde le silence comme il me l’a indiqué. Je le suis le plus discrètement possible à pas de… Loup… C'est très drôle ça quand on est avec un lycan. Je me cache à ses côtés derrière un arbre et m’accroupis essayant de regarder ce qu’il se passe du côté du groupe de jeunes que nous avions remarqué. Il veut les manger ? Non ça n’aurait aucun sens… Il veut que je les distrait pendant qu’il pique un sac. Je le regarde ébahie. Je ne m’attendais pas à ça… Il vient alors me taquiner et vient me chatouiller dans la nuque. Je frissonne, manquant de laisser un s’échapper un petit couinement… je suis très chatouilleuse. Je le regarde l’air boudeuse, croissant les bras sous ma poitrine avant de finalement secouée la tête légèrement exaspérée.
Bon d’accord mais…
Je le regarde avec un sourire en coin laissant un petit suspens.
C’est toi qui va les distraire pendant que je récupère le sac. Je suis plus petite, plus légère et donc sûrement plus discrète et en plus de voler, je peux voler dans les airs et puis…
Je viens lui gratouiller derrière l’oreille droite, rapprochant mon visage du siens pour le taquiner.
Quoi de mieux qu’une grosse peluche toute douce pour distraire un groupe hein. Et puis je crois que tu aimes les gratouilles. Promis je t’en ferais d’autre si tu acceptes le deal.
Je lui tire la langue. Si c’est bon pour lui, je le laisserais le soin de se transformer puis je déploierais mes ailes pour m’élever légèrement dans les airs pour éviter de faire craquer la moindre brindille, qu’on ne puisse pas entendre mes pas sur le sol et j’irais récupérer le sac de taille moyenne que je vois derrière un des troncs sur lequel un jeune est assis. Une fois la chose faite, je retournerais à notre arbre initial.
Elle croisa les bras, l’air boudeur, puis secoua la tête.
- Bon, d’accord. Mais…
Un sourire finit par s’étirer sur ses lèvres colorées d’un léger rouge.
- C’est toi qui vas les distraire pendant que je récupère le sac,décida-t-elle.Je suis plus petite, plus légère et donc sûrement plus discrète. Et en plus de voler, je peux voler dans les airs, et puis…
Elle se rapprocha de moi, le regard plein de malice, et alla me grattouiller derrière l’oreille, comme si j’étais un mignon petit chien qu’on avait envie de câliner.
- Quoi de mieux qu’une grosse peluche toute douce pour distraire un groupe, hein ? Et puis je crois que tu aimes les gratouilles. Promis, je t’en ferai d’autres si tu acceptes le deal.
Je levai les yeux au ciel avec un sourire, perdu entre l’embarras et l’envie de rire. Je vis alors une paire d’ailes se déployer dans son dos. C’était… Je ne savais pas trouver les mots. Je n’avais jamais vu ça. Captivé par la blancheur de ses plumes et une irrésistible envie de les toucher, je mis du temps à me rappeler pourquoi la rouquine prenait son envol, et ce que je devais faire ensuite. Troublé, je clignai plusieurs fois des yeux et sortis de ma rêverie. Puis je me déshabillai en vitesse et entamai une transformation rapide. Une fois sous ma forme lupine, je contournai l’arbre et me dirigeai vers le petit groupe d’adolescents. Au début, avant qu’Harmony n’évoque le côté « grosse peluche toute douce », je pensais jouer la carte du loup enragé et leur faire peur. Mais ce serait vraiment trop et je ne voulais pas créer un mouvement de panique. Le côté gentil loup semblait plus approprié. Quand ils me virent, les adolescents poussèrent une même exclamation de stupeur, et certains reculèrent, effrayés. Évidemment, même si je voulais paraître doux comme un agneau, j’étais quand même imposant et impressionnant. Je fis tout pour avoir l’air le plus inoffensif possible, me couchai à terre, remuai la queue. Apparemment plus courageuse que ses amis, une jeune fille s’approcha, la main tendue vers moi.
- Arrête, t’es folle !s’écria le type qui s’était le plus éloigné.Il va te bouffer ! - Mais non, ne sois pas stupide,rétorqua-t-elle exaspérée.Tu vois bien qu’il ne nous veut rien de mal. - J’vois que dalle et il pourrait très bien te berner ! - Pff… n’importe quoi…murmura-t-elle en faisant encore quelques pas dans ma direction.
N’empêche, son pote avait raison de se méfier. J’aurais pu être mal intentionné et vouloir les dévorer après les avoir amadoués. Mais ce n’était pas le cas. Donc je laissai la demoiselle s’accroupir et poser sa main sur le plat de mon museau.
- T’es trop mignon, toi,dit-elle, sous le charme.Tu ne veux pas reprendre forme humaine et te joindre à nous ?
Je fis non de la tête. A ce moment-là, je vis mon amie l’ange descendre silencieusement des cieux, se faufiler derrière le groupe et s’approcher des sacs de nourriture. Afin de garder l’attention de tout le monde, je rampai au sol, vers l’avant, de façon à ce que la main de l’adolescente remonte vers ma tête, dans l’intention de demander des caresses. Elle comprit et commença à me gratouiller entre les oreilles. Je remuai la queue de plus belle en poussant un petit jappement de plaisir. Elle rit, voulut se tourner vers ses camarades. Mais si elle le faisait, elle verrait Harmony en train d’attraper un sac. Je relevai brusquement la tête. Elle eut un mouvement de recul, comme le reste du groupe. Cela donna le temps à la rouquine de se sauver dans l’obscurité du ciel. Pour me faire pardonner ce geste soudain, je collai mon museau sur la joue de l’adolescente, comme si je l’embrassais. Puis je me mis debout, fis volte-face et m’enfuis.
- Eh ! Reviens !héla-t-elle. - Ҫa va pas, non ?s’indigna le plus peureux.Laisse-le partir, il a failli te bouffer ! - Arrête de dire des bêtises ! Tu…
Je n’écoutai plus et retournai auprès de mes vêtements abandonnés dans un coin. Après avoir repris forme humaine, je me rhabillai et rejoignis Harmony qui atterrissait tout juste derrière le gros arbre.
- Bien joué,commentai-je en attrapant le sac rempli de burgers.
J’en reniflai le contenu et mon estomac se manifesta de nouveau.
- Il ne nous reste plus qu’à trouver un coin tranquille.
Rapidement, je m'étais mise en condition pour accomplir ma mission. Je n'avais jamais rien volé à personne, ça allait être ma première fois. Je l'avais pris à la rigolade mais je n'étais pas tout à fait à l'aise. C'est mal de voler et l'idée de faire du mal en tant qu'ange c'est franchement pas évident. Est-ce que Meyer allait me mettre sur un chemin sombre ? Je ne pense pas non plus, je pense que c'est quelqu'un de bon. Et puis en soit il a raison, vu toute la nourriture qu'ils ont c'est trop, vraiment trop, ils vont se rendre malade alors finalement, on va les aider en faisant ça et ça évitera qu'il y ait de la nourriture de gâchée. Alors que j'avais piqué le sac discrètement, j'en avais profité pour lancer une petite bénédiction. Mes pouvoirs ne sont pas suffisamment puissant dû à mon jeune âge mais ce sera suffisant pour qu'un petit coup de pouce du destin se glisse dans leur aventure. J'avais même déposé de la nourriture présente dans mon sac à la place de la leur. Ce n'était pas grand chose mais je me sentais mieux maintenant, je me sens toujours coupable mais j'ai l'impression d'une certaine façon de m'être rattrapée. J'étais retournée aux côtés de Meyer lui donnant le sac et faisant disparaître mes ailes. Je ne sais pas s'il s'est rendue compte que je n'ai pas juste piqué le sac mais ça m'importe peu.
Je trouve que l'on forme une bonne équipe.
Dis-je en lui faisant un clin d'œil.
Et pour l'endroit... à toi de me suivre.
Je prends les devants. En volant, j'avais vu un endroit qui avait l'air sympa pour monter le camp. Il nous éloignait encore mais c'est ce que Meyer avait voulu. On marche encore une dizaine de minutes et d'un bon pas, cela nous éloignera suffisamment du groupe d'adolescent. En descendant un peu, je le fais passer à travers des feuillages, des ronces, j'ai totalement abandonné le sentier, alors effectivement ce n'était pas le chemin le plus facile mais ça n'avait pas l'air de le gêner et moi non plus, je ne suis pas en sucre. Finalement, on sort du bois et on arrive près d'un point d'eau, il y a même un petit cercle de pierre qui me paraît pas mal pour faire un feu. Le sol autour est plutôt plat, ce qui sera pratique pour planter la tente et plus agréable pour dormir. On n'est pas collé à la forêt mais elle n'est pas très loin non plus par exemple si l'un de nous doit faire ses besoins ou quoi en toute discrétion. On est éloigné de tout et comme il n'y a pas de vrai chemin pour arriver ici, on devrait être tranquille.
Qu'en penses-tu ? Je l'ai repéré en m'envolant. Ici, il n'y aura personne pour nous déranger.
Si c'est bon pour lui, on peut monter le camp. Je suivrais ses indications.
Avec une pointe de regret, je vis les ailes d’Harmony disparaître. J’aurais bien voulu les contempler encore un peu… Mais je n’osais pas lui demander, nous nous connaissions à peine.
- Je trouve que l'on forme une bonne équipe,déclara-t-elle satisfaite.
C’était aussi mon avis. Notre petit coup monté pour gagner un sac de nourriture s’était encore mieux passé que je l’imaginais.
- Et pour l'endroit… à toi de me suivre,reprit Harmony avec entrain.
Apparemment, elle avait une idée derrière la tête. Je remis mon sac sur le dos et la suivis. Nous marchâmes encore une dizaine de minutes, hors du sentier, parmi la broussaille, les racines et quelques ronces facilement évitables. Nous arrivâmes près d’un minuscule point d’eau entouré de roche. Autour, le terrain était assez plat et même si les arbres demeuraient éloignés, il y avait assez de buissons pour nous dissimuler des regards et avoir la paix.
- Qu'en penses-tu ?s’enquit la demoiselle, fière de sa trouvaille.Je l'ai repéré en m'envolant. Ici, il n'y aura personne pour nous déranger.
Je hochai la tête avec un sourire.
- C’est pas mal,répondis-je.Par contre, n’oublie pas. Qui dit point d’eau, dit moustiques.
Elle eut l’air déçu.
- Mais il fait trop frais, la saison des moustiques n’est pas encore arrivée,la rassurai-je en donnant un léger coup de coude contre son bras.
J’avançai, contemplai les environs et posai mon sac par terre, ainsi que celui qui contenait les burgers. Puis je me tournai vers Harmony.
- Pour ton premier camping, je me suis dit que j’allais t’épargner l’étape construction d’un abri,dis-je d’un ton compatissant.
Je fouillai dans le sac à dos et en sortis une tente pliée en tout petit. Je détachai le nœud et jetai la tente en l’air entre nous. Elle se déplia toute seule, prête à l’emploi. Quand je campais seul, je ne l’utilisais pas, préférant me servir de ce que je trouvais dans la nature pour me fabriquer un refuge. En fait, seule Janna s'y installait, pas encore tentée par l’idée de dormir à la belle étoile. Je déroulai également un tapis de sport et le plaçai par terre, dans la tente. Ainsi, le sol serait moins dur pour s'y allonger.
- Néanmoins, j’espère que tu ne t’attendais pas à du grand luxe,poursuivis-je en jetant un sac de couchage encore empaqueté dans la tente.
Je me relevai et montrai la tente en m’inclinant légèrement en avant, comme un serviteur face à sa maîtresse.
Je n'avais jamais campé mais lorsque je me suis envolée, j'ai vu ce petit coin tranquille un peu plus loin, isolé et je me suis dit qu'il serait pas mal de le montrer à Meyer. J'espérais que cet endroit lui plairait. Je l'avais guidé jusqu'à ce petit coin de paradis, en espérant qu'on avait trouvé l'endroit idéal. D'après lui, c'était pas mal mais la présence d'un point d'eau engendrait la présence de moustiques. Mince... il me rassura en me disant qu'avec les température actuelle, on ne devrait pas être trop dérangé. Ouf, me voilà rassurée. C'est décidé, on reste ici. Je pose mon sac par terre. Meyer m'explique que pour mon premier camping, il avait décidé de m'épargner l'étape construction d'un abris.
Ça marche mais pour la prochaine fois... Enfin je veux dire... Si... si jamais on retournait camper ensemble... ce serait avec plaisir de passer par cette étape.
Je rougis légèrement. Cette aventure nous rapproche un peu je pense mais c'est peut-être trop téméraire de ma part de déjà parler d'un prochain camping. Bref. La tente est installée. Il me dit qu'il espère que je ne m'attendais pas à du grand luxe et pour finir que ma chambre est prête. Je me mis à rire.
C'est parfait monseigneur. Cette chambre me semble exquise.
Dis-je en entrant dans son jeu. Je prends dans mon sac une petite nappe que je pose par terre. J'étale le contenu du sac de Burgers pour que nous puissions commencer à manger. Une fois prêt, je pose mes fesses sur un bout de la nappe.
Bon appétit !
Je prends un Burger et commence à le manger. Je regarde autour de moi mais il n'a pas l'air de cacher une autre tente donc je suppose que l'on va dormir dans la même ? Pourquoi il ne met pas de sac de couchage, alors ? Je crois qu'il y a quelque chose que je ne saisis pas.
Dis moi... je ne vois pas de deuxième tente et tu n'as pas mis de sac de couchage dans celle-ci donc je suppose que tu ne vas pas dormir avec moi. Tu vas dormir dehors ? Ça va aller ? Si tu veux... Enfin ça ne me dérange pas que tu dormes à côté de moi si jamais.
Je recroque dans mon Burger. Que c'est bon ça quand même.
Elle déclara que si nous campions encore ensemble une prochaine fois, elle était prête à mettre la main à la pâte pour la construction d’un abri. Puis elle regarda la tente, rit et dit :
- C'est parfait, Monseigneur. Cette chambre me semble exquise.
Elle ouvrit son sac à dos et en sortit une nappe en tissu. Elle l’étala par terre près de la tente, vida le contenu du sac de fast-food au milieu. Et elle s’assit. Je l’imitai, pressé de manger.
- Bon appétit !fit-elle en s’emparant d’un burger. - Bon appétit,répondis-je en me servant aussi.
La première bouchée fut un véritable régal. Moi qui pensais devoir manger léger, j’étais plutôt content, et même comblé, par ce repas imprévu. D’accord, ce n’était pas de la grande gastronomie. Mais de temps en temps, c’était plaisant à consommer, et davantage en bonne compagnie.
- Dis-moi… je ne vois pas de deuxième tente et tu n'as pas mis de sac de couchage dans celle-ci,déclara Harmony en regardant tout autour d’elle.Donc je suppose que tu ne vas pas dormir avec moi.
Je ne pus m’empêcher de sourire.
- Tu vas dormir dehors ? Ça va aller ? Si tu veux… Enfin ça ne me dérange pas que tu dormes à côté de moi, si jamais.
Je lâchai un petit rire.
- Une tente, c’est sympa mais j’ai fini par apprécier les nuits à l’air libre. C’est un peu arrivé par la force des choses, à vrai dire. Certaines nuits de pleine lune, je reste chez moi. Mais souvent, comme l’autre fois, j’aime vadrouiller en forêt. C’est beaucoup moins pratique d’ouvrir une tente avec d’énormes pattes à la place des mains.
Assis en face d’elle, je me penchai en avant, le regard moqueur.
- Ne t’inquiète pas pour moi, je survivrai. Toutefois… si jamais tu as trop froid, il paraît que je sers très bien de chauffage.
Je la taquinais, sachant très bien que ce genre de proposition allait la gêner. Je la connaissais très peu mais j’étais quasiment sûr que la surprotection de ses parents faisait d’elle une femme encore bien inexpérimentée dans l’intimité d’un couple. Et j’eus raison. Son visage devint presque aussi rouge que ses cheveux.
- Je plaisante,ricanai-je.Tu peux dormir tranquille, je ne viendrai pas t’embêter cette nuit.
C’était un peu vieux jeu, voire exagérément timide de la part d’un vétéran comme moi, mais je ne comptais pas imposer à Harmony de dormir ensemble alors que nous venions à peine de faire connaissance. Je savais faire la différence entre un coup d’un soir et une rencontre amicale. Et dans le deuxième cas, je restais attaché au respect d’autrui, à la retenue et à la politesse que l’autre voulait bien recevoir.
Notre repas bien mérité pouvait commencer. Un vrai régal ! Les burgers étaient encore suffisamment chauds, c'était parfait. Je mange le miens tranquillement, je n'ai pas forcément un très gros appétit de manière générale. Certains ont tendance à dire que je picore, que je mange comme un moineau. Je continue à manger tout en m'interrogeant sur comment Meyer allait dormir. Il m'explique qu'il apprécie les nuits à l'air libre. Il me parle aussi des nuits de pleine lune où il aime vadrouiller forêt et que ce n'est pas pratique d'ouvrir une tente avec des grosses pattes. Ah oui effectivement. Je ne pu m'empêcher de rire en imaginant la scène.
Ah oui effectivement ça peut-être problématique !
J'imagine Meyer en loup en train de gratter la tente avec ses pattes pour essayer de saisir le zip de celle-ci. En quelques secondes il avait perdu toute crédibilité dans mon esprit. Après, la belle étoile ça peut-être pas mal mais maintenant qu'il a lis la tente en place, je vais quand même dormir dedans. Il me dit donc de ne pas m'inquiéter, qu'il survivra mais que si jamais j'ai froid il peut servir de chauffage. De chauffage... Me... Me coller à lui ?! Je rougis automatiquement ayant l'image en tête de nous deux dormant l'un contre l'autre. Je n'ai jamais dormi avec quelqu'un et... et... c'était un peu la panique dans mon esprit. Il me rassura en me disant qu'il plaisante et qu'il n'a pas prévu de m'embêter cette nuit.
Cette... Cette nuit ?!
Parce qu'il a prévu de m'embêter à une autre ? Arrête Harmony, tu paniques donc tu te fais des films qui n'ont ni queue ni tête. Jinspire profondément me cachajt ensuite derrière un rire gêné.
Je... Je retiens quand même le côté radiateur si jamais j'ai froid mais ça devrait aller, j'ai prévu plusieurs couches.
Peut-être que je ne me rends pas bien compte fi froid qu'il peut faire la nuit dehors au mois d'avril. Je verrais bien. Après... dormir près d'un lycan ne doit pas être désagréable... Mais à quoi je pense. Je détourne le regard, faisant partir ces pensées de mon esprit. Je finis mon Burger, je mange quelques frites mais mon repas est vite fini.
- Cette… Cette nuit ?fit Harmony visiblement pas rassurée.
Je ris de nouveau. Elle aussi, extrêmement gênée.
- Je… Je retiens quand même le côté radiateur si jamais j'ai froid, mais ça devrait aller, j'ai prévu plusieurs couches.
Elle se concentra sur son burger, j’avalai le mien en deux temps trois mouvements, et en pris un autre.
- C'était délicieux,dit la demoiselle après avoir mangé quelques frites.
C’est tout ? Elle n’avait pas avalé grand-chose. Je comprenais pourquoi elle était si mince. Je connaissais quelqu’un qui mangeait très peu aussi : Freja. Le souci avec la jeune violoniste, c’était qu’elle avait une santé assez fragile. Il n’était pas rare de la voir prise de vertiges ou au bord de l’évanouissement. Et si ça arrivait à Harmony en plein vol ? Ce serait dangereux… Cependant, je ne fis aucun commentaire et me contentai de manger à ma faim. Durant le repas, nous échangeâmes quelques mots à propos du camping. C’était surtout moi qui parlais. La rouquine voulait en savoir le plus possible, et, en plus des meilleures astuces, je lui racontais quelques anecdotes vécues ces dernières années. Par exemple, le fait que Janna adorait balader à dos de loup quand elle était petite, et que ce genre de moment me manquait un peu. Mais je devais accepter le fait que ma fille avait grandi, qu’elle n’était plus un bébé. Une fois le dernier burger englouti, je me mis debout et levai les yeux vers le ciel. Le soleil était bien couché désormais, et il commençait à faire sombre. Nous ne verrions bientôt plus rien. Ou plutôt, Harmony ne verrait plus rien. Il nous fallait allumer un feu rapidement.
- Je te propose de ramasser quelques petites branches par ici,dis-je en désignant les environs autour de la tente.Je vais un peu plus loin pour trouver du plus gros bois.
Mieux valait que ce soit moi qui m’éloigne le plus. Je saurais facilement retrouver Harmony grâce à mon odorat. Et ma nyctalopie m’épargnait d’avoir à transporter une lampe torche. Je demandai à la jeune femme si elle en possédait une. Elle la sortit de son sac, et commença à chercher du branchage. Je partis de mon côté, au milieu des arbres, tout en gardant une oreille attentive à ce qu’il se passait derrière moi. Si la rouquine se faisait de nouveau attaquer par un lycan, je devais être présent. Mais il y avait peu de chance que cela arrive en dehors d’une nuit de pleine lune. Au bout d’une dizaine de minutes, je repérai un espace dégagé entre deux arbres, derrière une barrière de buissons épineux. On y voyait très bien le ciel, comme si la forêt s’arrêtait net là-bas. Intrigué, je trouvai un passage assez praticable pour ne pas finir égratigné, et débouchai sur un terrain plat et rocheux, libre de toute végétation. En effet, le ciel était parfaitement visible, peu importait le sens dans lequel je me tournais. Les premières étoiles commençaient à apparaître. J’avançai de quelques pas, ne pus aller plus loin car la roche s’arrêtait brusquement et le vide s’ensuivait. En contrebas, à des kilomètres d’ici, je pus profiter d’une vue absolument grandiose sur le Nord de Los Angeles. Des milliers de petits points de lumière scintillaient partout, de plus en plus nombreux à mesure que la nuit tombait. Impressionné, je fis demi tout et retournai au camp, mon tas de bois dans les mains. Harmony était revenue et disposait de gros cailloux en cercle, près de la tente.
- Eh,fis-je pour attirer son attention.J’ai un truc à te montrer.
Je posai le bois par terre. Curieuse, la rouquine se leva et me suivit.
- Éteins ta lampe, je te guide,décidai-je en prenant sa main.
Elle se laissa faire. Quand nous arrivâmes au niveau des derniers buissons, je lui demandai de fermer les yeux. Je l’aidai à avancer en faisant en sorte qu’elle ne trébuche pas. Une fois au bord de la falaise, à deux ou trois mètres en retrait pour éviter tout accident, je lâchai sa main.
Mon repas fut rapidement terminé tandis que Meyer se servait de nouveau. Un gaillard comme lui doit prendre des forces. Il continue donc de manger tout en faisant la conversation. Maintenant, c'est lui qui s'ouvrait à moi et je l'écoutais avec grand plaisir. Il me raconta quelques anecdotes qui me firent rire, il me parla de Janna et de ses balades à dos de loup. Ça doit être sympa à faire mais je n'en ai jamais eu l'occasion. Je pense que j'aurai aimé aussi. Je n'avais pu m'empêcher d'être songeuse à ce sujet là et d'imaginer comment se passerait une balade à dos de loup.
Le repas se termina doucement et Meyer proposa d'aller chercher le nécessaire pour allumer un feu. Ma mission, et je l'acceptai sans condition, était d'aller chercher quelques petites branches autour du camp mais sans trop m'éloigner. C'était mieux ainsi, même si j'ai une lampe torche, je ne verrai pas grand chose dans la forêt et j'aurais plus de chance de me blesser qu'autre chose. Je récupère ma lampe et je m'occupe de ma mission. Trouver quelques branches est loin d'être compliqué, je les ramène au milieu du camp. Ensuite, je dispose de gros cailloux en cercle. Après plusieurs minutes Meyer revient vers moi. Il a quelque chose à me montrer. Je le regarde curieusement puis j'éteins ma lampe de poche comme il me l'a demandé. Je le suis, à l'aveugle il faut bien le dire mais je lui fais confiance et de ce que je vois, il a l'air de bien voir la nuit par rapport à mes pauvres yeux. Au bout de plusieurs mètres, il me dit de fermer les yeux. Je le fais et me laisse guider. On avance encore puis on s'arrête.je peux ouvrir les yeux. J'ouvre alors de grands yeux émerveillés. Je suis comme ébahis. C'est magnifique ! Toutes les étoiles, la lune au loin, le paysage. C'est une merveille ! Je contemple ce décors, la bouche légèrement entrouverte. Je n'avais pas les mots pour exprimer mon émerveillement face à cette beauté. Après quelques minutes je déploie mes ailes d'ange et je m'élève dans les airs. Je ressens le besoin de prendre de la hauteur et de virevolter quelques minutes dans ce décors. Je vole à droite, à gauche, je tourne, battant des ailes, laissant peut-être échapper quelques plumes. Après quelques minutes, je reviens me poser au sol devant Meyer mes ailes toujours présentes, qui semblent vouloir nous envelopper. Je prends ses mains dans les miennes, le regardant dans les yeux avec un sourire angélique sur les lèvres.
Merci de m'avoir emmenée ici. C'est magnifique.
Sans lâcher une de ses mains, je me tourne de nouveau vers ce paysage ydillique. Je suis heureuse d'être là. J'en oubliais que mes ailes étaient encore déployées et que je tenais encore la main de Meyer.
Elle ouvrit les yeux et resta stupéfaite. J’étais sûr que ça allait lui plaire. Peut-être avait-elle déjà vu ce genre de spectacle depuis les cieux grâce à ses ailes. Mais vu l’émerveillement qui marquait son visage, ça ne devait pas être très souvent. J’étais content que ma petite surprise ait eu son effet. Ce n’était pas grand-chose mais, au fil des années, j’appréciais de plus en plus ce genre de moment qui pouvait paraître anodins pour certaines personnes. Un courant d’air inhabituel me fouetta soudain la joue, avec une légèreté et une douceur presque… surnaturelles. Et c’était le cas de le dire. Harmony venait de déplier ses ailes d’ange et de s’envoler à quelques mètres au-dessus du sol. Je l’observai, encore une fois hypnotisé par la blancheur de ses plumes et cette étrange envie de les caresser. Quelques-unes d’entre elles tombèrent autour de moi, comme une neige que j’imaginais tiède et agréable au toucher. La rouquine fit quelques allers-retours de gauche à droite. Puis elle redescendit et se posa devant moi. Apparemment très heureuse, elle attrapa mes mains dans les siennes et me fit un grand sourire.
- Merci de m'avoir emmenée ici,dit-elle.C'est magnifique.
Je fus incapable de répondre. Elle avait lâché l’une de mes mains pour se tourner et contempler de nouveau les lumières de la ville. L’autre dégageait une fraîcheur mystérieuse que je n’avais pas ressenti tout à l’heure en la guidant. Était-ce « l’effet angélique » parce que ses ailes étaient déployées ? Cette sensation de bien-être faisait-elle partie des pouvoirs que pouvaient transmettre un ange ou demeurais-je le seul à réagir de cette façon à leur contact ? Je ne savais pas le dire, c’était déconcertant. Et je nageais dans une telle confusion que je remarquai trop tard ce qui était en train de se passer : ma main libre avait bougé toute seule, comme si je ne contrôlais plus mon corps. Du bout des doigts, j’effleurai l’une des plumes d’Harmony. Quand elle se tourna vers moi, le regard interrogateur, je sortis du brouillard avec une telle brusquerie que je reculai d’un pas, coupant tout contact avec la demoiselle.
- Désolé,fis-je troublé.Je ne sais pas ce qui m’a pris, j’aurais dû demander ta permission.
Et encore, j’aurais quand même eu l’air fin… C’était bizarre comme requête.
- Il faut aller faire le feu,repris-je en lui tournant le dos.
Je n’attendis pas de réponse et repartis vers le camp, trop gêné pour oser la regarder en face après ça.
Le spectacle qui s'offrait devant nos yeux était incroyable. Toutes ces étoiles qui brillent dans le ciel comme mille et un diamants. Ce n'est pas la première fois que je vois le ciel mais ce soir il me paraît plus merveilleux que jamais, il me paraît si près. Après avoir virevolté quelques minutes, j'étais retournée aux côtés de Meyer pour continuer cette contemplation depuis le sol, à ses côtés. Une de ses mains était toujours dans la mienne, sans que je m'en rende réellement compte. Soudain, je sentis quelque chose toucher mon aile et ce quelque chose était la deuxième main de Meyer. Je le regarde quelque peu surprise. Il me lâche la main et recule. Je ne comprends pas tout, j'ai l'impression que mes ailes m'ont perturbées mais de manière négative comme il fuit d'un coup.
Meyer attend !
Ça ne serait à rien. Il est parti à toute vitesse. Je range mes ailes et je pars derrière lui, me retrouvant à courir. Il va bien plus vite que moi et je ne vois pas aussi bien dans les bois la nuit que lui. J'essaye de le suivre mais je suis bien plus lente, heureusement que le campement n'est pas trop loin. Je continue le chemin, un peu à l'aveugle il faut bien le dire. Je finis par trébucher, mes pieds s'étant pris dans une racine, ma joue faisant un tête à tête avec une ronce, bien sûr c'est elle qui a gagné, sinon ça ne serait pas drôle. Une jolie égratignure apparaît sur ma joue et celle-ci saigne. Mais mains et mon pantalon sont pleins de terre mais tant pis. Je me relève, reprenant le pas de course. Je finis par arriver au campement avec Meyer en train de commencer à faire un feu. Mince, ça m'a essoufflé tout ça. Je viens m'asseoir par terre autour des pierres qui encerclent le feu. Je dois faire peur à voir entre la terre sur mes mains et mes vêtements ainsi sur le sang sur ma joue mais je ne bronche pas.
Ça va ? J'ai l'impression que mes ailes t'ont perturbé, si tu veux, je peux ne plus les montrer mais tu sais, ça m'a surpris que tu touches mes ailes mais ça ne m'a pas dérangé. Vraiment... Mais si elles t'ont dégoûtée je ferais attention.ca doit paraître bizarre quand on n'a pas l'habitude.
J'esquisse un sourire. Je suis un peu gênée, je ne sais pas ce qu'il pense de moi, de mes ailes, si ça l'a repoussé ou quoi, je n'ai pas tout compris à ce qu'il s'est passé...
Sérieusement, qu’est-ce qui m’avait pris ? Si toutes les personnes qui rencontraient un ange pour la première fois agissaient ainsi, j’imaginais bien le ras-le-bol que cela pouvait engendrer. C’était comme si on s’amusait à tripoter ma queue de loup à chaque fois que je croisais quelqu’un d’intrigué par mon apparence lupine. J’aurais fini par mordre quelqu’un… Une fois arrivé au camp, je m’attelai à allumer le feu. Lorsque j’avais sérieusement commencé à m’équiper pour le camping quelques années auparavant, je m’étais procuré un outil bien pratique : un kit de survie pierre à feu. Il s’agissait d’une barre de ferrocérium fournie avec une lame en acier. Si l’on frottait les deux l’une contre l’autre, cela produisait une gerbe d’étincelles. En quelques secondes, des petites flammes jaillirent au milieu du tas de brindilles que j’avais rassemblées. Au fur et à mesure, j’y ajoutai des branches plus épaisses. Harmony s’assit devant moi pour observer mes faits et gestes.
- Ça va ?demanda-t-elle avec une pointe d’inquiétude dans la voix.
Je levai les yeux sur elle. Qu’est-ce qui lui était arrivé ? Ses vêtements étaient pleins de terre au niveau des genoux, elle en avait aussi sur les mains, ainsi qu’une égratignure encore saignante sur la joue. Oh merde, c’était de ma faute. Je l’avais laissée derrière moi et étais retourné auprès de la tente sans la guider. Mais quel idiot… Tout ça à cause de mon geste déplacé.
- J'ai l'impression que mes ailes t'ont perturbé,fit-elle remarquer.
C’était peu dire… Elle proposa de ne plus me les montrer, même si ça ne l’avait pas dérangée que je les touche.
- Mais si elles t'ont dégoûté, je ferai attention. Ҫa doit paraître bizarre quand on n'a pas l'habitude. - N… non non, pas du tout,répondis-je aussitôt face à son sourire embarrassé.
Me dégoûter, sûrement pas !
- Au contraire… C’est… euh…
Je me tus, ne parvenant pas à trouver les bons mots. Agacé par mon manque d’argumentation, je soupirai.
- Tu es la première ange que je rencontre,justifiai-je en la regardant enfin dans les yeux.Alors oui, tes ailes m’ont perturbé. Mais parce qu’elles sont… belles.
Je soufflai par le nez, un sourire au coin des lèvres.
Est-ce que mes ailes lui ont fait peur ? Est-ce que ça m’a rendu repoussante ? Je ne sais pas. Meyer avait commencé à s’ouvrir à moi, la soirée avait pris une très bonne tournure et c’est comme si tout s’était effondré d’un coup. Cela ne peut quand même pas se finir ainsi, si ? Je ne m’étais pas assise trop près de Meyer non plus pour ne pas l’embêter, il avait pris la fuite d’une certaine façon et je ne voulais pas le mettre plus mal à l’aise. Et puis bon, vu la tête que j’ai à l’heure actuelle, c’est mieux d’être un peu plus loin. Je lui avais posé la question directement concernant mes ailes tout en me montrant rassurante, sans le juger. Apparemment je me serais trompée, c’est le contraire. Je suis la première ange qu’il rencontre et mes ailes l’ont perturbées parce qu’elles sont belles. Cela me fait sourire. Je revois apparaître son sourire sur ses lèvres et je suis rassurée. Il reformule en disant que mes ailes sont extraordinairement sublimes. Mon sourire s’agrandit.
Oh… Je suis rassurée alors. Merci. Je suis contente de savoir que je ne suis pas repoussante avec mes ailes. On passait un si bon début de soirée, j’étais triste à l’idée que ça puisse changer.
Je lui souris avec un petit clin d'œil. Je me lève alors.
Je reviens, laisse-moi cinq minutes.
Je me rends près du petit cours d’eau. Je me lave les mains dedans pour ne plus avoir de terre dessus. Une fois fait, j’agite mes mains dans l’air pour retirer un maximum d’eau dessus. Je reviens ensuite vers ma tante. Je m’assois, les fesses dedans, je retire mes chaussures avant de fouiller dans mon sac à la recherche de mon pyjama pour cette nuit, ou plutôt de mon pantalon de jogging. Je me mets dans la tante pour retirer mon pantalon sale et enfiler l’autre. Je retire aussi mon pull qui a le bout des manches salit et en enfile un autre. Lui qui devait servir de couche supplémentaire, c’est raté, j’espère que ça fera l’affaire. Une fois rhabillée, je ressors de la tante, j’enfile de nouveau mes chaussures et je reviens aux côtés de Meyer, juste à côté de lui cette fois, lui faisant face..
Voilà, c’est mieux comme ça. Comme je ne voyais pas grand-chose et que j’ai essayé de te suivre, j’ai trébuché.
Dis-je en rigolant. Ce n’est que des vêtements, ça se lave. Et puis, c’était le risque en venant ici mais cette soirée en valait la peine. Je prends une des mains de Meyer puis je fais de nouveau apparaître mes ailes et je pose sa main dessus, l’invitant à caresser, à toucher les plumes. Je lui souris gentiment, sans un mot, je ne pense pas qu’il y en ai besoin. Je lui lâche la main, lui laissant le loisir de les toucher comme il l’entend. Je me frotte alors la joue, regardant mes doigts. Mince ça saigne toujours…
C'est bien d'être un ange pour soigner les autres mais pour se soigner soi-même, c'est une autre histoire.
- Oh… Je suis rassurée alors. Merci. Je suis contente de savoir que je ne suis pas repoussante avec mes ailes. On passait un si bon début de soirée, j’étais triste à l’idée que ça puisse changer.
Elle se leva, déclara qu’elle revenait dans cinq minutes. Elle s’éloigna en direction du petit cours d’eau. Je m’occupai du feu, ajoutant encore du bois pour agrandir les flammes. Du coin de l’œil, je vis Harmony se laver les mains. Puis elle revint et entra dans la tente, emmenant son sac à dos avec elle. Elle allait sûrement se changer, ses vêtements étaient dans un sale état. Tout ça par ma faute. J’avais vraiment fait preuve de négligence… Que pouvais-je faire pour rattraper ça ? Je n’en avais aucune idée. J’étais encore en train de réfléchir quand la demoiselle sortit de la tente, vêtue d’un jogging et d’un pull propres. Elle vint s’asseoir près de moi, satisfaite.
- Voilà, c’est mieux comme ça. Comme je ne voyais pas grand-chose et que j’ai essayé de te suivre, j’ai trébuché,rit-elle.
Si elle le prenait aussi bien, tant mieux, mais je culpabilisais quand même. En tout cas, maintenant que le feu prenait bien, elle pouvait se réchauffer. J’allais lui dire de ne pas hésiter à en profiter mais encore une fois, sa main attrapa la mienne. Là, ses ailes apparurent dans son dos et elle m’invita à les toucher. Son sourire était encourageant, mais je restai immobile encore quelques secondes quand elle lâcha ma main. Avec beaucoup de précaution, comme si je craignais de lui faire mal, je touchai de nouveau ses plumes, envoûté par leur douceur et leur blancheur. Je voulais dire quelque chose, n’importe quoi pour briser ce silence que moi seul devais trouver déroutant. Mais j’étais incapable de sortir le moindre mot. Le contact de mes doigts sur l’aile d’Harmony me laissait sans voix. Je devais avoir l’air bête…
- C'est bien d'être un ange pour soigner les autres mais pour se soigner soi-même, c'est une autre histoire.
La jeune femme pouffa de rire en frottant sa joue du revers de la main. Elle saignait toujours. Je ne savais pas comment elle avait gagné cette coupure mais elle ne s’était pas loupée… Je devais faire quelque chose pour l’aider.
- J’ai ce qu’il faut,dis-je en délaissant à contrecœur la contemplation de ses ailes.
Je fouillai dans mon sac à dos à la recherche du kit de premiers secours. Je l’ouvris, dégotai du désinfectant, un peu de coton et un pansement fin.
- Je peux ?m’enquis-je poliment.
Ayant son approbation, je versai du désinfectant sur le coton.
- Ҫa va piquer un peu,prévins-je.
Il n’y avait pas de quoi sauter au plafond mais je préférais l’avertir. J’appliquai doucement le coton contre la plaie, la tapotant sur toute sa longueur pour que le désinfectant fasse bien effet. Puis je collai le pansement.
- Tu pourras l’enlever demain matin.
Je me raclai la gorge, penaud.
- Désolé… c’est de ma faute. Je m’en voudrai si ça laisse une trace…
A mon avis non, l’égratignure n’était pas profonde. Mais on n’était jamais sûr de rien, chaque peau réagissait différemment.
- Et d'ailleurs, pourquoi les anges ne peuvent-ils pas se soigner eux-mêmes ?demandai-je curieux.
Mon but: que Meyer soit à l'aise avec moi. Je ne veux pas qu'il pense qu'il a eu le moindre geste ou comportement déplacé, pas avec moi en tout cas. Cette soirée est incroyable pour moi. Pour le lui faire comprendre je lui avais laissé le libre accès à mes ailes pour qu'il puisse les toucher. Ça me faisait bizarre mais c'était loin d'être désagréable, au contraire. Je restais souriante, je rigolais même pour qu'il comprenne que malgré ce contact surprise et malgré que je sois tombée après lui avoir couru après, tout allait bien. A quelques gouttes de sang près. Je n'avais pas pensé à prendre un kit de soin, je pense en premier aux autres et mes pouvoirs sont généralement suffisants pour soigner des blessures. Il est vrai que je ne pense pas au fait que je peux me blesser moi-même. Contrairement à moi, apparemment Meyer a ce qu'il faut. Je laisse disparaître mes ailes, le regardant fouiller dans son sac. Il trouve ce qu'il faut, me demandant ensuite mon accord pour panser ma petite blessure. J'acquiesce d'un signe de tête. Il me prévient que ça va piquer. Je reste immobile, tirant juste une légère grimace au premier contact. Ça va, c'est largement supportable. Je le laisse faire, mes yeux ne pouvant se détourner de son visage. Je ne sais pas pourquoi. Il applique le pansement. Il fait ça avec une grande délicatesse, sans m'en rendre compte j'esquisse un sourire sur mon visage. Il s'excuse ensuite, disant que c'est de sa faute, il me demande ensuite pourquoi les anges ne peuvent pas se soigner. Très bonne question. J'avoue que sa question me surprend mais que je ne me l'étais jamais réellement posée.
Eh bien... Je ne sais pas trop. Nos pouvoirs sont surtout là pour le bonheur d'autrui. Je sais juste que j'ai essayé et que ça n'a pas marché. Tant que je peux soigner les autres ça me va.
Répondis-je en souriant. Un sourire sincère. Je me dois par contre de l'embêter un peu parce que c'est vrai que j'ai fait une bonne chute en lui courant après.
Concernant cette fameuse chute pour laquelle tu te sens coupable... Tu ne devrais pas, c'est moi qui me suis mise à courir alors que je ne voyais pas grand chose.
Je rigole un peu. mieux vaut en rire qu'en pleurer.
Vraiment, regarde tout va bien. Je n'ai juste plus de vêtements supplémentaires en bon état pour la nuit ne pas avoir froid mais on verra bien, peut-être qu'il ne fera pas si froid.
Actuellement il y a le feu mais je ne suis pas sûre que ce sera suffisant pour toute la nuit. J'essaye déjà de profiter un maximum de cette chaleur, me mettant au plus proche du feu, non sans une petite distance de sécurité quand même. J'essaye de me convaincre que ce sera suffisant, je veux qu'il se sente fautif de rien du tout. Je sens d'ailleurs la fatigue commencer à me gagner. Je me recroqueville, posant ma tête sur mes genoux et fermant quelques instants les yeux. Ce feu fait quand même vachement de bien.
Peu à peu, ses ailes disparurent tandis qu’elle réfléchissait.
- Et bien… Je ne sais pas trop,répondit-elle.Nos pouvoirs sont surtout là pour le bonheur d'autrui. Je sais juste que j'ai essayé et que ça n'a pas marché. Tant que je peux soigner les autres, ça me va.
Elle sourit de plus belle. L’altruisme des anges avait l’air insurclassable. Mais je connaissais d’autres personnes aussi dévoués à aider les autres. Akira, par exemple, ou encore Azalja envers les lycans qui cherchaient refuge. Mais je pensais surtout à Mary. Quand je la rencontrai en 2020, elle était encore dans les études et fréquentait une très bonne université de médecine dans laquelle elle obtint, trois ans plus tard, son diplôme d’infirmière. Après cela, elle intégra l’hôpital au sein duquel Janna naquit cinq ans après. Même avant d’exercer pleinement son métier, Mary avait toujours été quelqu’un d’extrêmement charitable. Sa bonté et sa générosité faisaient d’elle une personne très aimée, autant par ses proches que par les collègues de travail et les patients dont elle s’occupait. Et même si elle employait toute son énergie à faire le maximum pour tous ces inconnus qui avaient besoin de soins, il lui en restait toujours pour maintenir l’harmonie de notre famille. Je me disais même qu’elle en faisait beaucoup trop et qu’elle ne se reposait pas assez. Mon travail me permettait des horaires assez souples, contrairement à elle. Je me servais de mes heures de liberté pour alléger celles qu’elle voulait consacrer à la vie de famille. Cependant, elle avait toujours insisté pour être présente dans tous les moments que nous traversions, bons comme mauvais. Si je découvrais aujourd’hui que Mary avait été une ange, je l’aurais cru sans problème. Mais elle n’avait pas d’ailes ou, en tout cas, ne les avait jamais montrées. En plus, elle avait peur du vide. Pour une ange, cela aurait été le comble. Avoir des ailes et être incapable de voler… Non, elle était tout ce qu’il y avait de plus humain sur cette terre, avec un cœur d’ange. Et j’étais heureux d’avoir pu partager une partie de mon existence avec elle. Penser à elle me rendit un peu triste. Ayant fait mon deuil, je parvenais à me remémorer les souvenirs avec positivisme et bonne humeur depuis que son assassin était en prison. Mais ce soir, ce fut avec une certaine mélancolie que mon cœur et mon esprit se rappelèrent de ma défunte épouse. Toutefois, je ne voulais pas casser l’ambiance et laisser penser à Harmony que je passais un mauvais moment avec elle, car ce n’était pas du tout le cas. Alors je chassai tant bien que mal mes pensées de ma tête, et me concentrai sur la conversation actuelle.
- Concernant cette fameuse chute pour laquelle tu te sens coupable… Tu ne devrais pas, c'est moi qui me suis mise à courir alors que je ne voyais pas grand-chose,assura la rouquine.
Oui mais bon… Elle rit de nouveau.
- Vraiment, regarde, tout va bien,insista-t-elle.Je n'ai juste plus de vêtements supplémentaires en bon état pour ne pas avoir froid cette nuit mais on verra bien, peut-être qu'il ne fera pas si froid.
Elle s’approcha un peu plus du feu, ramena ses jambes vers elle et posa le menton sur ses genoux. Je me tournai vers mon sac à dos, rangeai le kit de soin. Ensuite, je dégotai le sweat à capuche zippé que je lui avais prêté l’autre fois. Désormais propre et bien sec, il sentait encore bon la lessive car je ne l’avais pas remis depuis son passage en machine. Je le dépliai et le déposai sur les épaules d’Harmony.
- Tu le connais bien celui-là,commentai-je en rabattant la capuche sur sa tête.
Je fis exprès de la lui tirer jusque devant les yeux, histoire de l’embêter un peu. Et je repris mon sérieux. Je voulais parler un peu de sa situation, savoir ce qu’elle comptait faire pour ne plus avoir à se plaindre de ses parents.
- Pardon pour le sujet qui fâche mais dis-moi… Qu’est-ce que tu prévois de faire pour prendre ton indépendance ?demandai-je.Si la vie chez tes parents te pèse tant, qu’est-ce qui t’empêche de t’en aller ? Tu es assez grande pour décider seule de ce que tu veux vraiment. En plus, tu as un travail. Tu as peut-être de l’argent de côté pour louer un logement et t’installer ?
Posée au coin du feu m avec comme seuls bruits, ceux de la nature et le crépitement du feu. Je m'étais mise au plus proche de celui-ci, me recroquevillant et fermant les yeux. Je me sens bien, je suis détendue, je n'ai pas peur et j'ai confiance en Meyer. Cette sensation de bien-être est exquise. La seule chose qui pourrait arrêter cette sensation de bien être, c'est le froid de l'air. Pour le moment c'est supportable. Je sens alors quelque-chose sur ma tête, j'ouvre les yeux mais ma vue est obstruée. Il me dit que je le connais bien. Ah oui c'est sa veste. Je relève légèrement la capuche pour pouvoir voir de nouveau mais je la garde quand même sur la tête. J'enfile mes bras dans mes manches, je ferme la fermeture à glissière en rigolant.
Attention, à force je vais trop m'habituer à cette veste et je ne vais plus vouloir la rendre.
Je lui tire la langue le taquinant en retour. Finalement, il décide de remettre sur le tas un sujet qui fâche. Je reprends la capuche entre mes doigts et la remets devant les yeux, enfonçant ma tête vers ma poitrine.
Cette soirée est magnifique, pourquoi parler de ça ?
Je soupire. Il a raison, il faut que je réfléchisse à tout ça sérieusement et peut-être qu'il sera de bon conseil. Finalement, je relève ma capuche, regardant vers le ciel.
Tu as raison... Il faut que j'y songe mais... Ce n'est pas simple. J'y ai pensé à un moment mais j'ai lâché l'affaire. J'ai l'impression d'avoir une chaîne attachée à ma cheville...
Même partir pour battre de mes propres ailes, ce sera quand ils le voudront. Quand ils auront trouvé quelqu'un pour moi.
L'obstacle ne change pas ce sont mes parents. Ils accepteront que je parte lorsqu'ils auront trouvé un ange qui me correspond. Mais ça je crois qu'on en a déjà parlé... Et puis en y pensant, est-ce que je serais apte à vivre seule alors que j'ai vécu des années comme enfermée. Finalement, je connais encore trop peu de chose de ce monde.
Je me plonge quelques instants dans mes pensées. Je me sens assez mal à l'aise. Je détourne le regard, mon sourire à disparu.
Est-ce... Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose s'il te plaît... Cette soirée est si belle, ce serait dommage qu'elle soit gâchée.
Je souris, regardant Meyer, essayant de me montrer joyeuse mais mon sourire est triste même si j'essaye de montrer le contraire. Je finis par détourner le regard une nouvelle fois.
Elle enfila le sweat, prétextant qu’à force, elle finirait par s’y habituer et ne plus me le rendre. Puis elle se renfrogna, cachant davantage son visage sous la capuche.
- Cette soirée est magnifique, pourquoi parler de ça ?geignit-elle.
Je ne voulais pas l’importuner à ce propos mais j’étais curieux de savoir si elle voulait réellement prendre le contrôle de sa vie ou se laisser manipuler par ses parents. Je la connaissais à peine, cependant, je trouvais sa situation triste. Harmony me semblait être une personne généreuse, pleine de bonne volonté, désireuse de découvrir le monde et ouverte aux rencontres. Je trouvais extrêmement dommage qu’elle ne puisse pas profiter de sa vie comme elle l’entendait. Finalement, elle releva la capuche et regarda vers le ciel.
- Tu as raison… Il faut que j'y songe,dit-elle déconfite.Mais… Ce n'est pas simple. J'y ai pensé à un moment mais j'ai lâché l'affaire. J'ai l'impression d'avoir une chaîne attachée à ma cheville…
Mais pourquoi ? Quelle chaîne ?
- L'obstacle ne change pas, ce sont mes parents,poursuivit-elle en écho à ma question silencieuse.Ils accepteront que je parte lorsqu'ils auront trouvé un ange qui me correspond. Mais ça, je crois qu'on en a déjà parlé…
Oui et je trouvais ça complètement idiot. Quels parents agissaient encore de cette façon aujourd’hui ? Ce genre de mœurs datait d’une époque bien reculée, ou ne concernait que les bonnes familles. Peut-être Harmony faisait-elle partie de ces bourgeois contemporains mais mon point de vue restait le même.
- Et puis en y pensant, est-ce que je serai apte à vivre seule alors que j'ai vécu des années comme enfermée ? Finalement, je connais encore trop peu de choses de ce monde.
Il y avait un début à tout, et tout le monde partait à l’aventure à un moment ou à un autre, prêt ou non.
- Est-ce… Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose, s'il te plaît ?pria-t-elle d’une petite voix.Cette soirée est si belle, ce serait dommage qu'elle soit gâchée.
Elle sourit tristement et détourna le regard. Je l’observai un moment, dans un silence seulement rompu par le crépitement du feu et les petits bruits nocturnes de la nature. Et je poussai un léger soupir.
- Je ne voulais pas te saper le moral, désolé…
Je rouvris la bouche, hésitai, la refermai. Non, je n’allais pas insister. Peut-être un autre jour. En tout cas, c’était la deuxième fois que nous nous voyions. Elle avait l’air tellement heureuse d’être dehors, et malheureuse quand elle parlait de ses parents… J’avouais que ça m’inquiétait un peu. Et à mon avis, apte ou non, elle devait tenter de se lancer dans la vie d’adulte. Elle n’y était clairement pas, pour le moment, malgré son âge. Quel était le but de ses parents ? En la « préservant » de la sorte, ils ne faisaient que la fermer au monde, et alimenter son ignorance. Que ferait-elle une fois mariée à un inconnu dont elle ne serait peut-être jamais amoureuse ? Cet homme agirait-il comme ses beaux-parents ? Harmony poursuivrait-elle une vie contrôlée par quelqu’un d’autre ? Et même si son futur époux était quelqu’un de très gentil, serait-elle véritablement heureuse ? J’ajoutai une branche épaisse au feu. J’en faisais peut-être trop en me préoccupant ainsi de la situation d’Harmony. Après tout, je ne savais presque rien d’elle. Alors je décidai de la laisser tranquille et la faire profiter un maximum de cette nuit de camping. Un bruit attira mon attention. C’était mon téléphone portable au fond de mon sac à dos. Il y avait très peu de réseau dans cette forêt, difficile d’envoyer des messages ou d’appeler. Là, apparemment, ça fonctionnait. Je vérifiai mes notifications, en vis une de la part de Janna qui me souhaitait une bonne nuit. Je lui répondis, un sourire au coin des lèvres. Zoey et elle devaient bien s’amuser. Après avoir rangé le téléphone, je regardai Harmony qui n’était toujours pas dans son assiette. Bon, il fallait que je trouve quelque chose pour lui remonter le moral. C’était un peu à cause de moi si l’ambiance demeurait tendue. Je me levai, fis quelques pas autour de la tente en regardant vers le ciel. A certains endroits, les arbres étaient assez espacés pour donner le loisir d’observer les étoiles. Je repérai le meilleur endroit, à quelques mètres du feu. Ensuite, j’allai sortir mon sac de couchage et récupérer celui que j’avais laissé dans la tente pour Harmony. J’en ouvris un complètement, l’étalai par terre et m’assis dessus.
- Viens voir,dis-je à la jeune femme.
Tandis qu’elle me rejoignait, j’ouvris le deuxième sac de couchage. Et je l’invitai à s’allonger. Une fois fait, je la couvris avec et m’allongeai à côté d’elle, un bras plié sous la tête. De ma main libre, je pointai un doigt vers le ciel.
D’une certaine façon, je m’étais demandé pourquoi Meyer était revenu sur ce sujet sensible sachant qu’on en a déjà parlé ? Est-ce qu’il s’inquiète plus que je le pense ? Est-ce qu’il veut que je prenne mon indépendance pour m’affranchir de mes parents et que je sois vraiment heureuse ? Je ne sais pas, ça ne devrait pas lui importer grand chose. J’ai encore du mal à le cerner, il faut dire que ce n’est que la deuxième fois que je le vois. J’avais demandé à Meyer de changer de sujet pour ne pas ternir cette magnifique soirée. Peut-être que discuter avec lui de ce sujet m’aurait fait du bien, peut-être m’aurait-il soumis des idées ou même apporté des solutions. C’est une possibilité, mais pas ce soir, peut-être à un moment plus propice pour ce genre de conversation sérieuse et loin d’être amusante. Il s’excuse, malgré mon sourire, il avait bien compris que ce sujet me chagrine et me donne un coup au moral. Mince.
Ce n’est rien, tu n’as pas pensé à mal.
Dis-je tout simplement. Je ne sais pas quoi ajouter de plus. Un silence règne ne laissant la place qu’à la mélodie de la nature. J’aimerais le briser mais que dire ? J’entends Meyer commencer à s’agiter, fouiller dans son sac, se lever, faire un tour autour de la tente. Je le regarde faire me demandant ce qu’il mijote mais je ne pose aucune question. Il récupère son sac de couchage puis le miens. Il en étale un par terre sur lequel il s’assit. Il me dit de venir. Bon, ça va, il ne me fuis pas de nouveau. Je viens donc à côté de lui, m’allongeant sur le dos, tête à plat sur le sac de couchage? Il me recouvre ensuite. Cela me fait sourire légèrement. Un peu, la lune, les planètes, quelques constellations. Des choses que j’ai pu voir dans les livres mais… je n’ai pas eu l’occasion d’observer tout ça en vrai. Pour le coup, on voit plutôt bien les étoiles alors c’est peut-être l’occasion.
Dis-je en souriant. Clairement, le ciel était magnifique et propice à observer les étoiles. Je pointe alors le ciel du doigt.
Dis-moi si je me trompe, mais celle-là c’est l’étoile polaire ? Si c’est ça… Alors si je ne dis pas de bêtises, il devrait y avoir les constellations circumpolaire autour. Hum… La grande ours, la petite ours, le Dragon, Céphée, Cassiopée…Il me semble que c’est ça. Je ne suis pas sûre d’avoir tous les noms en tête.
Je regarde Meyer, j’ai peur de dire des bêtises.
Bon, il y en a pleins d’autres, plus de 80 je crois. mais si déjà j’arrive à voir celles que je t’ai cité ce sera déjà un début.
Je me mis à rire. Je ne pense pas être très douée pour reconnaître les constellations, je n’ai d’ailleurs jamais essayé. Mon regard reste rivé sur le ciel étoilé.
Apprends-moi de nouvelles choses, là-dessus, montre moi, je suis toute ouïe.
Mon regard reste rivé sur le ciel étoilé, le sourire aux lèvres et je suis comme émerveillée à l’idée d’en savoir plus.
- Un peu,répondit-elle.La lune, les planètes, quelques constellations. Des choses que j’ai pu voir dans les livres mais… je n’ai pas eu l’occasion d’observer tout ça en vrai. Pour le coup, on voit plutôt bien les étoiles alors c’est peut-être l’occasion.
Bon, au moins, j’avais réussi à la faire penser à autre chose. A son tour, elle pointa le ciel du doigt, en direction d’une étoile bien brillante.
- Dis-moi si je me trompe, mais celle-là c’est l’étoile polaire ? Si c’est ça… Alors si je ne dis pas de bêtises, il devrait y avoir les constellations circumpolaires autour. Hum… La Grande Ours, la Petite Ours, le Dragon, Céphée, Cassiopée… Il me semble que c’est ça. Je ne suis pas sûre d’avoir tous les noms en tête.
Je hochai simplement la tête. Ҫa me disait vaguement quelque chose mais je ne pouvais pas affirmer ses dires. Elle déclara qu’il y avait tout un tas d’autres constellations, plus de quatre-vingt, d’après elle.
- Mais si j’arrive à voir celles que je t’ai cité, ce sera déjà un début.
Elle pouffa de rire.
- Apprends-moi de nouvelles choses, là-dessus,demanda-t-elle intéressée.Montre-moi, je suis toute ouïe.
Je ris doucement.
- En fait, je n’y connais pas grand-chose,avouai-je en haussant les épaules.Ce que je sais, c’est que l’Étoile polaire correspond à la direction du pôle nord céleste. Et si tu regardes bien, elle est tout au bout de la Petite Ourse. Au bout du manche de la casserole, si tu préfères.
Je lui montrai ladite constellation, repris.
- Alpha Ursae Minoris, c’est le nom de l’Étoile polaire. Ursa Minor est celui de la Petite Ourse. Tu vois, c’est lié.
Nous observâmes le ciel pendant quelques secondes de silence. Je réfléchissais au peu de connaissances que j’avais.
- Je sais aussi qu’il y a une étoile polaire pour chaque hémisphère. Comme je viens de le dire, ici dans l’hémisphère Nord, c’est Alpha Ursae Minoris. Et pour le Sud, c’est Sigma Octantis, qui fait partie de la constellation de l’Octant.
Je regardai Harmony.
- C’est un truc qui ressemble à un triangle allongé, avec un morceau qui part en cacahuètes d’un côté.
Nous échangeâmes un rire.
- OK, ce n’est pas évident dit comme ça. Attends…
Je libérai mon bras de sous ma tête et joignis les mains. Avec mes doigts, j’essayai de former un triangle. Et je lui montrai où était l’étoile qui se trouvait en dehors du triangle. Difficile car il m’aurait fallu une troisième main. Mon illustration ne donna rien de bien joli et j’eus droit au rire moqueur de la demoiselle.
- Bon, merde,ricanai-je en perdant patience.En tout cas, l’étoile du Sud est beaucoup moins visible à l’œil nu, presque invisible en fait, ce qui fait que le Sud est plus difficile à repérer depuis l’autre hémisphère.
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