C’était décidé, aujourd'hui était le jour où on allait récupérer mes affaires et j’allais dire définitivement adieu à l’emprisonnement de mes parents. La nuit n’avait pas été de tout repos pour moi. Dans la chambre d’ami, j’ai été réveillée à plusieurs reprises, stressant pour la mission d’aujourd’hui. J’avais passé la nuit à tourner et tourner et encore tourner, dormant par intermittence. En me réveillant, j’avais quelques cernes mais ça ira. Pour le coup, je n’ai pas de maquillage pour camoufler tout ça. Je m’étais levée, passée un brin de toilette et habillée avec une robe que Meyer m’avait prêté. Je ne pouvais décemment pas aller récupérer mes affaires chez moi vêtue uniquement d’un long tee-shirt ou de ma nuisette. Comme je le pensais, je n’avais plus mal à la cheville donc ça tombait bien. J’avais fait le lit au carré, j’aime quand c’est rangé et propre et tout en harmonie. J’avais rejoint la cuisine et j’avais préparé des crêpes. Il faut dire qu’en passant mes journées enfermées, j’ai eu le temps d’apprendre et comme dirais ma mère “Il faut que tu saches cuisiner pour ton mari, tu seras une vraie femme à marier”. Mon dieu… Les crêpes prêtes, Meyer et Janna ont pu se régaler en se réveillant. Pour ma part je n’avais pas beaucoup mangé, j’avais l’estomac noué. Je m’étais forcée, pour ne pas partir le ventre vide, il allait me falloir de l’énergie mais ce matin, c’était compliqué. Lorsque le petit déjeuner se termina, on se prépara pour la suite. J’avais demandé à Meyer des sacs de course, pour pouvoir avoir de quoi transporter mes affaires. Bon, je pense qu’on est prêt. Début d’après-midi, on se met en route, Meyer derrière le volant, moi à côté, anxieuse, tentant de le cacher mais je pense que mes cernes en disent long. Une fois arrivés, je prends les sacs de course puis je vais récupérer la clé cachée dans le pot de fleurs puis j’ouvre la porte.
Bon, comme je le pensais, il n’y a personne.
Je soupire, soulagée. Je me dépêche de rejoindre ma chambre. Bon, il faut être efficace. Dans un sac je mets mes livres: romans, histoire d’aventures. Il y en a un bon paquet. On remplit rapidement deux sacs de course avec. Dans un autre je mets tout ce qui est carnets, crayons, aquarelles, peinture, même un chevalet. Et oui, il fallait bien s’occuper. Je récupère mes papiers aussi. Dans un sac encore, je récupère mes quelques paires de chaussures et vêtements, mon maquillage, affaires de toilettes. Dans un dernier sac je récupère quelques autres bricoles et on est bon. Je compte sur l’aide de Meyer pour m’aider à tout descendre dans la voiture. Une fois que c’est fait, je pars à la recherche de mon téléphone et de mon ordinateur dans les affaires de mes parents comme ils m’ont été confisqués. Je finis par les trouver et hop direction la voiture pour eux aussi. Je reviens déposer ma lettre mais c’est à ce moment précis que j’entends une voiture entrer dans l'allée. Je regarde Meyer, me mordant la lèvre inférieure.
Oh non…
Ce sont mes parents qui sont rentrés plus tôt que prévu. Mince…
Qu’est-ce qui se passe ici ?! Je vais appeler la police ! Qui vous a…
Dit-il en direction de Meyer, pensant qu’il était venu cambrioler la maison avant de me voir.
La fugueuse est revenue alors ! Monte dans ta chambre, on va avoir une discussion !
Non…
Dis-je de manière presque inaudible. Je reste figée sur place comme incapable de bouger.
Et vous allez vous en, avant que j’appelle la police. Dehors !
La maison Meyer passe à l'action ! Feat. - Harmony Blossom
Je ne me sentais pas au top de ma forme. Toute la nuit, j’avais réfléchi à ce qui nous attendait aujourd’hui. Harmony vivait à la maison depuis avant-hier soir. Et nous allions récupérer ses affaires cet après-midi, chez ses parents. L’angoisse… D’après elle, ils seraient au travail. J’espérais vivement qu’elle avait raison et qu’aucun imprévu n’allait nous mettre face à eux. Qu’étais-je sensé faire s’ils débarquaient pendant que nous ferions ses valises ? J’y avais réfléchi, pourtant, en me réveillant, aucune réponse ne m’était venue. Harmony semblait confiante sur le fait que tout se passerait bien. Je préférais m’attendre au pire, histoire d’être soulagé ensuite. En ce matin ensoleillé, mon amie l’ange prépara des crêpes pour tout le monde. Elle avait l’air de vouloir se montrer souriante et motivée. Mais ses cernes et son expression anxieuse quand le calme revenait en disaient long sur son moral. Elle avait emprunté une autre robe de Mary. Une taille unique, le tissu élastique, brodée de fleurs de toutes les couleurs, elle lui allait bien. J’eus un léger coup de déprime en la regardant, mélangeant sans le vouloir une vision partagée entre Mary et Harmony, bien que les deux femmes fussent différentes. Janna resta à la maison, cet après-midi. Mieux valait qu’elle ne vienne pas. Si jamais les parents d’Harmony arrivaient, je ne voulais pas qu’elle assiste à une dispute et des menaces. L’ange et moi partîmes en voiture, des sacs plein le coffre car elle ne possédait pas de valise. Je n’avais aucune idée de la quantité d’affaires qu’elle voulait emporter. Pourvu que le chargement fût rapide… Moins de temps nous restions là-bas, mieux ce serait. Une fois arrivés devant le portail de la maison, Harmony alla ouvrir. Il n’était pas verrouillé, heureusement. Je me voyais mal transporter les sacs de sa chambre jusqu’à la rue. Je me garai en marche arrière pour que nous fussions prêts à partir. Puis la rouquine alla récupérer une clé dans un pot de fleur, et ouvrit la porte d’entrée.
- Bon, comme je le pensais, il n’y a personne,dit-elle.
Je ne m’attardai pas sur la déco et la suivis à l’étage, jusqu’à sa chambre, avec les sacs. Deux d’entre eux servirent à y ranger des livres. Un autre fut rempli de carnets, crayons, aquarelles, peintures et chevalet. Un quatrième accueillit des paires de chaussures et elle entassa un maximum de vêtements dans les suivants, avec du maquillage et des affaires de toilette. Enfin, elle récupéra la pochette dans laquelle étaient rangés ses papiers, et nous descendîmes. Harmony disparut un instant afin de chercher son téléphone et son ordinateur dans les affaires de ses parents. Elle ne mit pas longtemps mais je stressais, debout à côté de la BMW dans laquelle j’avais tout chargé. Après avoir déposé l’ordinateur sur la banquette arrière, elle alla placer la lettre qu’elle avait préparé pour ses parents. Jusque-là, tout s’était très bien passé. Il ne nous restait plus qu’à monter dans la voiture et partir. Cependant, ce que nous craignions arriva : un véhicule s’engagea dans l’allée avec à bord, les parents de la demoiselle.
- Oh non…souffla-t-elle en pâlissant.
Apparemment, ils avaient décidé de rentrer plus tôt. Et merde…
- Qu’est-ce qui se passe ici ?s’enquit le père en descendant pour venir à ma rencontre, d'un pas furieux.Je vais appeler la police ! Qui vous a…
Il se tut en remarquant Harmony qui essayait de se faire toute petite derrière moi.
- La fugueuse est revenue, alors !dit sa mère d’un ton dédaigneux.Monte dans ta chambre, on va avoir une discussion !
L’ange marmonna un « Non » presque inaudible. Elle avait perdu toute contenance face à la colère de ses parents. Reprends-toi, Harmony… Ce n’est pas le moment de s’écraser…
- Et vous, allez-vous-en, avant que j’appelle la police,ordonna Monsieur Blossom à mon adresse.Dehors !
Ne pas m’énerver. Ce serait la pire des stratégies. Mais c’était difficile face à eux. Ils n’inspiraient aucune sympathie. Je me raclai la gorge, réfléchissant à toute vitesse à la meilleure façon de leur faire entendre raison, si cela était réalisable…
- Je n’irai nulle part sans elle,répondis-je d’abord, le plus calmement possible.
Ils me regardèrent avec des yeux ronds comme des soucoupes.
- Et de quel droit ?demanda le père en croisant les bras, signe évident qu’il n’était pas très ouvert à la conversation. - Parce qu’elle l’a décidé.
Évidemment, entendre dire que leur fille pouvait faire des choix sonnait comme une énormité pour eux.
- Ce n’est pas à elle de décider de…
Je l’attendais, cet argument.
- Elle est majeure et responsable,coupai-je sans élever la voix.Votre autorité parentale a pris fin le jour de ses dix-huit ans. La loi lui donne le droit de juger si elle est en capacité de partir d’ici ou non. Et vous ne pouvez pas l’en empêcher.
Sa mère eut un ricanement sans joie.
- Bien sûr, l’argument de la majorité ! Elle ne tiendra pas une journée dehors ! - Et à cause de qui ?répliquai-je en sentant les doigts d’Harmony se resserrer sur le bas de mon tee-shirt.Vous avez tout fait pour l’empêcher de penser par elle-même et lui faire croire que son seul monde est cette maison. Vous savez comment on appelle ça ?fis-je alors que Madame Blossom ouvrait la bouche.De la séquestration., un crime puni par la loi. Loi dont Harmony peut très bien se servir pour défendre ses intérêts parce qu’elle est légalement capable de le faire.
Je priai intérieurement pour que mon amie ne montre aucun signe trahissant le doute concernant une réelle envie d’attaquer ses propres parents en justice. Je ne voulais pas en arriver là mais le but était d’être clair à ce sujet avec eux, afin qu’ils comprennent que cette histoire pouvait aller très loin et leur coûter cher s’ils s’opposaient à l’émancipation de leur fille. Car ils n’avaient rien à gagner. Au contraire…
Le plan se déroulait comme prévu. Les affaires étaient récupérées et mises dans la voiture, j’avais récupéré quasiment tout le totalité de mes affaires. Je n’en avais pas énormément mais quand on essaye de les récupérer le plus rapidement possible et en essayant d’éviter des parents trop possessifs, c’est plus compliqué. Malheureusement, ce qu’on redoutait arriva, mes parents sont rentrés et n’étaient pas contents après moi et Meyer ne fut pas épargné. Mon père lui avait demandé fermement de partir. Je sentais l’angoisse monter en moi. J’étais comme tétanisée, incapable de répondre quoi que ce soit, ni même de bouger. Je m’étais complètement écrasée, mon “non” lorsque ma mère m’a dit de monter dans ma chambre n’avait aucune crédibilité. C’est comme si ma voix m’avait abandonné alors que je veux partir d’ici, je le veux plus que tout. J’ai découvert la liberté et je veux la garder. Et c’est là que j’entendis Meyer leur répondre. Je le regarde, admirative, il n’a pas de mal à leur dire ce qu’il pense. Il avait les arguments pour rétorquer ceux de mes parents. Je me suis rapprochée de lui, serrant le bas de son tee-shirt entre mes doigts. Il en rajoute une couche, il sait ce qu’il dit, il n’y a aucun doute dans ses paroles. Il tient sa promesse, il va m’emmener avec lui. Allez Harmony, il t’a aidé, c’est à toi maintenant de dire quelque chose. Je sens la confiance me revenir rien que par sa présence. Tête baissée, de derrière Meyer, je me place à présent à côté. Je relève la tête, les regardant droit dans les yeux. Mon regard est sérieux, même sévère.
Depuis toute petite vous m’avez enfermé sous prétexte de vouloir me protéger mais j’ai goûté à la vie et à la liberté et plus personne ne m’en privera. S’il faut que j’aille porter plainte, je le ferai.
Tu crois que tu impressionnes quelqu’un ici ? Petite malheureuse. Tu veux partir avec cet inconnu. Cet humain ou se lycan ou vampire, un mangeur de viande, une créature qui aime le sang et qui te bouffera quand il en aura l’occasion, incapable de sentiment.
Mais père je l’aime !
Je mets mes mains devant ma bouche, moi même surprise par mes paroles, cependant vraies, qui venaient de sortir de ma bouche. Je détourne le regard.
Quoi ? Aurais-tu perdu l’esprit ? Une ange avec…
Je relève mon regard dans le sien, je n’ose pas croiser celui de Meyer.. Allez, il faut que je mette un terme à cette conversation une bonne fois pour toute.
La maison Meyer passe à l'action ! Feat. - Harmony Blossom
Je pensais qu’Harmony resterait muette. Mais à ma grande surprise, elle fit un pas de côté pour faire face à ses parents. La peur avait fait place à une lueur de courage et de haine certainement animée par l’adrénaline. Et quand elle prit la parole, ce fut d’une voix forte, assurée.
- Depuis toute petite, vous m’avez enfermée sous prétexte de vouloir me protéger mais j’ai goûté à la vie et à la liberté, et plus personne ne m’en privera. S’il faut que j’aille porter plainte, je le ferai.
Elle avait dit l’essentiel. Néanmoins, cela ne parut pas impacter les deux autres.
- Tu crois que tu impressionnes quelqu’un ici ?ricana son père.Petite malheureuse. Tu veux partir avec cet inconnu ? Cet humain ou ce lycan ou vampire, un mangeur de viande, une créature qui aime le sang et qui te bouffera quand il en aura l’occasion, incapable de sentiment !
Mon cœur fit un bond de rage. Encore un imbécile qui se permettait de juger sans savoir. Je serrai les poings, luttant de toutes mes forces pour ne pas céder et lui mettre une bonne droite bien méritée. Par contre, je n’allais pas me laisser insulter de cette façon ! Pour qui se prenait-il cet enfoiré de mes…
- Mais Père, je l’aime !
… deux. Pardon ? Je baissai les yeux sur Harmony qui plaqua ses mains sur sa bouche, visiblement choquée par ses propres paroles. Et elle ne fut pas la seule. Tout le monde ici, moi compris, sembla se demander si elle avait lâché ça sous le coup de l’émotion sans vraiment le penser ou si elle demeurait vraiment sincère. Dans les deux cas, cela me perturba assez pour me faire oublier instantanément la raison pour laquelle j’étais énervé.
- Quoi ?fit Monsieur Blossom, recouvrant l’usage de la parole après un silence extrêmement tendu.
Sa mère avait l’air sur le point de s’évanouir d’horreur.
Elle ne devait pas souvent lui couper la parole car cela le mit hors de lui, et il se précipita vers elle.
- Tu vas voir ce que tu vas voir, espèce de petite…
Il tendit la main, espérant lui attraper le bras et la ramener chez eux – non sans certainement lui mettre une gifle au passage. Mais avant qu’il ait pu l’atteindre, je posai ma main sur l’épaule d’Harmony et l’attirai derrière moi en faisant un pas en avant. Je m’attendais à ce qu’il rétorque, m’insulte ou trouve un autre argument susceptible de la faire culpabiliser. Mais pas à ce qu’il agisse. Et ça, je ne pus l’accepter. Il se stoppa net, et recula même de quelques mètres quand il vit que mes iris avaient viré au doré.
- Qu… qu’est-ce que vous allez faire, hein ?bégaya-t-il mi effrayé, mi irrité.Vous n’avez aucun droit ! Vous êtes chez moi, ici !
Sa femme alla à sa rencontre et resta derrière lui, accrochée à ses épaules, comme si elle voulait s’en servir de bouclier si jamais je me jetais sur eux. Elle était en train de jouer la carte de l’innocente terrorisée alors qu’elle savait très bien que je n’attaquerais pas. Si son père tentait de convaincre Harmony par les menaces, elle avait l’air d’avoir choisi l’option victime de la situation. Comme si ça allait me faire fléchir. La rouquine, par contre…
- Monte dans la voiture,lui dis-je sans quitter ses parents des yeux.
Mon ton était sec, tranchant mais je fus incapable de lui parler gentiment à cause de mon aversion envers ses parents. Je ne voulais pas qu’elle pense que j’étais en colère contre elle parce que ce n’était pas le cas. Mais là, je devais avouer que j’avais du mal à me contenir.
- Tu n’iras nulle part !tonna son père en pointant un doigt agressif dans notre direction. - Monte,insistai-je avant que la demoiselle eût le temps de tergiverser. - Je vous poursuivrai en justice ! - Et vous perdrez plus que ce que vous croyez,ripostai-je.Mais allez-y, je vous attends.
De la provocation non nécessaire et plutôt risquée. Quoi que… Au moins, il voyait que j’étais très sérieux et sûr de moi.
La situation était en train de virer à la catastrophe. Mes mots m’avaient échappés, j’avais dit ouvertement ce que je ressentais de Meyer alors que même moi j’avais été incapable jusque là de mettre des mots dessus. En voulant être courageuse, j’avais empiré les choses mais je devais assumer. Ça avait été dit et c’est ce que je pensais. La réaction de mon père ne se fit pas attendre puisqu’il fonce droit sur moi. Pétrifiée, je n’ose pas bouger et c’est Meyer encore une fois qui intervient en me mettant derrière lui et faisant un pas en avant. Il avait tout le courage que je n’avais pas. Je vis ses yeux virer au doré, ses yeux que je trouvais magnifiques aujourd’hui faisaient peur à cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je ne sais pas quoi faire ni quoi dire pour apaiser les choses. Aujourd’hui, il n’y aura plus de retour en arrière possible. Alors que je réfléchis à quoi faire Meyer me dit de monter dans la voiture sur un ton sec et tranchant. Jamais je ne l’avais entendu parler ainsi. Entre mes parents et mes paroles qui n’ont pas dû lui plaire, il y a de quoi être en colère mais… ça faisait un peu peur quand même. Mon père voulait m’en empêcher mais Meyer insista. Je jette un dernier regard à mon père avant de filer vers la voiture.
Adieu.
Je quitte la maison et m’assois côté passager, attachant déjà ma ceinture. Je sens mon coeur battre fort dans ma poitrine. J’espère ne pas avoir brisé la bonne relation qu’il y avait entre nous.J’attendais qu’il arrive, regardant… Mes genoux pour ne pas avoir à affronter son regard. La mission de récupération des affaires avait été un succès mais le reste un échec. J’avais hâte de retrouver Janna qui est une vraie bouffée d’oxygène, lui parler de ma gaffe et… Et je ne sais pas en fait… Si seulement j’avais réussi à tenir ma langue, si seulement mes parents n’étaient pas comme ça. Trop de facteurs ont joué contre nous… J’espère qu’avec le temps les choses s’arrangeront…
La maison Meyer passe à l'action ! Feat. - Harmony Blossom
Harmony recula vers la voiture.
- Adieu,dit-elle à ses parents.
Et elle grimpa à l’intérieur. Il n’y avait plus rien à dire. La situation était déjà assez catastrophique, mieux valait ne pas en rajouter. Alors je suivis le mouvement et tournai le dos aux Blossom, non sans les avoir une dernière fois fusillé du regard. Ils ne tentèrent rien pour nous arrêter. Je démarrai et nous abandonnâmes les lieux. Le trajet jusqu’à la maison se déroula dans le plus grand des silences. Harmony avait la tête baissée, les yeux rivés sur ses genoux. De mon côté, j’essayai de faire le vide et de me calmer. Il le fallait, je n’avais pas envie de mettre une mauvaise ambiance à la maison quand nous arriverions. Mon amie n’y était pour rien, et Janna encore moins. Cette dernière nous attendait, impatiente de savoir si Harmony allait revenir parmi nous ou non. Je vis le soulagement éclairer son visage quand nous descendîmes de la voiture que j’avais laissée dans l’allée, devant la porte du garage. Habillée mais en chaussons, ma fille se jeta dans les bras de l’ange.
- Tu as pu récupérer tes affaires ? Je vais t’aider à ranger !décida-t-elle avant d’aller ouvrir le coffre.
Elle me gratifia d’un câlin aussi. Cela eut le don de m’apaiser instantanément.
- Tiens, prends ça, ce n’est pas lourd,dis-je en lui donnant un sac qui se trouvait au-dessus des autres.
Elle le prit et rentra dans la maison en passant par la porte d’entrée. Je donnai son ordinateur à Harmony qui, malgré l’accueil de Janna, paraissait toujours un peu désorientée. D’un geste incertain, je posai un instant ma main sur le côté de son épaule.
- Repose-toi,recommandai-je, calmement cette fois.Je m’en charge.
De toute façon, les autres sacs étaient trop lourds. Je fis quelques voyages pour déposer le tout dans la chambre d’amis. Harmony n’avait plus qu’à s’installer comme elle le voulait. Janna avait déjà compris qu’il valait mieux l'occuper en l’aidant à placer ses affaires. Elles passèrent près de deux heures ensemble. Je les entendais discuter. La rouquine semblait encore perturbée mais la communication avec ma fille fut animée. Si cela pouvait lui permettre de se détendre et penser à autre chose… Pour ma part, je m’activais à ranger un peu la maison et quand j’eus fini, je rejoignis les filles. Je n’avais jamais vu la chambre aussi… vivante. D’habitude si sobre parce que complètement vide, sans compter le lit et l’armoire, il y régnait à présent une tout autre atmosphère. Harmony retrouvait la sécurité de son monde personnel. Et désormais, elle pourrait le quitter quand elle le voudrait pour découvrir le monde extérieur. Sans contraintes, comme cela aurait dû être le cas depuis des années. Elle me tournait le dos, un carnet à dessin dans la main qu’elle montrait à la blondinette. Celle-ci me vit sur le pas de la porte et m’accorda un regard compréhensif.
- Je vais aux toilettes,dit-elle à l’ange.
Elle sortit de la chambre, me donnant deux tapes sur le ventre au passage. J’eus un demi sourire, entrai. Comme elle ne m'avait pas remarqué, Harmony eut un léger sursaut quand je l’enlaçai, croisant mes bras sous sa poitrine. Je fus incapable de parler de ce qu’elle avait avoué à ses parents tout à l’heure. Je ne savais pas quoi en penser, ni comment y réagir. C’était trop soudain et je doutais encore de ma capacité à éprouver des sentiments aussi forts que pour ma défunte épouse. En vérité, malgré les années écoulées et le fait que mon deuil eût été accompli, je n’étais toujours pas préparé à l’éventualité qu’un jour ou l’autre, quelqu’un pourrait occuper ma vie et mon cœur comme l’avait fait Mary. Peut-être avais-je besoin de temps avec Harmony… Perdu dans mes songes, je mis du temps à prendre enfin la parole, à voix basse. L’important dans l’immédiat était que l’ange s’adapte à la vie ici, désormais.
- Ҫa va aller,fut le seul encouragement qui me vint à l’esprit à ce moment-là.
Une fois installée dans la voiture, je ne bougeai plus. Meyer m’avait rapidement rejoint. Pas un son, rien, silence complet pendant tout le trajet. Je n’osais plus lui parler ni même le regarder. Tête baissée, je regardais mes pieds pour être sûre de ne pas croiser son regard. Son ton avait eu quelque chose de terrifiant et je ne sais pas si ça s’est arrangé, je ne pense pas.Le trajet me sembla durer une éternité. J’avais hâte qu’on arrive pour quitter cette atmosphère et ce silence pesant. On finit enfin par arriver. Une fois garé, je descends de la voiture. Constatant la présence de Janna, je ne veux pas qu’elle ressente le malaise qu’il y a entre nous. Et quand elle se jette dans mes bras, je l'accueille avec un petit sourire discret. Elle me demanda si j’avais récupéré mes affaires et était décidée à m’aider à les ranger.
Oui… Et merci…
Janna récupéra un sac assez léger pour le transporter. Je voulais faire de même mais en posant sa main sur mon épaule il m’invita à me reposer. Je ne répondis rien et je prends quand même un sac. C’était un peu lourd mais je ne me voyais pas ne rien prendre. Alors sans lui demander son avis, j’ai pris un sac et je me suis dirigée vers la chambre d’ami, pas un mot ne sortit de ma bouche. J’en étais incapable. J’avais fait assez de dégâts comme ça. J’avais rejoins Janna et toutes les deux on rangea rapidement mes affaires. Mes vêtements étaient rangés par catégorie dans l'armoire et… Il faut dire que c’était un peu pauvre. Des étagères étaient encore libres. Il faudra que je vois pour faire un peu de renouveau, avec Janna comme on en avait parlé. Mais pas aujourd’hui, ce n’est pas la peine d’y penser. Le shopping peut durer longtemps alors on aura intérêt à prévoir une journée. Celle d'aujourd'hui était bien trop entamée. J’avais rangé mes affaires de toilettes et mes cosmétiques dans la salle de bain. Dans la chambre j’avais entreposé mes livres sur des étagères et pour finir j’avais installé mon chevalet ainsi qu’une toile blanche. Mes autres peintures, j’en avais accroché aux murs c’était coloré et assez joli, des paysages surtout. Le peu que je sortais, j’imprimais dans mon esprit et dans mon carnet à dessins ce que je voyais et je le reportais sur toile comme ça quand ça me prenait. Chaque jour j’avais une vision du monde extérieur. Une fois tout bien rangé et accroché, je montre à Janna mon carnet à dessin, il y en a des mieux réalisés que d’autres mais je progresse doucement. Elle me dit alors qu’elle va aux toilettes. J’acquiesce d’un signe de tête pensant simplement l’attendre là. J’étais contente d’avoir pu rangé et passer un peu de temps avec elle même si je n’en restais pas moins perturbé parce qu’il s’est passé tout à l’heure. J’ai essayé de ne rien montrer mais je pense qu’elle doit se douter de quelque chose. Elle ne dit rien pour éviter la catastrophe d’hier je suppose. Je sursaute quand je sens des mains m’enlacer. La carrure… Ce n’est pas Janna, c’est Meyer. J’entrouvre les lèvres pour dire quelque chose mais je les referme instantanément. Autant ne pas remuer le couteau dans la plaie. Il finit par me dire “ça va aller”... Ça doit vraiment se voir beaucoup que je suis mal à l’aise et je peux difficilement le cacher. Je me dégage alors des bras de Meyer.
Je vais à la douche.
Je file alors à la salle de bain. Une excuse bidon c’est le seul échappatoire que j’ai trouvé. Tant pis, maintenant que je suis dans la salle de bain, autant y aller pour de vrai… Je me déshabille posant mes affaires dans un bac de linge sale. Ensuite je file sous la douche. Ce n’était pas plus mal, entre l’excursion chez moi puis le rangement, je pense qu’une bonne douche est la bienvenue. Je prends le temps qu’il me faut, me lavant les cheveux, le corps. Une fois finie, j’essaye de sécher les cheveux avec la serviette, tandis qu’une deuxième est enroulée autour de ma taille. Je libère finalement mes cheveux et laisse la serviette s' étendre. Par contre, dans la précipitation je n’ai pas pris de vêtements de rechange… Mince. Bon… Je n’ai plus qu’à compter sur ma serviette et celle-ci cache juste ce qu’il y a à cacher, pas plus. Bon… Quand faut y aller, faut y aller. Et c’est encore les cheveux légèrement dégoulinants d’eau et en serviette que je sors de la salle de bain pour rejoindre ma chambre. Je croise rapidement Meyer mais comme j’en ai l’habitude depuis que l’on est rentré, je détourne le regard.
La maison Meyer passe à l'action ! Feat. - Harmony Blossom
Il y eut un silence, puis…
- Je vais à la douche.
Elle se libéra de mes bras et s’enfuit à la salle de bain. Soit. Je ne pouvais pas lui en vouloir, après ce qu’elle venait de vivre. Toutefois, une pensée me vint à l’esprit face au fait qu’elle cherchait à m’éviter, et cela ne concernait pas sa révélation. Je l’avais défendue contre ses parents, faisant tout pour rester le plus serein possible, ne pas m’énerver, et surtout ne pas utiliser la violence – moi qui résolvais tout de cette façon à une époque. Mais je n’avais pas pu empêcher mes yeux de changer de couleur à cause de l’indignation que suscitait le comportement des Blossom envers leur fille. Ce seul acte pourtant non contrôlé pouvait effrayer n’importe qui. Harmon pensait-elle vraiment que j’allais m’en prendre physiquement à ses parents ? Même si je les détestais, jamais je n’oserais. Jamais sans son accord… Je ne savais plus quoi en penser. Et malheureusement, cette histoire était loin d’être terminée. Ses parents nous avaient laissés partir mais à mon avis, ils ne s’en tiendraient pas là. S’ils souhaitaient absolument récupérer la demoiselle, ils finiraient par trouver le moyen d’y parvenir. Je soupirai tandis que l’eau commençait à s’écouler dans la pièce d’à côté. Bon. Fini de cogiter, ça ne faisait que me donner mal au crâne.
- Ҫa va, Papa ?demanda Janna quand je la rejoignis à la cuisine. - Ҫa aurait pu être pire…relativisai-je en consultant le planning des repas aimanté au frigo.Tu veux t’occuper du sauté de porc aux olives ?
Elle acquiesça.
- Je vais m’y mettre maintenant, pour le faire mijoter plus longtemps.
Bonne idée. Tandis que je m’occupais de couper la viande en petits morceaux, Janna se chargea des légumes. Lorsque tous les ingrédients furent prêts, je lui laissai faire le reste. Elle adorait cuisiner. Et, tout comme sa mère, elle avait un certain talent dans ce domaine. Je profitai d’un peu de temps libre pour m’affaler sur le canapé et traîner sur le téléphone. Une dizaine de minutes plus tard, une agréable odeur de nourriture commença à flotter dans la maison. Je me levai et retournai auprès de Janna qui assaisonnait son plat.
- Qu’est-ce que tu en penses ?demanda-t-elle en me laissant approcher.
Je regardai à l’intérieur de la mijoteuse électrique. Tout était visiblement prêt à cuire pour au moins quatre heures.
- Perfekt,commentai-je.
Elle la mit en route et posa ses mains sur ses hanches, visiblement très fière d’elle.
- Bon, je vais réviser.
Elle retira son tablier. Elle le pendit au crochet qui se trouvait sur la porte qui menait au cellier, et fila dans sa chambre. J’avais envie d’une cigarette. Je décidai d’aller la fumer devant la maison, suivant d’un regard désintéressé les quelques voitures qui passaient dans le quartier. Je fis un signe de la main au voisin d’en face, un grand fan de mécanique auto. Il était justement en train de bricoler dans son garage ouvert. Je ne restai pas longtemps dehors. Quand je retournai dans la maison, Harmony sortait de la salle de bain, une serviette enroulée autour de son corps, les cheveux mouillés. Elle détourna le regard et se pressa d’aller vers sa chambre.
- Harmony,fis-je en allant l’attraper par le poignet.
Je devais faire mieux en termes de réconfort.
- Rien de ce qu’il s’est passé tout à l’heure n’est de ta faute,déclarai-je à voix basse, à la fois pour ne pas déranger Janna qui révisait à côté, et pour ne pas qu’elle écoute notre échange.Si tes parents tentent quoi que ce soit pour te reprendre, je les en empêcherai.
Elle n’osait toujours pas me regarder. Mais je ne voulais pas la forcer à le faire. Je fis glisser mes doigts de son poignet jusqu’à sa main. Même si cela paraissait évident, je devais lui dire clairement ce que signifiait sa présence ici désormais. Parfois, mettre les mots sur les choses avait un meilleur impact.
- C’est chez toi ici. Et tu n’y es pas emprisonnée. Tu rentres et tu sors à ta guise. Et tu n’as d’ordre à recevoir de personne.
Sortie de la salle de bain, j’espérais ne croiser personne et encore moins Meyer que j’évitais depuis que nous étions rentrés. Il est revenu vers moi, essayant de faire comme si de rien n’était mais de mon côté je n’en étais pas capable. Je sentais bien qu’il y avait une tension entre nous et j’étais dans l’incapacité de l’apaiser. Je suis tellement désolée Meyer… Tu n’as rien fait de mal et je te fuis… En sortant, la délicieuse odeur de la nourriture arrive jusqu’à mon nez mais mon estomac était trop noué pour avaler quoi que ce soit. En plus de cela, mon regard croisa celui de Meyer. Je le détournai instantanément, voulant fuir vers ma chambre. Une main tenait ma serviette tandis que mon poignet rattaché à la deuxième fut saisi par Meyer. Alors qu’il me parle en me disant que rien de ce qu’il s’est passé est de ma faute, qu’il m’explique que si mes parents tentent quelque chose, il les empêchera de me reprendre, pendant qu’il me parle, je suis toujours incapable de le regarder dans les yeux ni même de répondre. Sa main si chaude vient rejoindre la mienne et je la serre très légèrement. Il ajoute qu’ici c’est chez moi et que je suis libre. Je l’ai bien compris mais ce malaise présent depuis cet après-midi me rend malade. Mais n’est-ce pas moi qui agrémente ce malaise ? Je reste silencieuse. Allez Harmony, réponds-lui quelque chose. Il est revenu vers toi à plusieurs reprises, c’est à toi de faire quelque chose maintenant. Ma seconde main se serre sur la serviette. Je relève la tête, le regardant dans les yeux, timidement.
Je… Je l’ai bien compris et je t’en remercie. Mais… J’aurais préféré que tu ne vois rien de tout ça et… N’entende rien…
Je détourne de nouveau le regard, rougissant légèrement, me mordant la lèvre inférieure. Je faisais allusion à la déclaration de mes sentiments que je pensais garder pour moi et ne jamais révéler.
En l’espace de quelques instants j’ai tout gâché entre nous et… J’ai empiré la situation et… Tu m’as fait peur je l’avoue… Mais je savais… Je savais que tu n’aurais rien fait de mal, je n’ai jamais eu aucun doute là-dessus. Et j’ai…
Je laisse planer un silence. Je dégage ma main de la sienne. Je rejoins ma chambre, une fois dans l'entrebâillement de la porte, je lui jette un dernier regard.
J’ai surtout peur de te perdre…
Je rentre dans ma chambre, m’adossant au mur, comme pour me cacher. C’était dit, encore une fois… Je ressens le besoin que ça sorte même si j’ai peur de faire une erreur…
La maison Meyer passe à l'action ! Feat. - Harmony Blossom
Je crus ressentir une légère pression de ses doigts sur les miens. Elle hésita et leva enfin les yeux vers moi. Ils étaient remplis de tristesse.
- Je… Je l’ai bien compris et je t’en remercie,répondit-elle d’une petite voix.Mais… J’aurais préféré que tu ne vois rien de tout ça et… n’entende rien…
Ses joues rougirent et elle détourna de nouveau le regard. Au final, peut-être aurais-je préféré ne rien entendre non plus. Maintenant, ma tête et mon cœur étaient un capharnaüm sans nom.
- En l’espace de quelques instants, j’ai tout gâché entre nous,reprit-elle.Et… J’ai empiré la situation et… Tu m’as fait peur, je l’avoue… Mais je savais… Je savais que tu n’aurais rien fait de mal, je n’ai jamais eu aucun doute là-dessus. Et j’ai…
Elle se tut, ne sachant plus quoi dire. Finalement, elle recula, coupant le contact entre nous, et passa l’encadrement de la porte de sa chambre.
- J’ai surtout peur de te perdre…souffla-t-elle.
Elle entra et referma derrière elle. Je restai planté un moment dans le couloir. Les mots étaient coincés dans ma gorge. La peur qui prenait le dessus sur mes sentiments m’empêchait de m’exprimer sincèrement. J’avais réussi à les réprimer concernant Sofia, et cela avait été facile parce qu’elle aimait déjà quelqu’un d’autre. Mais là, c’était différent. Et difficile.
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